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Le monde dans l’Oeil et l’Esprit de Merleau-Ponty

Sommaire

L’Oeil et l’Esprit est un ouvrage philosophique écrit par Merleau-Ponty en 1964, exprimant le cœur de sa réflexion sur la vision et l’art. Nous allons dans cet article tenter de comprendre la place qu’occupe la notion de monde dans sa philosophie.

 

Pour un retour au monde

Merleau-Ponty débute l‘Oeil et l’Esprit en essayant de comprendre notre rapport actuel au monde et notamment notre connaissance des choses. Il pose ainsi toute la problématique de la science qui l’amènera à penser la vision : la science est comme en-dehors du monde, elle ne l’habite pas. La pensée est aujourd’hui constructive et autonome et nous fait apparaître le monde sous son prisme technique. Notre rapport au monde par la science apparaît comme des modes intellectuelles, avec des modèles par lesquels on va penser, opérer, transformer le monde par nos artifices. Notre rapport au monde devient artificiel, le sujet devient un corps mécanique et la pensée une technique. L’homme ne fait que découvrir une nature qu’il a déjà construite.

Il va donc s’agir pour lui d’explorer un autre rapport au monde, qui n’est pas « de survol » mais au contraire inhérent au monde, qui se déroule au milieu de ce monde, dans « ce il y a préalable ». Il y a la volonté d’un retour au monde sensible, et ce notamment par nos sens qui révèlent notre inhérence au monde. On a donc dans l’Oeil et l’Esprit un retour du corps, qu’il nomme corps actuel, inhérent au monde.

Ainsi, la première interrogation du livre sera donc de penser notre rapport au monde par le corps, et qu’est ce que notre corporéité amène dans notre rapport au monde. Ce rapport au monde par le corps se fera notamment par la vision. 

 

Mon corps et le monde sont de la même étoffe

Merleau-Ponty va ainsi penser le corps opérant et actuel, qu’il définit par un « entrelacs de vision et de mouvement ». L’inhérence au monde par la vision s’explique donc tout d’abord par cet entrelacs vision-mouvement car la vision ne se fait que par le mouvement. Ainsi, ce que je vois relève du  » je peux « , je vois tout ce qui est à ma portée. Alors, « le monde visible et celui de mes projets moteurs sont des parties totales du même Être » . La vision comme liée originellement au corps mobile n’est jamais une appropriation du monde, elle n’est en qu’une exploration. Ce que je vois, c’est ce que je peux voir, ce qui se révèle devant moi est à la fois le monde visible que le monde auquel je peux accéder par mon regard.

Alors, il en vient à dire que le corps et les choses sont de la même étoffe : le monde n’est qu’une prolongation de moi-même et si je peux voir le visible, ce n’est que parce que moi-même je suis visible, ce que je vérifie en me voyant et même en me voyant voir : ainsi, la vision comme liée originairement au corps brouille toutes les oppositions entre intérieur et extérieur, sujet et objet, entre sentant et sensible, et c’est ce qui fait pour lui notre humanité. Les choses sont incrustées dans ma chair, elles font partie de ma définition et le corps est fait de l’étoffe même du monde.

 

La peinture comme retour au rapport originaire au monde

La peinture est pour lui une des solutions pour ce retour au monde : la peinture n’est pas de l’ordre d’une simple tentative de représentation de la nature, mais d’une représentation de la nature telle qu’elle est dans le sens que mon corps qui y est intégré la sent et que mon être par mon œil m’y fait prendre du recul pour que je me la représente et que je la représente. La peinture apparaît dès lors comme une mise en scène de notre rapport originaire au monde que l’on tend à oublier, éveillant, par ce dont elle est constituée (lumière, couleur), les motifs qui soutiennent mon regard. A travers la peinture, c’est notre vision originale qui est mise en scène, car elle nous présente le monde tel qu’il est perçu par le corps, sa  » pulpe charnelle. »

« L’oeil voit le monde, et ce qui manque au monde pour être tableau, et ce qui manque au tableau pour être lui-même, et, sur la palette, la couleur que le tableau attend, et il voit une fois fait, le tableau qui répond à tous ces manques, et il voit les tableaux des autres, les réponses autres à d’autres manques.  » (L’Oeil et l’Esprit, chapitre 2)

Ainsi, par la peinture, on entre dans l’apprentissage de la vision, autant par l’expérience de peindre que de la vision d’une peinture. La peinture ouvre notre vision à ce qu’il nomme « la texture de l’être » : par la peinture, on accède à l’impact que nous laisse le monde, à ce qui a ému l’œil.

 

A retenir

L’Oeil et l’Esprit est ainsi un ouvrage capital concernant la notion de monde car il prend justement pour mission d’y retourner, de retrouver un rapport originaire au monde éloigné de tout discours, notamment à travers la peinture. Il s’intéressera ainsi aux peintures de Cézanne et à la manière dont elles sont représentatives de ce retour au monde originaire.

 

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Corentin Viault