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ESH ECRICOME 2023 – Analyse du Sujet 1

Sommaire

Découvrez sans plus attendre l’analyse du sujet 1 d’ESH ECRICOME 2023

L’objectif est de donner les clés pour vous aider à comprendre les idées maîtresses de ce sujet tout en vous préparant à l’examen dans les meilleures conditions possibles. 

LES SUJETS d’ESH ECRICOME 2023

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L’analyse du sujet 1 d’ESH ECRICOME 2023

Nous avions le droit ce matin aux premiers sujets d’Économie, sociologie et histoire (E.S.H.) dans le cadre de la dernière réforme des classes préparatoires. Bien que cette réforme n’ait pas changé grand-chose quant au contenu du programme, l’accent était mis sur le renforcement des dimensions techniques dans les nouveaux sujets de concours. Ces premiers sujets Ecricome semblent effectivement respecter ce cahier des charges puisque les deux sujets concernent des thèmes/enjeux financiers avec une forte dimension macroéconomique et historique.

 

Sujet : Dans une large perspective historique, vous vous interrogerez sur le rôle des banques centrales dans les économies développées

Ce sujet n’est pas forcément compliqué dans sa formulation mais il est sans doute plus complexe sur le fond.

En effet, le termes de « large perspective historique » implique un retour en arrière sur le rôle des banques centrales au 19ème siècle (qui reste le siècle de départ usuel du programme d’E.S.H.).

Néanmoins il était aussi possible de remonter plus loin en arrière concernant le rôle des Banques centrales puisque celles-ci existent depuis le 17ème siècle : la Banque de Suède est créée en 1668, la Bank of England est créée en 1694… On évoque généralement ces deux pays comme étant les premiers à disposer d’une Banque Centrale (même si l’obtention du statut véritable de Banque Centrale pour ces deux entités se fera bien après la création de ces banques).

Le sujet propose donc d’interroger le rôle des Banques centrales au moins depuis le 19ème siècle (voire avant si possible pour les candidats). Évidemment, l’idée est ici de montrer que le rôle des Banques Centrales évolue grandement en fonction du contexte spatio-temporel. En effet, le rôle de la FED et de la BCE (même aujourd’hui) n’est pas exactement le même en réalité, et le rôle des Banques Centrales a aussi bien évolué entre le 19ème siècle (sous le régime de l’étalon-or) et aujourd’hui (mesures de quantitative easing, monétisation limitée des dépenses de l’État…). 

Les candidats devaient pour aborder ce sujet être capable de distinguer plusieurs périodes d’action des banques centrales dans une forme d’idéal-type wébérien.

Par exemple, comment peut-on caractériser l’action des Banques dans le régime de l’étalon-or, dans le système capitaliste fordiste puis dans le système de change post Bretton-Woods ? Quels sont les différents objectifs de la politique monétaire dans ces différentes périodes ? stabilité des prix, stabilité de la valeur de la monnaie, stabilité financière via le rôle de prêteur en dernier ressort, objectif de plein-emploi, volonté de s’introduire dans les politiques des États (libéralisation des systèmes sociaux des pays), financer les changements structurels de nos États (comme la transition écologique…).

 

Proposition de corrigé

Pas de panique si votre plan est différent, ceci n’est qu’une proposition !

 

  • Accroche : En 1668, la Banque de Suède voit le jour pour remplacer la Banque de Stockholm qui fait faillite en raison d’une panique bancaire liée à l’introduction des billets sur le cuivre par Johan Palmstruch. Cette Banque est considérée comme la première banque centrale de l’histoire. Elle acquiert petit à petit le rôle véritable d’une Banque Centrale notamment à travers la monopolisation progressive de l’émission monétaire. Depuis la création de la Banque de Suède, on peut dire que le rôle des Banques Centrales a bien évolué !
  • Large perspective historique : Depuis le 19ème siècle, Nous pouvons prendre comme repère la période de l’étalon-or.
  • Banque Centrale : Pour cette définition nous reprenons celle de l’Eurosystème. Une Banque Centrale est une institution publique qui gère la monnaie d’un pays ou d’un groupe de pays et contrôle la masse monétaire. Dans la plupart des pays, la mission première (fonction manifeste chez Robert Merton) des Banques centrales reste celle de stabilité des prix même si parfois celui de plein-emploi peut aussi être un objectif affiché (A ce titre, la FED fait de cet objectif, un objectif quasiment aussi important que la stabilité des prix alors que la BCE en parle comme objectif secondaire).
  • Rôle : Au théâtre, un rôle correspond à ce que doit faire un acteur donné. Si le théâtre est ici l’économie mondiale et que l’acteur est la Banque Centrale, le rôle correspond à l’ensemble d’actions que doit mener la Banque Centrale et qui font partie de son mandat. Comme nous l’avons dit précédemment, le rôle de celles-ci est mouvant en fonction du cadre spatio-temporel.
  • Economies développées : Les économies développées peuvent être définies comme les pays dans lesquels la population peut subvenir à ses besoins vitaux. Ce sont les pays qui se trouvent dans la dernière étape de développement exposée par W. Rostow dans Les étapes de la croissance économique en 1960 à savoir l’ère de consommation de masse.

