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Ukraine et Russie : un nouvel affrontement diplomatique aux conséquences militaires ?

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Alexandre Soljenitsyne, le plus célèbre dissident du régime soviétique avait prévu, il y a un demi siècle, dans son ouvrage L’archipel du goulag, que la Russie et l’Ukraine s’affronteraient. Il donnait en partie raison à la Russie dans ce potentiel futur conflit en estimant que les destins russes et ukrainiens sont intimement liés par l’histoire. Cependant, il estime également qu’il appartient aux seuls ukrainiens de choisir quel sera leur destin. 

 

Un passé conflictuel entre les deux ex-Etats de l’URSS

L’Ukraine est depuis toujours un territoire important pour la Russie, les deux n’ayant jamais été séparées plus de 200 ans. Cependant, dès la chute de l’URSS, les deux pays n’ont eu de cesse de s’affronter tant militairement que diplomatiquement. Ci-dessous, quelques dates clés qui retracent l’historique entre les deux pays:

1991 : Chute de l’URSS et proposition des Etats-Unis de fonder un système de sécurité l’incluant ainsi que l’Europe. La Russie exige cependant une chose : que Moscou conserve son influence sur l’Europe de l’Est. Cela débouchera sur la création de la Communauté des Etats Indépendants. Avec cette union, la Russie a pour but de garder un lien fort avec les anciennes républiques soviétiques. En échange, les Etats-Unis promettent la réunification des deux Allemagne et de ne pas continuer l’expansion de l’OTAN alors que cette organisation avait été fondée en 1949 initialement pour faire face à l’URSS. Les termes de cette promesse sont aujourd’hui très largement discutés.

1999 : La Pologne, la République Tchèque, et la Hongrie rejoignent l’OTAN. Cependant l’OTAN s’engage à ne pas y stationner de forces de combats permanentes.

2004 : L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie, la Bulgarie intègrent l’OTAN et la Russie considère que les Etats-Unis n’ont pas tenu parole, les accusant de trahison. Une haine grandissante envers l’Occident refait surface en Russie et mènera à des manifestations pro-occidentales dans les anciens pays de l’URSS et notamment en Ukraine où débutera la Révolution Orange. 

Cette révolution arrive à la suite des résultats du second tour des élections présidentielles en Ukraine. Le peuple a décidé de manifester son mécontentement. En effet, une majorité de la population ukrainienne estime cette élection a été truquée et s’étonne du soutien de Vladimir Poutine au nouveau président ukrainien. Cette Révolution a le soutien de nombreux gouvernements occidentaux dont celui des États-Unis. Les manifestations ont eu un très fort impact puisque la Cour Suprême ukrainienne a déclaré l’annulation du scrutin. La Révolution Orange marque le rapprochement de l’Ukraine et de l’OTAN d’un point de vue géopolitique.

2013 : La Révolution du Maïdan est une révolution pro-européenne en Ukraine qui a mené à la destitution du président élu en 2004: Viktor Ianoukovitch. Elle est née en partie parce que celui-ci a refusé de signer un accord avec l’UE au profit d’un accord avec la Russie. À la suite de cette révolution (réprimée dans une violence extrême par le gouvernement ukrainien), ont eu lieu l’invasion puis l’annexion de la Crimée.

La Crimée est une presqu’île située entre l’Ukraine et la Russie dont le port est situé dans la ville stratégique de Sébastopol. Le problème avec cette péninsule est que beaucoup de ses habitants se considèrent comme russes. C’est pourquoi lors d’un référendum en 2014 où la question suivante était posée: « Êtes-vous pour le rattachement de la Crimée à la Russie ? », le « oui » l’a emporté à 90%. À la suite de cette réponse quasiment unanime le parlement criméen a proclamé la sécession de la République de Crimée à la Russie en tant que ville fédérale. Très rapidement après ce referendum, l’annexion de la Crimée a lieu. Cependant, ce referendum ne sera jamais reconnu par la communauté internationale pour suspicion de bourrage d’urne. Encore une fois, au niveau international, l’Occident s’oppose au comportement de la Russie. En effet, l’Union Européenne notamment va s’opposer à la Russie en l’accusant d’avoir violé le droit international et la souveraineté de l’Ukraine.

Les prémices d’un conflit de taille : de la menace militaire à la cybermenace 

Ces dernières semaines, la Russie a déployé plus de 100 000 soldats à la frontière ukrainienne. 

