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L’histoire du droit à l’avortement aux Etats-Unis

Sommaire

Le 24 juin 2022, la Cour Suprême américaine décidait de renverser la décision Roe v Wade, affirmant que la Constitution ne conférait pas le droit à l’avortement. Les juges ont ainsi déclenché une onde de choc mondiale et relancé un vif débat aux Etats-Unis entre pro-life (hostiles au droit à l’avortement) et pro-choice (qui défendent ce droit). Cette question a même eu une forte influence sur les élections de mi-mandat en mobilisant l’électorat des Démocrates, ce qui leur a permis de garder le Sénat et de limiter la casse dans la Chambre des représentants. Mais quelle a été l’évolution de ce droit aux Etats-Unis et quelles dates charnières ont abouti à la situation actuelle ?

Nous revenons dans cet article sur l’histoire du droit à l’avortement aux Etats-Unis pour que vous ayez des exemples précis en tête ainsi qu’une profondeur d’analyse vous permettant de bien traiter ce sujet à l’écrit comme à l’oral.

 

Un droit largement interdit jusqu’aux années 1970 et l’arrêt Roe v Wade

Le droit à l’avortement est devenu un sujet de débat national aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Avant cette période, les États avaient des lois strictes sur l’avortement qui le rendaient illégal, sauf dans des cas très limités tels que les cas où la vie de la mère était en danger. Le conservatisme religieux dont sont imprégnés les Etats-Unis à cette époque explique largement cette forte limitation. Toutefois, cette approche restrictive de l’avortement a été remise en question par les mouvements féministes des années 1960 et 1970, qui ont plaidé pour le droit des femmes à disposer de leur corps.

En 1973, la Cour suprême des États-Unis a rendu sa décision historique dans l’affaire Roe v. Wade, qui a changé la donne en matière de droit à l’avortement. La Cour a statué que l’avortement était un droit constitutionnel protégé par la clause de protection de la vie privée du 14ème amendement de la Constitution américaine. Cette décision a rendu l’avortement légal dans tout le pays, bien que la Cour ait également autorisé les États à réglementer l’avortement dans certaines circonstances.

 

Une lutte permanente au niveau des Etats

Depuis la décision de Roe v. Wade, le droit à l’avortement a fait l’objet d’une forte opposition de la part de groupes anti-avortement qui ont cherché à restreindre ou à supprimer complètement ce droit, dont des groupes religieux conservateurs et des organisations anti-avortement. Ces groupes ont souvent bénéficié de l’appui des Républicains mais aussi de certains Démocrates.

Dans les Etats très conservateurs comme le Mississipi, le Missouri ou le Nebraska, de nombreuses lois ont progressivement restreint l’accès à l’avortement, en exigeant des délais d’attente obligatoires, le consentement parental pour les mineures, des restrictions géographiques sur les cliniques ou des limites de temps (quelques semaines après la grossesse). Ces multiples conditions ont entraîné la fermeture de nombreux établissements. Certaines lois ont même interdit purement et simplement l’avortement sans aucune exception, comme l’Alabama en 2019, mais elles ont souvent été jugées inconstitutionnelles par la Cour Suprême en vertu de Roe v Wade mais aussi d’autres arrêts rendus par la Cour.

Ainsi, en 1992, la Cour suprême a été appelée à se prononcer sur une autre affaire importante en matière d’avortement, Planned Parenthood v. Casey. La Cour a alors réaffirmé l’essentiel de l’arrêt Roe v. Wade, et a autorisé les États à imposer des restrictions sur l’avortement à condition qu’elles ne créent pas de « fardeau excessif » pour les femmes cherchant à avorter, jusqu’à 23 semaines après la grossesse. Avant ce délai, l’avortement doit donc être garanti sans trop de difficultés.

En parallèle, de nombreux Etats ont également adopté des lois cherchant à protéger le droit à l’avortement et à garantir que les femmes ont accès à des soins de qualité. Parmi eux, le Vermont, le Colorado, la Californie, l’Oregon ou l’Etat de New York. En 2019, l’Illinois, en réponse à l’Alabama, vote une loi intitulée « Illinois Reproductive Health Act ». Celle-ci garantit que les résidents de l’Illinois mais aussi les personnes venant d’autres Etats ont le droit d’avorter en toute sécurité et sans craintes de poursuites judiciaires.

 

Le tournant Trump

Cependant, la présidence Trump marque une rupture avec le passé en termes d’avortement. Le président américain nomme en effet des personnalités ultra-conservatrices, rigoristes et chantres d’une lecture littérale de la Constitution, à la Cour Suprême. Celle-ci évolue vers une nette majorité conservatrice (6 contre 3) qui inquiète les militants pro-choice. En décembre 2021, la Cour accepte d’examiner une loi du Mississipi interdisant la plupart des avortements après 15 semaines de grossesse, ouvrant la voie à une remise en cause de Roe v Wade.

Ce changement fondamental a effectivement lieu le 24 juin 2022. Dans la décision Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, la Cour statue, par 6 voix contre 3, que la loi du Mississipi est valide, et par 5 voix contre 4, que le droit à l’avortement n’est pas un droit constitutionnel. Elle annule ainsi les arrêts Roe et Casey, mettant fin pour la première fois à une jurisprudence instituée par la Cour suprême, et donne la liberté aux Etats de légiférer comme bon leur semble sur la question de l’avortement.

Dans la foulée, 18 Etats ont interdit l’avortement dans quasiment toutes les situations. Il est même totalement interdit dans le Tennessee, l’Alabama, le Texas et le Dakota du Sud. Toutefois, d’autres Etats, progressistes, ont renforcé ce droit. En août dernier, les électeurs du Kansas, un Etat pourtant conservateur, ont rejeté un amendement supprimant le droit à l’avortement de la Constitution de l’Etat. A l’occasion des élections de mi-mandat de novembre, les électeurs de Californie, du Michigan et du Vermont ont voté pour inscrire le droit à l’avortement dans leur Constitution à de larges majorités.

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Conclusion

En résumé, l’histoire de l’avortement aux États-Unis a été marquée par des luttes intenses entre les militants pro-choix et pro-vie, ainsi que par des décisions juridiques importantes. Bien que la Cour suprême ait protégé l’accès à l’avortement dans Roe v. Wade, les groupes pro-vie ont réussi à restreindre cet accès dans de nombreux États, avant que l’arrêt de juin 2022 n’annule le droit à l’avortement. Sans majorité suffisante, et face à l’opposition des Républicains, les Démocrates ne peuvent pas inscrire ce droit dans la Constitution. Aujourd’hui, le débat se poursuit tout comme les procédures judiciaires s’attaquant aussi bien aux lois anti-avortement qu’aux lois pro-avortement.

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Mehdi Lahiani
Etudiant en première année à HEC Paris après deux ans de prépa ECS.