 

  • Problématique : Ici plusieurs choix sont possibles pour les étudiants, deux exemples possibles :
  1. Peut-on affirmer que l’action des Banques Centrales depuis le 19ème dans les PDEM se limite à la stabilité des prix ?
  2. Dans quelle mesure le rôle des Banques Centrales a pu différer en fonction du cadre spatio-temporel  ?

 

I- Si, les Banques Centrales ont pendant très longtemps eu pour mission première la stabilité de la valeur de la monnaie

 

A) Dans le système de l’étalon-or, le rôle des Banques Centrales était d’arbitrer entre financement de l’économie et stabilité des prix plutôt au profit de cette dernière (stabilité interne de la monnaie)

  • On en revient ici sur le débat anglais (la livre étant la monnaie centrale du SMI étalon-or selon J. Mistral dans Guerre et paix entre les monnaies, 2014) entre les tenants de la Banking School (Thomas Tooke) et ceux de la Currency School (David Ricardo). Ce débat concernant les modalités de la création monétaire a donné lieu au Banking Charter Act (1844). La Bank of England devait restreindre la quantité de monnaie dans l’économie par rapport au stock d’or dont elle dispose. L’ argument principal de la Currency School demeure le risque de panique bancaire liée à une trop forte émission de billets (Exemple de la faillite du système de John Law en France).
  • Dans ce système, il n’y a pas énormément « d’argent magique » comme le montre Jean-Marc Daniel dans Il était une fois l’argent magique (2020). Il ne peut y avoir ici une logique de multiplicateur de crédit, ce qui diminue le rythme de croissance de l’économie forcément. C’est d’ailleurs un des problèmes du régime de l’étalon-or -> Modèle ISLM développé par J. Hicks en phase classique.
  • Époque où la sphère monétaire est considérée comme neutre, elle n’est donc pas utile pour la croissance mais peut causer de l’inflation (théorie quantitative de la monnaie énoncée par J. Bodin dès le 17ème siècle : MV = PT).
  • La valeur de la monnaie est donc stabilisée de manière interne grâce à l’action de la Banque Centrale via le taux d’escompte notamment.
  • Précision : plus on se rapprochera des balbutiements de l’étalon or dans les années 1900 et 1910, plus le principe de la Currency School faiblira. Par exemple le « National Bank act » de 1863 aux USA inspiré de cette vision verra sa pertinence remise en cause lorsque la FED sera créée en 1913 avec justement l’objectif de financer l’économie américaine (objectif que l’on retrouvera largement ensuite dans le capitaliste monopoliste fordiste théorisé par M. Aglietta).

 

B) Le système de l’étalon-or incite aussi les Banques Centrales à stabiliser la valeur de la monnaie de manière externe