En effet, Vladimir Poutine a estimé son pays en danger à cause de l’occidentalisation de l’Ukraine par le biais de l’OTAN. L’Ukraine ayant le statut de « pays partenaire » de l’OTAN. Cela signifie donc qu’elle pourrait potentiellement rejoindre l’alliance. L’Ukraine se retrouve alors menacée par la Russie de 3 côtés : 

• D’abord au Nord, à sa frontière avec la Biélorussie. En effet, Minsk a annoncé des exercices militaires conjoints au dessus du territoire Ukrainien afin de repousser une potentielle menace. 

• Ensuite à l’Est, la région du Donbass étant sous tension depuis 2014. Des séparatistes russes et des forces ukrainiennes s’y affrontent. 

• Enfin au Sud, où se trouve la Crimée, théâtre d’un conflit entre les deux pays, annexée par la Russie et que l’Ukraine veut récupérer. 

Début janvier, l’Ukraine a été victime d’une cyberattaque de grande ampleur. Cette dernière accuse la Russie. Kiev a annoncé avoir des preuves de l’implication de Moscou dans cette cyberattaque. D’ailleurs, le ministère de la transformation numérique a déclaré que ce sabotage « est une manifestation de la guerre hybride que la Russie mène contre l’Ukraine depuis 2014 ».

En réponse à ces différentes attaques, les Etats-Unis ont placé 8500 troupes en état d’alerte et ces derniers jours Joe Biden a annoncé envoyer 3000 soldats supplémentaires en Europe de l’Est.

Au delà de la guerre militaire qui semble se préparer, des affrontements diplomatiques entre la Russie et différents pays de l’OTAN sont d’actualité malgré la volonté « d’amorcer la désescalade » des tensions. 

 

Une volonté de tempérer les tensions malgré tout

Depuis plusieurs mois la Russie a déployé de nombreuses troupes armées aux frontières ukrainiennes. Pour les Etats-Unis et l’Union Européenne, cela justifie de penser à une attaque en préparation. Afin de lutter contre cette potentielle attaque, les Etats-Unis ont très rapidement mis des troupes en état d’alerte. Or, la Russie réaffirme sa volonté de ne pas attaquer l’Ukraine et accuse les Etats-Unis « d’hystérie » et d’avoir exacerbé les tensions par cette prudence qui est selon la Russie malvenue. Cette dernière n’estimant que sécuriser son territoire.

Le 31 janvier 2022, a eu lieu une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU et l’ambassadrice américaine a reconnu que le comportement de la Russie avec le déploiement de ses soldats et les différents « actes de déstabilisation » constituent une menace claire « pour la paix et la sécurité nationale »

Dans ce conflit, chacun des acteurs affiche une volonté de désescalade. Cependant, chacun d’entre eux démontre également une volonté accrue de ne renoncer à aucune des demandes qui ont été formulées. 

 

Quels sont les enjeux de cet affrontement ?  

Comme évoqué précédemment, l’Ukraine a toujours eu une importance spéciale pour la Russie, liée à leur histoire commune et aux avantages que pourrait tirer la Russie en intégrant l’Ukraine à son territoire.

L’Ukraine est un Etat important pour la Russie pour deux raisons. La première est que l’Ukraine permettrait à la Russie d’avoir un accès à la mer chaude. En effet, en hiver le froid étant glacial en Russie, les eaux gèlent et les 3 ports russes les plus importants (Saint-Pétersbourg, Vladivostok, Kaliningrad) sont paralysés. Cependant, si la Russie pouvait avoir accès à la Mer Noire en passant par l’Ukraine, ce serait un énorme avantage notamment en cas de guerre. C’est pourquoi un accès officiel au port de Sebastopol serait une sécurité commerciale et militaire considérable.

Ensuite, il y a également un enjeu territorial non négligeable. En effet, tout le reste du territoire Ukrainien a une importance pour la Russie puisque historiquement les attaques venaient toutes de l’Ouest. C’est pourquoi le rattachement de l’Ukraine par la Russie constituerait une sécurité supplémentaire par la création d’une « zone tampon » entre elle et l’Europe Occidentale. C’est d’ailleurs pour cela que la Russie a déclaré vouloir « de bonnes relations, équitables, mutuellement respectueuses et égales avec les Etats-Unis, comme avec tout autre pays du monde ». Pour autant, elle « ne veut pas rester dans une position où (sa) sécurité est régulièrement violée ».

