Le sujet
Le modèle social français est-il à bout de souffle ?
Les attentes du jurys
Le sujet proposé renvoie à la troisième partie du module IV du programme de 2ème année qui a trait aux politiques sociales. Les 3 chapitres de cette partie : « justice sociale et légitimation de l’intervention publique », « les politiques de lutte contre les inégalités » et « Etat-providence et protection sociale » pouvaient, avec profit, être mobilisés.
Le sujet est transversal. Il était donc recommandé d’en saisir à la fois les dimensions historiques, sociologiques et économiques.
Il est important de bien définir en introduction les termes du sujet. Ici, « le modèle social français » et « à bout de souffle ». Si le modèle social français est « à bout de souffle », c’est sans doute parce qu’il a bien fonctionné pendant un moment (notamment pendant la période des « trente glorieuses » (1945-1975)) mais que celui- ci doit être réformé en raison d’une inadaptation aux changements de l’environnement économique et social. Depuis le début des années 1980, les économies avancées ont, en effet, été frappées par des forces transversales – intensification des échanges internationaux avec les économies émergentes, biais technologique favorisant la main-d’œuvre très qualifiée et mouvement de désindustrialisation – qui remettent profondément en question leurs équilibres antérieurs, notamment en ce qui concerne l’emploi et la protection sociale. Cela se traduit, en Europe comme outre-Atlantique, par des pressions à la hausse du chômage et des inégalités de revenus. Pourtant, face à ces défis globaux, tous les pays ne semblent pas afficher la même vulnérabilité. C’est la raison pour laquelle une démarche comparative (entre thèse néolibérale et courant néo-institutionnaliste) pouvait être entreprise. Mais, avant de savoir comment le réformer, peut-il l’être ? Le mouvement des « Gilets Jaunes » et les protestations contre la réforme des retraites pouvaient dans ce contexte être utilement mentionnés. On pouvait également s’attendre au traitement de la question des crises : comment un modèle social stabilise automatiquement, et plus ou moins efficacement, le système en période de récession ? L’exemple récent de la crise sanitaire pouvait être mobilisé.
Remarques de correction
a) Pour les points positifs
La dimension sociologique du sujet est dans l’ensemble bien maîtrisée. Durkheim, Bourdieu, Dubet, Mendras, Rawls, Paugam, Castel, d’Iribarne, Esping-Andersen, Tocqueville, Rosanvallon etc… autant d’auteurs mobilisés, et souvent à bon escient.
Bonne connaissance en général de l’histoire du modèle social français qui repose sur deux principes : l’assurance (soit l’approche bismarckienne) et l’assistance (ou la solidarité) (qui relève de la logique beveridgienne). La particularité du modèle français est donc d’être dual : il repose sur l’assurance (vieillesse, chômage, maladie) pour les actifs (et leur famille) qui cotisent pour être protégés contre certains aléas de la vie et sur l’assistance pour ceux qui vivent en dessous d’un certain seuil de revenus.
Quelques excellentes analyses sur les trappes à inactivité (ou à chômage), le triangle d’Iversen et Wren, la flexisécurité scandinave, la société de défiance de Cahuc et Algan. En général, les réflexions sur la justice sociale et les auteurs essentiels (Rawls, Sen) sont bien maîtrisées. Dans cette perspective, le mouvement des « Gilets Jaunes » est souvent bien analysé.
Les conclusions sont plus soignées qu’auparavant.
b) Pour les points négatifs
Alors que la sociologie est le plus souvent correctement mentionnée, trop de candidats ne mobilisent pas avec rigueur l’analyse économique. Il faut insister sur le fait qui si un intitulé peut, au premier abord, paraître plus « social » ou « sociologique » que d’habitude, il ne faut pas négliger l’analyse économique qui devient donc très discriminante d’une copie à l’autre, surtout sur ce sujet qui regorge d’économistes comme de données empiriques pertinentes à mobiliser. Du coup, les copies qui sont précises et en lien avec les dimensions économiques du sujet (chômage, inégalités, financement de l’Etat-providence, compétitivité de notre modèle social dans la mondialisation, …) ont été nettement valorisées par rapport aux copies qui se contentent de rester dans le flou – voire vis-à-vis des copies qui ne mentionnent aucune référence économique.
Les données statistiques utilisées sont peu précises : pas de dates, pas de sources. Beaucoup d’erreurs concernant les données chiffrées des indices de Gini, de la part des dépenses sociales dans le PIB, de Piketty relatives aux inégalités, …
Beaucoup d’introductions sont insuffisantes. Beaucoup de copies ne la structurent pas du tout, ne problématisent pas, ne s’interrogent pas sur les termes du sujet…
Des candidats utilisent parfois une encre trop claire, peu lisible donc, ou alors possèdent une écriture très peu soignée.
c) exemples de plans
Le plan le plus fréquemment utilisé structurait le devoir en trois parties. Les deux premières présentaient les forces et les faiblesses du modèle social français en essayant d’établir un « solde » positif ou négatif. L’enjeu était plutôt dans la troisième partie sur la résolution des problèmes et le traitement des faiblesses du modèle social. Certains candidats ont proposé une analyse plutôt radicale ou libérale, fondée sur les travaux de Malthus et Hayek (plus de flexibilité sur le marché du travail, un système social moins généreux,…), d’autres ont proposé qu’en appliquant le principe de subsidiarité, la politique sociale devienne une compétence européenne, d’autres encore, s’inspirant de Eloi Laurent, ont proposé de renforcer l’Etat-providence dans le sens de la sociale- écologie, c’est-à-dire adapter l’Etat social écologique au développement durable en luttant contre les externalités négatives environnementales, en indemnisant les populations qui en ont besoin et en mettant en place une fiscalité écologique adaptée.
Un plan plus simple mais moins adapté à l’analyse du sujet consistait à reprendre l’analyse de Pierre Rosanvallon (la crise de l’Etat-providence, 1981) en structurant le devoir en trois parties : le modèle social français affronte des difficultés budgétaires depuis le début des années 1980 (1), Le modèle social français n’est pas toujours efficace (2), le modèle social français connaît une crise de légitimité (3).
Conseils aux futurs candidats
Bien définir les termes du sujet.
Dans l’introduction, la construction d’une problématique est essentielle. C’est la condition pour bien hiérarchiser les arguments présentés et éviter que les idées s’enchaînent sans cohérence.
Soigner l’écriture, le devoir doit être lisible. Relire la copie afin de corriger d’éventuelles fautes d’orthographe.
Les graphiques doivent être clairs. Ils participent à illustrer la démonstration. A cet égard, la courbe ISLM n’avait qu’un rapport très lointain avec le sujet.