L’actualité en bref – Avril 2020
Cette semaine nous vous proposons un récap de l’actu du mois d’avril : 5 faits marquants d’éco et 5 de géopo. Comme toujours, tous les faits que l’on vous présente peuvent être utilisés dans vos copies. En complément, nous vous proposons deux focus (un d’éco et un de géopo). Ce mois-ci il s’agit de la mondialisation et du conflit au Yémen.
L’économie en bref
Commençons par l’actualité économique de la semaine !
1) Le pétrole, entre effondrement et accord historique :
Lundi 20 avril, les cours du pétrole américain se sont une nouvelle fois effondrés et pour la première fois ils sont devenus négatifs atteignant -37.63$. En cause, une chute brutale de la demande, une offre qui ne s’ajuste pas, une perte de confiance des marchés et une saturation des réserves américaines. Pour autant, les cours sont très vite redevenus positifs et le Brent (référence européenne) a terminé à 25.57$ au même moment. De plus, les cours devraient progressivement augmenter suite à l’accord historique de l’OPEP dont l’objectif est de diminuer la production mondiale de 10 millions de barils par jour à compté du 1er mai notamment grâce à la reprise des négociations entre Riyad et Moscou. Cela représente une baisse d’environ 10%.
2) Les prévisions du FMI pour 2020 :
Selon le FMI, le monde devrait affronter une récession encore jamais observée depuis 1929 avec une baisse de 3% du PIB en 2020. Néanmoins, d’importantes inégalités sont à prévoir entre pays : les européens devraient être durement touchés avec une récession moyenne de 7.5%. De son côté l’économie américaine devrait se contracter de 5.9%. Dans les pays en développement, cette chute sera moindre (1% en moyenne). Pour autant, des pays comme l’Inde ou la Chine vont voir leur croissance fortement impactée même si ils ne devraient pas entrer en récession. Or, contrairement aux pays développés, ils ont besoin d’une forte croissance afin d’absorber les millions d’entrants sur le marché du travail. Des dizaines de millions de personnes pourraient ainsi tomber dans la pauvreté voire l’extrême pauvreté.
3) Des finances publiques mises à mal :
Mesures de soutien aux entreprises, chômage partiel, report et annulation de certaines charges sociales devraient dégrader durablement les finances publiques d’autant plus que dans le même temps les recettes fiscales devraient chuter (d’au moins 42 milliards d’euros selon Bercy). Le déficit public devrait ainsi être d’au moins 9% en 2020 soit un niveau jamais vu depuis 1945, auquel cas la dette publique atteindra 115% à la fin de l’année. Pour autant, ce déficit n’est pas nécessairement synonyme de hausse drastique des impôts. D’une part car la reprise en 2021 devrait compenser en partie les pertes et d’autre part car cette forte hausse d’endettement ne devrait avoir que peu d’impact sur la charge de la dette étant donné que les taux d’intérêts à long terme sont pour des pays comme la France, proches de 0. L’Etat n’aura donc pas de difficulté pour se financer en émettant des bons du Trésor. En revanche de service de la dette pourrait lui se retrouver impacter lorsque l’argent emprunté en 2020 devra être remboursé.
Charge de la dette (annuelle) : intérêts qu’un Etat verse du fait de son endettement.
Service de la dette (annuel) : somme versée par un Etat afin d’honorer sa dette (remboursement du capital + versement des intérêts).
4)« La pire crise qui ait jamais touché l’industrie automobile » :
Selon le directeur général de l’ACEA (Association des constructeurs européens d’automobiles), l’industrie automobile fait face à une crise inédite. En France, les ventes de véhicules neufs ont chuté de 70.9% en mars et de 33% au premier trimestre 2020. En cause, le confinement, la baisse du pouvoir d’achat et l’instabilité économique. Néanmoins, à la différence de 2009, les pays émergents ne pourront pas compenser cette baisse dans les marchés dit saturés. En Chine, les ventes ont diminué de 79% en février. C’est tout un modèle qui est menacé et il faudrait des investissements colossaux notamment afin de financer la transition vers des véhicules plus propres.
5) Explosion du chômage aux USA :
Le taux de chômage au plus bas avant la crise du coronavirus (3.5%) culmine à environ 20% début mai avec plus de 30 millions de personnes sans emplois inscrites au chômage soit deux fois plus que ce qu’avait connu le pays lors de la crise de 2009. Il pourrait continuer à croître rapidement même avec la reprise de l’activité comme dans de nombreux pays (faillite d’entreprises, fermeture des frontières, climat incertain limitant les investissements et les embauches…). De même selon plusieurs économistes, sur les 28 millions d’emplois déjà perdus, environ 40% devraient le rester durablement.
