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Le monde chez Montaigne

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S’interroger sur la notion de monde, c’est notamment s’interroger sur la place de l’Homme par rapport à celui-ci. Un auteur intéressant pour cela est Montaigne, et notamment la réflexion qu’il déploie dans l’Apologie de Raymond Sebond dans le deuxième livre des Essais, avec une réflexion sur l’Homme est les animaux, la science et la religion. Dans cet article, nous allons essayer de comprendre quelle vision du monde y propose Montaigne.

 

La prétention de l’Homme à connaître le monde

A l’origine des Essais, il y a une observation de Montaigne qui révèle de sa vision du monde : le monde est une “ branloire pérenne “, il n’y a pas de stabilité de l’ordre, rien n’est figé, à l’exemple de l’homme pour qui il est impossible de déployer une grande théorie unique. En effet, ceux qui le font ne le font qu’au prix d’une falsification irrecevable : il faut ainsi être constamment attentif à la pluralité (manière de faire, croyance), aux variations (et entre les hommes et entre les hommes & les autres créatures et au sein de l’esprit d’un même homme).

Dans le même temps, Montaigne laisse entendre que ce qui pousse l’homme à se dire et se considérer maître et empereur de l’univers, c’est la raison à laquelle il confère une capacité de connaître les choses en vérité, de pouvoir avoir un discours sur le monde. Notre supériorité consisterait donc dans le fait, par différence avec toutes les autres créatures de l’univers, de pouvoir connaître le mouvement des astres dans le ciel. De cette façon, nous pouvons prévoir un certain nombre de choses du monde, donc ce que nous estimons être les seuls à pouvoir faire. Or c’est justement ce que Montaigne renvoie du côté de l’imagination. Par exemple, il n’explique pas que la raison vient contrebalancer notre finitude, mais nous imaginons qu’elle vient le faire en nous rendant capable de connaître les choses, le monde. « Le désaveu est clair, il n’est pas en sa puissance de connaître la moindre partie » : connaître signifie ici prétendre dépasser les apparences pour dire ce qui est. C’est dans la mesure où la connaissance est envisagée de cette façon que nous ne pouvons connaître la moindre partie du monde. Cela veut dire que la considération des choses dans la continuité de leur apparaître a une importance capitale, dès lors qu’on ne peut les dépasser, mais qu’il est possible d’y être attentif, par expérience personnelle, et aussi via les textes qui témoignent d’une multiplicité d’expériences. 

 

La prétention de l’Homme à être au centre du monde

Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ? 

Par cette phrase, Montaigne interroge la supposée position centrale de l’homme dans l’univers et les raisons qui l’ont persuadé qu’il était au centre d’une part et que le monde était fait pour sa commodité d’autre part. Il forme ainsi ici une critique de l’anthropocentrisme d’un point de vue cosmologique. 

Cette phrase vient expliciter une expression qui est juste avant : « ces grands avantages qu’il pense avoir sur les autres créatures ». Il s’agit de les expliciter, et ici il s’agit de son rapports aux astres qui sont en mouvement au-dessus de nos têtes. Montaigne dit de ces mouvements qu’ils sont admirables, indépendamment de l’homme. 

La question qu’il faut dégager là est comment inférer de ces mouvements admirables du ciel que nous pouvons observer, quoique ce soit quant à notre place centrale dans le monde ? Or ce que Montaigne laisse entendre, c’est que ce que nous observons, nous ne faisons que le voir, ce ne sont que des apparences. Nous sommes témoins de ces mouvements dans le ciel mais y a-t-il des bases rationnelles solides pour passer de l’apparaître à l’être ? Qu’est-ce qui autorise du spectacle de ces mouvements à une affirmation concernant notre place dans l’univers ? Il faut rendre compte de la virulence de cette phrase : « qui lui a persuadé ? » : personne, sinon lui-même, et sans aucune justification véritable. Cela conduit ainsi Montaigne a humilié l’homme pour le défaire de sa vanité, avec une incapacité de la raison à statuer sur la nature des choses et du monde, et dans le même temps une supériorité fausse de l’Homme dans le monde. Pour Montaigne, les différentes sciences qui ont tenté de comprendre le monde ne sont que de fanatiques folies, dont les assertions de nos pas assurés.

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Corentin Viault