Tout lecteur des Rougon-Macquart l’a compris depuis bien longtemps, Zola fait état de la place de femmes et d’hommes dans le Monde. Mais, plus précisément, il s’agit du monde social -et de la quête de rang des principaux protagonistes, qu’elle soit volontaire ou subie.
Dans l’Argent, Zola dresse le portrait impitoyable d’un homme d’affaire maudit : Saccard, personnage voué à l’échec, malgré ses nombreuses ascensions fracassantes dans le Monde.
Le monde social bourgeois est toujours sous-entendu derrière l’expression « le Monde », employée de manière récurrente tout au long de l’ouvrage. Mais ici, Zola fait aussi état de la chute irrémédiable du monde social aristocratique (incarné par les voisines déchues de Saccard, issues de la famille des Beauvilliers)
Par-delà les considérations métaphysiques, il s’agit donc de s’intéresser à l’enjeu social que recouvre le thème de cette année.
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Les grandes questions de Zola
Le présupposé est que l’existence pousse à la quête d’une place dans le Monde (ici, en l’occurrence : le monde social par l’intermédiaire de la reconnaissance conférée par le succès financier)
- Le monde n’est-il pas, a fortiori, social, et ce malgré tous les apparats ?
- Est-ce vain de chercher à s’en déprendre, voire impossible de nier son irréductible condition d’être social dans un monde social ?
- Peut-on combattre l’obsession, presque anthropologique, d’un monde social ?
- La condition sociale de l’individu dans le monde est-elle prédéterminée ?
L’analyse des questions d’Emile Zola
Dans ce célèbre monument écrit par Zola, c’est le monde des affaires qui semble être décrit —et, plus précisément, le monde financier. Mais ce qui se cache en réalité derrière ce monde éminemment codifié, c’est la porte d’accès au monde social. En fait, dès les premières lignes, le lecteur avisé peut aisément repérer la volonté farouche qui anime Saccard : il cherche à arriver à la cheville de son célèbre frère, Rougon, un éminent ministre du monde politique dont tout le monde parle dans la société.
Grand homme d’affaire, malheureusement déchu depuis ses déboires immobilières, Saccard tente de renouer avec sa gloire passée, pour retrouver sa place dans le monde parisien. Éloigné de l’immobilier de force, et sauvé par son frère (ce qui exacerbe des tensions ambivalentes entre les deux), il se réfugie dans le monde financier, et s’attache à mettre en place son idée de la démesure : la Banque Universelle, qui finance des projets d’envergure au Moyen-Orient —sous la supervision d’Hamelin, le frère de Mme Caroline, qui se retrouve d’ailleurs envoyé aux quatre coins du monde pour assouvir la soif de démesure de Saccard. Il est alors intéressant de noter ici une diffraction du monde, qui se retrouve séparé entre le petit monde (l’entre-soi social parisien) et le monde immense regorgeant d’opportunités (comme Hamelin le suggère après chacune de ses visites vers des contrées éloignées). Monde ouvert ou monde fermé ?C’est là une distinction qui pourrait être exploitée.
Tout au long de son ouvrage, Zola fait état d’une quête énergique de reconnaissance : Saccard recherche l’approbation du monde social, quoi qu’il en coûte. Après une première partie consacrée à l’essor des projets de Saccard, tout se complique quand il ne parvient plus à s’arrêter. Constamment insatisfait, le désir qui l’anime le pousse à gonfler artificiellement le prix de l’action de la Banque Universelle (en en achetant, de plus en plus souvent, ce qui causera sa ruine) dès son entrée en bourse. Prétextant que tout le monde le fait, même son pire ennemi, le tout-puissant Gundermann (en parallèle avec Rothschild, éminent représentant du monde juif de la finance, dont l’aversion par Saccard ne cesse d’être exacerbée), il se dédouane auprès de Mme Caroline avec qui il entretient un semblant de relation.
Ce roman, c’est aussi le roman qui fait état du pouvoir de l’argent, capable de changer la donne. L’argent capable de changer les gens (et même les aristocrates : voir les voisines de Saccard). Et, in fine, l’argent capable de changer le Monde —tant les paysages que les interactions entre les êtres constitutifs de celui-là.
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Les conseils de Mister Prépa pour Emile Zola
Lire le chapitre 12, ultime chapitre du livre (pour une lecture personnelle, toujours valorisée dans les copies). Il raconte l’inéluctable chute de Saccard (un motif récurrent dans les Rougons-Macquart). Finalement, c’est tout le monde financier qui se tourne contre lui, en spéculant à la baisse —jugeant que le prix de l’action de la Banque Universelle est trop gonflé—, ce qui entraine la chute de Saccard, paria du monde parisien, et donc irrémédiablement du monde social. C’est de la déchéance de l’individu dans le monde dont Zola fait état. Constat tragique, mais lié à un autre, tout autant tragique : le tendance anthropologique de l’homme à en vouloir toujours plus.
Ne pas hésiter à interroger l’exacerbation, par les réseaux sociaux, de l’obsession pour la réussite et les honneurs dans le monde social de nos jours.