FOCUS Éco: « La mondialisation est-elle allée trop loin ? » Dani Rodrik :
Le coronavirus s’est transformé en pandémie à partir du moment ou plusieurs pays ont été contaminés par un virus qui à l’origine a débuté en Chine. Cette pandémie qui s’est répandue extrêmement rapidement nous rappelle que le monde est interconnecté et que les frontières physiques ont quasiment disparues. Il met en lumière trois interdépendances majeures liés à la mondialisation : les déplacements humains, les marchés financiers et la segmentation des chaînes de production (chaînes de valeur mondiales) qui rendent les économies interdépendantes.
Le sentiment de défiance vis-à-vis de l’autre, déjà en œuvre avec l’émergence de mouvements populistes mais aussi des actes concrets (murs aux USA, en Hongrie…) ne risque-t-il pas de s’amplifier ?
Il est certainement trop tôt pour juger les actions qui ont été menées pour endiguer la pandémie. Pour autant, nous pouvons déjà constater les difficultés qu’on les dirigeants et les instances régionales et internationales pour régler les problèmes multilatéralement. Or, se manque de cohésion se retrouve dans toutes les thématiques contemporaines majeurs (réchauffement climatique, concurrence économique, crises migratoires et maintenant la pandémie du COV-19).
Pour ce qui est du commerce international, deux visions s’opposent. Celle des pessimistes qui parlent d’une guerre entre Etats, un jeu à somme nulle. C’est le fameux « On ne perd jamais que l’autre ne gagne » de Montchrestien. De l’autre côté on retrouve les optimistes de la mondialisation qui croient au fameux jeu à somme positive de Smith et Ricardo. Pour autant, nous pouvons douter d’une mondialisation douce qui se régule d’elle-même. En effet, les Etats semblent vouloir s’enrichir grâce à la mondialisation en produisant au détriment des autres et non en coopération avec les autres.
Ainsi, l’enjeu n’est peut-être pas de chercher à la réduire mais plutôt à la réguler. Cela passe par plus de coopération afin de lutter contre le dumping social et environnemental ou encore les paradis fiscaux afin d’instaurer un « doux commerce » (Montesquieu).
La géopolitique en bref
Passons maintenant à l’actualité géopolitique de la semaine !
1) Pékin accroît sa pression sur Hong-Kong :
À Hong-Kong les manifestations pro-démocratie ont repris malgré le coronavirus le jour d’anniversaire de la cheffe de l’exécutif Carrie Lam, qui est ouvertement pro-Pékin. Depuis juin 2019, le pays traverse sa pire crise politique depuis sa rétrocession en 1997. La contestation s’était estompée avec le triomphe des pro-démocratie aux élections locales et surtout avec l’émergence du coronavirus en janvier. Néanmoins, certains redoutent que Pékin utilise la crise sanitaire pour reprendre le contrôle.
L’opposition dénonce une série de lois sur la sécurité nationale qui seraient liberticides et que Pékin essaierait de faire passer en force. Par exemple, la criminalisation des propos soutenant l’indépendance de Hong-Kong. Martin Lee, 81 ans, surnommé « le père de la démocratie hongkongaise » a d’ailleurs été arrêté au mois d’avril avant d’être relâché. Pékin est plus que jamais sous pression avec les élections législatives qui auront lieu en septembre et qui pourraient renverser le rapport de force au Conseil législatif, aujourd’hui à majorité pro-Pékin.
2) La guerre s’intensifie en Libye :
Le Maréchal Haftar soutenu officieusement par la Russie et les Émirats arabes unis (EAU) est de plus en plus affaibli et menacé par l’implication croissante de la Turquie aux côtés du GAN (Gouvernement d’accord national) basé à Tripoli. Après des mois de succès militaires, le vent tourne pour les forces d’Haftar qui enchaînent les défaites. Depuis plusieurs mois, elles essayent en vain de prendre le contrôle de la capital Tripoli en étant soutenues par les EAU, la Russie et certaines puissances occidentales. La Libye pourrait se diriger vers une partition de son territoire (GAN à l’Ouest et Haftar à l’Est) car pour le moment aucun des deux camps ne semble être en mesure de prendre le dessus durablement.
3) Le plan de paix avec les talibans en passe de tomber à l’eau :
Le processus de paix enclenché fin février n’a jamais été aussi menacé. De fait, il n’a d’ailleurs jamais été appliqué sur le terrain. Ainsi, mardi 12 mai, plusieurs individus ont pénétré dans un hôpital à l’ouest de Kaboul faisant 14 morts et des dizaines de blessés. En réponse, le nouveau président Ashraf Ghani a ordonné la reprise des combats contre les mouvements insurgés dont les talibans font partie. Le même jour, un attentat suicide a fait 24 morts dans le nord du pays. Les talibans ont néanmoins démenti avoir participé aux attaques. Pour autant, celles-ci se multiplient depuis quelques semaines faisant craindre un retour officiel de la guerre.
