Alors que le masque n’est censé être qu’un moyen de protection face à une pandémie dévastatrice, cet accessoire jetable recèle en réalité bien plus de pouvoirs que ce que l’on pourrait croire. Dévoilé lors d’une pénurie mondiale, transformé en une nouvelle mode qui touche tous les âges, comment ce petit objet a-t-il révélé au monde un nouvel ordre mondial ?
L’histoire du masque
Le masque de protection a existé de tout temps. Déjà pendant l’empire romain, il était utilisé au fond des mines pour se protéger des vapeurs toxiques. Cependant, c’est au XVème siècle qu’il se répand réellement, en réponse aux épidémies de peste qui dévastaient l’Europe. Le port du masque a donc toujours répondu à une nécessité de se protéger de l’extérieur. Initialement conçu à partir de vessie animale, quel est le trajet que parcourent aujourd’hui les masques que nous portons dans la rue ? Ils sont principalement constitués de meltblown (tissu filtrant) et de spundbound (textile non tissé), tous deux produits majoritairement en Asie. Ils sont ensuite assemblés en Chine et envoyés en Occident, où les productions n’existent plus depuis 2018. A partir de mars 2020, les productions de meltblown et spundbound sont petit à petit relocalisées en France.
Une nouvelle mode
Le masque a prouvé une fois de plus que tout est soumis à la loi de la mode. Alors que le masque est un accessoire obligatoire, qui camoufle une partie du visage et dissimule donc tout un trait de la personnalité de quelqu’un, la mode intervient pour permettre à chacun de se dévoiler via le choix de son masque. Que ce soient par la couleur, la forme, les motifs, chacun peut s’exprimer lors du choix de son masque. Même si l’économie est en berne, ce nouvel accessoire a su se démarquer et intégrer pleinement le marché en se mettant à la mode. Par exemple, pendant la semaine qui a suivi le déconfinement, les supermarchés ont vendu pour 37 millions d’euros de masques. Ces derniers sont aussi devenus de véritables goodies qui permettent à chacun de signifier son adhésion à un groupe. On estime que, grâce au marketing seul, les ventes de masques ont augmenté de 87% depuis mars 2020. Le masque a donc su s’imposer dans nos sociétés afin de transformer cette nouvelle contrainte en une marque d’appartenance et un moyen d’expression.
La diplomatie du masque
On devine donc que la Chine se sert de son statut de « unique producteur de masques » (elle assure 80% de la production) pour redorer son blason, suite à la pandémie que beaucoup lui imputent. Cependant, une des premières limites de l’émergence chinoise se montre déjà. En effet, le premier envoi de masques qu’avait réalisé la Chine au début de la pandémie a été retourné, puisque les masques ne correspondaient pas aux normes occidentales. En effet, ils n’ont pas passé le contrôle qualité européen, ce qui montre bien que les normes de qualités en Asie sont inférieures à celles de l’Europe. Mais alors, si la qualité n’est pas au rendez-vous, pourquoi l’Occident continue-t-il à commander en Chine ? Comment interpréter le fait que la Chine ait donné des millions de masques à l’Europe en mars 2020 ? La Chine, sauveuse du monde ? Voilà ce que nous indiquent tous ces éléments. Il semble donc que l’ordre des puissances mondiales soit en train de basculer. En effet, la Chine s’est remise rapidement de l’épidémie et sa croissance repart aujourd’hui à la hausse (7,9% selon le FMI) là où l’Europe et les Etats-Unis sont en creux et ne parviennent pas à empêcher l’épidémie de se propager. Ajoutée à cela, la « diplomatie du masque » de Xi Jiping confirme la nouvelle place dominante de la Chine dans le jeu des puissances mondiales.
Pour conclure
Si le masque était auparavant un symbole de la culture asiatique, il s’est à présent répandu dans le monde entier. Cet événement que la Chine attend depuis si longtemps pour rivaliser avec le soft power américain serait-il enfin arrivé ? Doit-on voir à travers les masques le premier signe de la mondialisation chinoise ? Ce qui est sûr, c’est que la stratégie du « cacher ses talents et attendre son heure » de Deng Xiaoping semble finalement porter ses fruits.