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Les États-Unis : « Empire bienveillant » ou facteur de déstabilisation ? (2/4)

Sommaire

À partir du 11 septembre, l’omniprésence des États-Unis est remise en cause car devenue un facteur déstabilisant. Tout d’abord du point de vue économique. En effet, l’impérialisme américain se voit rejeté et aussi discrédité : il est rejeté car de nombreux pays refusent d’accepter une « américanisation » du monde. Cela se traduit notamment par les manifestations monstres de Seattle 1999 lors d’un sommet du G7. De plus, il est discrédité en raison de la crise de 2008 et la faillite de la banque Lehman Brothers qui apparaissait comme la forteresse américaine. Par ailleurs, ceci est aggravé aujourd’hui par la pandémie avec une dette de 29 000Mds$ et une inflation de 7%, montrant les faiblesses de ces États-Unis pourtant si longtemps sur d’eux.

 

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L’impéralisme américain est remis en cause

Cette remise en cause de l’impérialisme économique américain va de pair avec des échecs géostratégiques contribuant à la remise en cause générale de « l’hégémonie bienveillante » américaine. La politique menée par le président Bush à partir du 11 septembre a été une politique de réarmement massif dans l’optique de la GWOT (Global War On Terrorism), visant à retrouver Ben Laden. Les interventions en Afghanistan à partir d’octobre 2001 et en Irak à partir de 2003 ont été des désastres militaire (pas de réelles victoires), économique (2 000Mds$ dépensés durant la décennie 2000) qui ont creusées la dette américaine, mais aussi moral. 

En effet, les soldats en ressortent traumatisés, les alliés fidèles (Arabie Saoudite, Turquie) prennent leurs distances en raison de la manière dont les guerres ont été menées et, qu’en plus, de nombreux civils ont été touchés. Ceci a alors fait naître un sentiment anti-américain radicalisé comme il est raconté dans La vaine attente de Nadeem Aslam. Prolifèrent alors d’une part des mouvances terroristes comme l’État islamique en Irak devenu Daesh en 2013 et d’autre part une déstabilisation de la région. 

Malgré ces fiascos, les États-Unis s’accrochent à leur rôle de « gendarmes du monde » au prétexte d’une « Destinée Manifeste ». Ils semblent pourtant avoir semé le chaos dans la région aux dépens de leur discrédit comme l’expliquait déjà Olivier Zajec dans La nouvelle impuissance américaine en 2011 : on se dirige vers une normalisation des États-Unis en raison de ces échecs. Pour illustrer cela, il cite Philippe Richardot qui, déjà en 2002, affirmait « qu’une série d’échecs géostratégiques remettrait en cause le leadership américain ». On y arrive aujourd’hui.

 

De nouveaux acteurs profitent de la situation

Cette déstabilisation causée par le prétendu « empire hégémonique » a fait naître une contestation de l’hégémonie américaine par d’autres puissances. En effet, la Chine a profité de ce déclin d’influence pour émerger et gagner en influence à travers le projet BRI (Belt and Road Initiative) qui prend de plus en plus d’ampleur. Par ailleurs, la Russie a, elle aussi, profité de l’occasion pour s’immiscer notamment au Moyen-Orient et en Afrique, puisqu’elle possède des bases notamment au Kazakhstan et entretient de bonnes relations avec l’Iran, ennemi des États-Unis depuis la révolution de 1979. 

De plus, elle est désormais le principal protagoniste en Syrie, comme le souligne Thomas Gomart dans ses Guerres invisibles, depuis qu’Obama a refusé d’intervenir en Syrie alors que le régime a eu recours à des armes chimiques. Enfin, acteur régional majeur, l’Iran profite du discrédit américain pour s’imposer en leader chiite régional, avec un programme nucléaire qui pourrait potentiellement se développer.

On voit donc que l’hégémonie américaine, incontestée à la fin du 20ème siècle, est désormais sur le déclin, si bien que Trump a déclaré lors d’un voyage en Irak que les États-Unis « n’étaient plus le gendarme du monde ». Ce déclin va de pair avec le facteur déstabilisateur de ces interventions. Nous allons voir, que face à cela, les États-Unis opèrent un changement de politique extérieure.

 

Les Etats-Unis changent leur politique extérieure

Les États-Unis opèrent donc un changement de politique extérieur. Initié par Obama, on assiste à la fin du hard power tous azimuts. En effet, il a opéré une stratégie de retranchement en amorçant le retrait des troupes américaines d’Afghanistan et d’Irak, soutenu par Trump avec une volonté de mettre fin « aux guerres sans fin » et confirmé par Biden avec le retrait américain d’Afghanistan et la fermeture de leurs bases locales. À noter que ce retrait en août 2021 témoigne d’une part de la dégradation de l’hégémonie américaine et, d’autre part, de la priorité de leurs intérêts : ils laissent un pays détruit et appauvri par 20 ans de guerre aux mains des Talibans. Une répétition de 1996. De plus, ils optent désormais pour la stratégie « leading from behind », où ils n’interviennent pas sur le terrain. Enfin, ils cherchent à redorer cette image « d’hégémonie bienveillante » avec la fin de l’aide à l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen et les Accords d’Abraham, visant à pacifier le Moyen-Orient.

Enfin, les États-Unis opèrent également un changement avec la mise en place de la « stratégie du pivot » par Obama dès 2014. Il s’agit alors d’un passage du Moyen-Orient à l’Indopacifique pour contrer l’influence et volonté expansionniste chinoises. Pour cela, ils utilisent le multilatéralisme en nouant des accords comme AUKUS en 2021 ou encore le QUAD en 2007. Ce dernier a été remis au goût du jour par Trump. Cela passe aussi par la multiplication des accords bilatéraux comme nous pouvons le voir sur la carte. Biden essaie autant que faire se peut de retrouver cette image « d’hégémonie bienveillante », fortement dégradée par la politique agressive de Bush et celle unilatéraliste de Trump, sans pour autant négliger les intérêts américains. On retrouve cela en Afrique avec une aide logistique et formative aux armées locales, non plus militaire.

 

Pour conclure, nous avons vu que les États-Unis étaient omniprésents à la sortie de la Guerre Froide, en alliant à la fois « hégémonie bienveillante » et interventionnisme accru. Cependant, le changement de logique après les attentats du 11 septembre et l’agressivité des opérations ont conduit à une déstabilisation du monde et surtout du Moyen-Orient qui perdure jusqu’ici et qui a contribué à leur discrédit. Mais nous voyons aussi que les États-Unis ont fait évoluer leur politique extérieur, tentant de retrouver cette image « d’hégémonie bienveillante » que Kagan décrivait. Ceci notamment en intervenant en Afrique et dans l’Indopacifique de manière plus subtile avec ce que Suzanne Nossel qualifiait de smart power.

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Enzo Miard