« Le modèle social européen est mort » sont les propos tenus par le président de la BCE Mario Draghi dans le Wall Street Journal le 24 février 2012. Pourtant, en 2008, lors du conseil de l’Union Européenne, les conclusions de la présidence réaffirmaient « l’importance de la dimension sociale de l’UE, qui fait partie intégrante de la stratégie de Lisbonne ». On voit un réel décalage entre l’objectif et la réalité de l’Europe sociale.
Les membres de la CEE puis de l’UE sont caractérisés par des systèmes de protection sociale développés dans le respect des règles des modèles d’États-Providence. C’est le traité de Maastricht (92) qui ouvre la voie à une nouvelle procédure d’adoption de règles sociales et aujourd’hui les systèmes sociaux en Europe sont protecteurs puisque les dépenses sociales engagées au sein de l’UE représentent près de 60% des dépenses mondiales totales. Malgré tout, les réalisations effectives sont moins abouties et alors que la dimension sociale était le « talon d’Achille de l’Europe », pour reprendre l’expression de Jacques DELORS en 1993, elle est aujourd’hui « introuvable » pour l’ancien président de la Commission européenne. Mais donc quel sens donner à la fin de l’Europe sociale, est-ce une Europe sociale impossible à mener depuis toujours ou une dimension sociale autrefois efficace mais qui est absence aujourd’hui ?
Nous allons aborder dans cette article la stratégie sociale européenne qui est inefficace puis nous allons voir que les modèles sociaux européens doivent s’inspirer des scandinaves comme solution à la survie de l’Europe sociale.
Une stratégie sociale européenne inefficace et sans défense face à la crise de 2008.
1. Les modèles méditerranéen et continentaux témoignent de la sous performance européenne en matière de prestations sociales.
Esping Andersen à classifié les modèles sociaux nationaux dans son œuvre Les trois mondes de l’État providence en 1990. Il y en a trois à l’origine puis 4 en 1999 dont deux modèles qui sont très inefficaces :
- Le modèle social scandinaveest un modèle utilisé en Suède, au Danemark et en Finlande fonctionne très bien et assure à tous les citoyens un niveau élevé et uniforme de protection sociale. Ce modèle se caractérise également par une fiscalité forte et une inclusion sociale par l’emploi.
- Le modèle social-démocrate est un modèle qui se caractérise par une redistribution d’une part des richesses sur la base de principes universalistes et égalitaristes.
- Le modèle social continental est un modèle bismarckien assurantiel qui se caractérise par une forte protection de l’emploi, des prélèvements faibles et un taux d’emploi faible. En France, c’est un échec puisque les allocations maximales sont trop élevées et le système de retraite est proportionnel au temps travaillé.
- Le modèle social méditerranéen utilisé en Grèce, en Italie et au Portugal est caractérisé par des prestations familiales faibles, des fortes inégalités entre les hommes et les femmes, un taux d’emploi de la femme très faible. En Italie, il y a une fuite des cerveaux du nord vers le sud, on appelle ces groupes de régions les Mezzogiorno et l’écart entre le PIB du Nord (+0,9%) et celui du Sud (-0,2%) ne fait qu’augmenter.
2. La dynamique de convergence des états européens entraine une dualisation de l’Europe sociale.
Il y a une grande différence de compétitivité en Europe. D’un point de vue social, l’Allemagne et les pays scandinaves se classent dans les dix premiers pays à l’échelle mondiale tandis que la France, l’Italie et la Grèce se classent environ autour des 20e, 30e et 40e places mondiales. Cette différence de convergence est risquée puisqu’elle peut entrainer une mobilité intra-européenne avec une fuite des talents du Sud vers le Nord, et surtout un risque macroéconomique avec une divergence et un grand déséquilibre de la zone européenne.
3. Le coût social de la crise de 2008 fut trop élevé pour des performances d’emplois catastrophiques.
Entre 2008 et 2013, le chômage est passé de 7% à 11% de la population active. De manière plus précise le taux de chômage de en 2007 de l’Allemagne, de la France et des Pays-Bas furent respectivement de 8,7%, 8% et 4,2%. Tandis qu’en 2008, celui de la France est passé à 9,8% et celui des Pays-Bas à 5,8%. En plus de cela, la divergence dans les performances d’emploi sont marquées au sein de la zone euro avec un écart entre le taux de chômage entre le Nord et le Sud qui fut de 3,3 points en 1998 et de 11,3 points en 2013.
L’influence scandinave sur les modèles sociaux comme solution à la survie de l’Europe sociale.
1. Le nouveau modèle social européen doit lutter contre le dumping social et fiscal.
L’objectif du nouveau modèle social européen est d’aboutir sur une harmonisation fiscale pour lutter contre le dumping social et fiscal des pays de l’Europe centrale et orientale (PECO). Les PECO font du dumping fiscal pour attirer les IDE comme la Slovénie qui, en 2017, mettait un taux d’imposition des bénéfices des entreprises à 19%. Pour stopper le dumping social, les PECO doivent mettre en place un salaire supérieur à 60% du salaire médiant du pays.
Cette harmonisation fiscale passerait par un salaire minimum européen mais il est dur à mettre en place en raison d’une productivité très inégale entre les pays. Par exemple, le salaire minimum en Bulgarie est de 260 euros ce qui est bien inférieur aux 60% du salaire médiant du pays.
2. Les modèles sociaux nationaux doivent s’inspirer du modèle scandinave de la Finlande et de la Suède pour gagner en compétitivité.
L’économiste Denis Kessler a vivement critiqué le modèle social français. Pour lui, il n’a rien d’homogène, le chômage est élevé et les mauvaises performances dans l’éducation sont criantes (2% des collégiens en maths ont un niveau avancé en France contre 11% dans l’OCDE).
Pour lui, Il est impératif de s’inspirer du modèle social suédois avec un système unique de retraite, une baisse de la corruption, des meilleurs salaires attribués aux professeurs.
3. Le futur de l’Europe sociale passe par un nouveau contrat social qui vise à financer les investissements sociaux des pays du Sud.
Il y a quatre objectifs principaux pour le fonds d’investissement européen sur le long terme. Il vise de manière générale à redresser les pays du Sud, accompagner les pays de l’Est dans leur processus de rattrapage, accompagner la transition environnementale et climatique et enfin, financer la croissance et l’innovation.