L’enjeu économique est lui aussi de taille puisque la Russie a conclu des accords avec certains pays européens pour la mise en place de gazoducs : Nord Stream 1 et Nord Stream 2.  Le plus concerné des deux est le gazoduc lié au second accord puisque celui ci n’est pas encore mis en service. Il reliera la région de Saint Petersbourg à l’Allemagne sur plus de 1200 km et a pour but de compléter l’accord Nord Stream 1 de 2012. Ce gazoduc passant par la mer Baltique, il permet au gaz russe de parcourir moins de kilomètres terrestres et par conséquent de payer moins de taxes aux pays concernés. Il semble alors risqué économiquement pour la Russie d’entrer en conflit avec des partenaires commerciaux. 

Depuis le début de cette crise, les pays de l’OTAN ne cessent d’évoquer d’éventuelles sanctions si la Russie était amenée à utiliser la force sur le territoire ukrainien. À l’inverse, la Russie menace de riposter en cas de sanctions. Ces dernières, qui semblent avoir pour but d’être dissuasives d’un côté comme de l’autre, ne semblent pas avoir l’effet escompté.

 

Les sanctions envisagées

Ce conflit peut avoir des conséquences multiples. En effet, l’Occident menace la Russie de sanctions si celle-ci envahit l’Ukraine. Avant d’envisager des sanctions, l’UE a appelé au dialogue. Cependant, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ont d’ores et déjà retiré leurs diplomates de Russie. 

Les jours passent et la Russie semble botter en touche, c’est pourquoi désormais Emmanuel Macron et Joe Biden envisagent des sanctions personnelles contre les russes. Comme à leur habitude ceux-ci ne semblent pas impressionnés par ces menaces. La Russie a d’ailleurs annoncé que si elles étaient mises à exécution, ce serait la fin définitive des relations entre Moscou et l’Occident.

Ensuite, au delà des enjeux diplomatiques, des enjeux économiques entrent en compte. En effet, deux élus démocrates et républicains ont annoncé que le congrès des Etats-Unis était proche d’un nouvel accord sur un projet de loi afin de mettre en place de nouvelles sanctions économiques contre la Russie.

En guise de sanction, le Royaume Uni ainsi que les Etats-Unis semblent pointer du doigt le gazoduc stratégique Nord Stream 2 en envisageant l’annulation de sa mise en service. Alors, cette éventuelle non-application de l’accord Nord Stream 2 empêcherait certainement la Russie de faire la guerre à l’Ukraine, son intérêt étant de vendre son gaz. Ce dernier passant par l’Ukraine, il serait difficile pour la Russie de faire la guerre sur le territoire où passe son gaz. En plus de tabler sur la sanction des gazoducs, il est envisagé de restreindre aux russes l’accès aux transactions en dollars, ce qui pourrait mettre à mal ses échanges internationaux.

 

Conclusion 

À ce jour, la désescalade ne semble toujours pas avoir été entamée par la Russie. Washington affirme en effet avoir des preuves que Moscou envisagerait de filmer une fausse attaque ukrainienne contre la Russie pour prétexter l’invasion de l’Ukraine. Ce conflit aux multiples enjeux semble prendre une nouvelle tournure au vu des nouveaux acteurs qui s’y agrègent. 

En effet, jeudi 3 février la Turquie a décidé de prendre part au conflit, Erdogan allant à la rencontre du président ukrainien pour apaiser les tensions. La Turquie fait partie de l’OTAN et au vu de sa relation avec la Russie, elle s’estime légitime de se rendre à Kiev afin d’envisager la fin des provocations entre la l’Ukraine et la Russie. Cette visite à Kiev peut servir à la Turquie pour apaiser les tensions avec les Etats-Unis et ainsi rompre son isolement au sein de l’OTAN. 

La Russie se tourne donc de plus en plus vers l’Est pour trouver des alliés de taille en vue d’un potentiel conflit et pour palier d’éventuelles sanctions économiques. En effet, depuis 2016 la Russie exporte toujours autant de marchandises vers l’Europe mais l’inverse est moins vrai. En 2016, 40 % des importations russes venaient de l’APEC (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique). À propos du gaz, ce dernier transite toujours beaucoup à travers l’Europe. Toutefois, un projet de partenariat avec la Chine concernant un gazoduc en Sibérie semble être sur le point de voir le jour. La Chine et la Russie aspirent donc à une coopération plus poussée qui pourrait devenir militaire et constituer une menace de taille pour l’Occident. 

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Axel Achouri
Etudiant à Neoma BS, j'ai à coeur de transmettre ce que j'ai appris en prépa afin de favoriser l'égalité des chances et d'aider les nouvelles promotions à réussir !