4) Nouvelles tensions en mer de Chine méridionale :
Plusieurs navires de guerres américains et australiens ont été mobilisés en mer de Chine courant avril afin de répondre à une succession de provocations de la Chine à l’encontre de ses voisins d’Asie du Sud-Est. En effet, depuis plus années la Chine s’appuie sur une carte contenant 9 traits afin de revendiquer une grande partie de la mer de Chine méridionale comprenant notamment les îles Spratly et Paracel. En avril, un bateau de pêche vietnamien a ainsi été coulé par la marine chinoise et dans le même temps Pékin a annoncé la création de “divisions administratives” relevant de son autorité au mépris du droit internationale et de la souveraineté de ses voisins.
5) Israël et “l’annexion” de la Cisjordanie :
Le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu et son rival électoral et ancien chef d’état-major Benny Gantz ont passé une « accord d’urgence » afin de lutter contre le coronavirus qui prévoit également d’entamer un processus d’annexion d’un tiers de la Cisjordanie à partir du 1er juillet 2020 avec le soutien de Washington. Cette décision fait suite au plan de paix initié par Donald Trump le 28 janvier dernier. Il prévoit qu’Israël annexe la vallée du Jourdain ainsi que les colonies juives occupées depuis 1967 soit 30% de la Cisjordanie. Le président palestinien a annoncé qu’ils ne « resteront pas les bras ballant si Israël annonce l’annexion » d’une partie de la Cisjordanie. Il réitère ainsi sa menace de rompre les accords sécuritaires et économiques conclus avec Israël lors du processus de paix initié à Oslo en 1993.
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian qualifie ces mesures de « violation flagrante du droit international » si elles sont mises en œuvre. Néanmoins, l’Union européenne s’est globalement montrée sceptique sans pour autant condamner directement cette action. Là encore, elle pâti de son manque d’unité diplomatique. En revanche, des critiques se font ressentir en Israël. Des experts dont des généraux à la retraite ou l’ancien directeur du Mossad (services secrets israéliens) considèrent qu’une telle annexion constituerait une menace pour la sécurité d’Israël. Elle remettrait en cause les traités de paix avec l’Egypte et causerait des troubles internes et pourraient accroître le terrorisme. Le compte à rebours est lancé car seuls les Etats-Unis peuvent stopper ce processus or le concurrent de Trump, Joe Biden y est opposé : « Israël doit cesser ses menaces d’annexion et le processus de colonisation ».
« Les Israéliens prendront ces décision en dernier ressort, c’est une décision qui revient à Israël » Mike Pompeo (secrétaire d’Etat américain)
Focus Géopo : Au Yémen, le chaos s’amplifie
Belligérants et leurs soutiens : Gouvernement reconnu d’Hadi (Arabie Saoudite), Rebelles chiites Houthis (Iran), Conseil de transition sudiste (Émirats arabes unis)
Les séparatistes du sud Yémen (CTS) ont proclamé unilatéralement dimanche 26 avril l’autonomie des territoires qu’ils contrôlent depuis l’été et notamment d’Aden, la seconde ville du pays, dont les forces gouvernementales du président Hadi ont été chassées en août. Une nouvelle guerre dans la guerre pourrait ainsi naître.
Depuis plus de 5 ans le Yémen fait face à une guerre civile entre les rebelle chiites houthis soutenus par l’Iran et les forces gouvernementales appuyées par une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite. Elle a déjà causé la mort de plus de 100 000 personnes et la crise humanitaire qui en découle en a causé sans doute beaucoup plus. Les rebelles chiites houthis restent très puissants dans le nord du pays et ils contrôlent la capital Sanaa. Le Conseil de transition du Sud (CTS) a vu le jour en 2017 et il est issu de l’entente de divers mouvements politiques dont des chefs tribaux et islamistes. Son objectif est de rétablir le royaume du sud-Yémen qui a existé de 1967 à 1990, à l’époque soutenu par l’Union soviétique. Au moment de l’offensive saoudienne et des EAU de 2015, les actuels membres du Conseil de Transition du Sud se sont rangés du côté du gouvernement d’Hadi. Or depuis 2017, Hadi est soutenu par le pouvoir saoudien tandis que les EAU soutiennent le CTS. Une guerre entre Hadi et le CTS rendrait donc la situation d’autant plus complexe et l’ingérence des pays voisins pourrait prendre une nouvelle dimension.
Cette scission du sud fragmente et fragilise d’autant le camp anti-houthis au moment même où l’Arabie Saoudite annonce un cessez-le-feu et interrompt ses frappes aériennes dans le nord du pays. Ainsi, depuis plusieurs mois des discussions entre les belligérants sont en cours. Les houthis, en position de force sur le terrain ont fait part de leurs revendications à l’Arabie Saoudite tout en dénonçant le cessez le feu en parlant de « manœuvre politique et médiatique ». L’enlisement militaire et politique pousse la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite à chercher une issue à ce conflit qui ne soit pas l’anéantissement des forces houthis. Les Émirat arabes unis ont d’ailleurs acté le retrait de leurs troupes à l’été 2019.