Emporté par les tensions sur l’énergie en Europe et la force du dollar, l’euro est en pleine chute libre. La monnaie unique européenne touche depuis mardi 5 juillet 2022 son plus bas niveau depuis près de 20 ans face à la monnaie américaine. Dans la nuit de mardi à mercredi, il fallait ainsi 1,02544 dollar pour obtenir un euro.
« La parité pourrait bientôt être atteinte »
Le dollar profite des perspectives de resserrement monétaire annoncées par la Fed, attirés par de meilleurs rendements outre-Atlantique pour se rapprocher de l’euro. Les marchés redoutent désormais davantage une récession en Europe et les Bourses européennes étaient toutes dans le rouge. « La récession semble inévitable, et l’euro est dans une situation désespérée, les craintes croissantes d’une récession font baisser l’euro, tandis que le dollar s’envole », estime Fiona Cincotta, analyste de City Index. « Les cambistes font le pari que la banque centrale américaine va continuer à relever ses taux d’intérêt de manière agressive pour maîtriser l’inflation », précise-t-elle.
La croissance de l‘activité économique en zone euro a fortement ralenti en juin dans le secteur privé, au plus bas depuis seize mois : « c’est le signe que les économies commencent à vraiment sentir l’effet de l’inflation élevée », soulignent certains analystes. Cela a fait plonger l’euro plus bas qu’en 2016, quand la crise de la dette européenne puis le vote du Brexit avaient fait craindre l’explosion de l’UE. En parallèle, la crise de l’énergie fait toujours rage en Europe, pesant aussi sur la monnaie unique. « Les fortes hausses des prix du gaz et de l’électricité font courir un risque important que l’économie de l’UE entre en récession plus tôt que prévu », alerte Trevor Sikorski, analyste chez Energy Aspects. Dans ce contexte, un rebond de l’euro risque de n’être que de courte durée.
Pour comparaison, ce taux de change tournait autour des 1,14 au début de cette année et même 1,19 il y a un an. Pour autant, la Banque centrale européenne a peu de marge de manœuvre pour resserrer sa politique monétaire, puisqu’une hausse des taux risquerait de rendre la dette de certains pays trop lourde à supporter.
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Les conséquences
En temps normal, cette dépréciation pourrait être perçue comme une bonne nouvelle, notamment pour l’activité économique de la zone euro, qui en a tant besoin. En effet, le niveau normal de l’euro/dollar est d’environ 1,10 dollar pour un euro. Dans ce cadre, la dépréciation de l’euro à 1,02 dollar devrait permettre de soutenir les exportations, mais aussi d’améliorer la compétitivité des produits nationaux par rapport aux produits importés, augmentant ainsi la part de marché des produits nationaux. Enfin, elle devrait également encourager les investissements étrangers dans l’Union monétaire européenne, tout en réduisant la fuite des capitaux hors de celle-ci. À la suite de ces évolutions favorables, l‘expérience a montré qu’une dépréciation de l’euro de 10 % par an se traduit par environ 0,5 point de pourcentage de croissance du PIB. Ce n’est certes pas énorme, mais c’est toujours acceptable dans le contexte de faiblesse économique actuelle et surtout future.
En revanche, compte tenu de la forte inflation actuelle, ces avantages risquent de disparaître comme neige au soleil. En effet, la dépréciation de l’euro se traduit aussi principalement par l’augmentation des pressions inflationnistes importées.
Cependant, une inflation plus élevée signifie une baisse du pouvoir d’achat, d’où une baisse de la consommation et de la croissance, ce qui affaiblira à nouveau l’euro. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’un euro trop bas et un euro sous-dollar peuvent aussi nuire à la crédibilité de l’Union monétaire européenne et susciter un mouvement de méfiance à son égard. Ainsi, les taux obligataires de certains pays, bien sûr la Grèce, l’Italie et la France, pourraient être plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui, ravivant une crise de la dette publique, comme un volcan temporairement endormi, qui pourrait se réveiller et devenir encore plus destructeur.
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Pour finir, au-delà du resserrement entre la dollar et l’euro, l’indice vedette, le CAC 40 a cédé 159,69 points à 5.794,96 points, son plus bas niveau de clôture depuis début mars 2021. Depuis le début de l’année la cote parisienne perd près de 20%, à cause du resserrement monétaire des Banques centrales et des conséquences économiques de la guerre en Ukraine.