  • Si on prend la période où l’étalon-or est le plus développé, c’est-à-dire de l’adoption de ce régime par l’Allemagne après la guerre franco-prussienne en 1870 jusqu’au début de la première guerre mondiale, on peut dire que le régime de l’étalon-or occupe une place particulière facile à énoncer sur le triangle de Mundell développé par Mundell & Fleming dans A theory of optimum currency area en 1961.
  • En effet, en reprenant les conclusions de S. Berger dans Notre première mondialisation : leçon d’un échec oublié (2003) : on constate que cette période est une période de forte mobilité pour les capitaux internationaux qui participent au développement de certains pays (les capitaux se déplacent du Royaume-Uni aux USA par exemple). En outre, le système de l’étalon-or suppose des taux de changes fixes. Ainsi en combinant taux de change fixe et forte mobilité des capitaux, on constate que les nations abandonnent l’idée d’une politique monétaire active.
  • Ici la Banque Centrale a comme rôle de maintenir la valeur externe de la monnaie, c’est-à-dire d’empêcher les dévaluations. Ainsi, elle ne peut mener une politique monétaire comme on pourrait le montrer aisément à l’aide d’un modèle IS-LM-BP avec une forte mobilité des capitaux.
  • Ainsi durant le régime de l’étalon-or, l’objectif premier des Banques Centrales est la préservation de la valeur de la monnaie tant d’un point de vue interne (limiter au plus l’inflation et donc par-là la quantité de monnaie en circulation) qu’externe (empêcher la perte de la valeur de la monnaie par rapport à l’or).
  • Cet objectif disparaîtra avec le changement de régime de change en 1973 avec la fin de Bretton-Woods. Ce régime couplera politique monétaire active et mobilité des capitaux permettant alors à la politique monétaire d’agir.

 

II- Elles ont eu par la suite un rôle plus important à jouer dans les fluctuations économiques (objectif de plein-emploi et lutte face aux crises financières)

 

A) La crise de 1929 : tournant dans le rôle des Banques Centrales ?

  • M. Friedman & A. Schwarz dans Une histoire monétaire des USA (1963) expliquent le rôle délétère de la politique monétaire de la FED menant à la crise de 1929. Trop laxiste dans les années 1920, elle a incité à l’endettement et a mené une politique procyclique d’augmentation des taux lorsque la crise s’est déclenchée, ce qui a aggravé cette crise.
  • Face à ce constat de nombreux économistes vont montrer que le rôle des Banques Centrales est d’assurer la stabilité financière en intervenant lors des paniques financières et des graves crises.
  • R. Hawtrey dans The art of central Banking montre que le rôle de la BC est de mener une politique contracyclique, limitant les crédits accordés aux banques dans les phases d’euphorie et leur permettant de se refinancer plus facilement en période de crises.
  • Plus globalement, la crise de 1929 est le moment qui popularise les idées de JM Keynes dans toutes les économies développées. Dans ses idées exposées dans La théorie générale en 1936, on retrouve bien l’idée d’une politique monétaire plus active en période de crise pour relancer l’activité économique.
  • La crise de 1929 est selon la théorie de la régulation le moment de transition entre capitalisme concurrentiel et capitalisme fordiste. Ce dernier va être profondément inspiré par la vision keynésienne (modèle ISLM appliqué durant le New Deal de F. Roosevelt). Les modèles macroéconomiques dominants sont ceux qui s’inspirent plus ou moins de sa vision (courant de la synthèse -> Courbe de Phillips).
  • Le modèle de Phillips incite aussi à une politique monétaire active dans tous les pays pour arbitrer entre chômage et inflation (politiques de stop & go durant les 30 glorieuses menées par les économies développées).
  • Le rôle des Banques Centrales est donc ici le financement de l’économie réelle et l’arbitrage entre inflation et chômage.

Problème : Ce rôle va être mis en difficulté devant la situation de stagflation. Le rôle de la Banque Centrale va fortement être remis en cause par les monétaristes tels que M. Friedman ou A. Meltzer mais aussi par les nouveaux classiques.

 

B) Du rôle des Banques Centrales durant la grande modération jusqu’à la crise de 2008

  • Le nouveau paradigme monétariste récuse les bienfaits d’une action active de la banque centrale dans l’économie. Dès lors, selon ce paradigme, ce qui est important pour la banque centrale est de retrouver son rôle initial : celui de garant de la stabilité des prix (M. Friedman).
  • Pour cela, il faut que l’action de la Banque Centrale soit crédible selon R. Barro. C’est pourquoi il faut renforcer le principe d’indépendance des Banques Centrales qui existait déjà au 19ème siècle (Exemple de la Banque de France à la fin du 19ème –> Querelle entre L. Gambetta et Mr Cuvier alors gouverneur de la BdF qui refuse un prêt au gouvernement pour ne pas mettre en péril les finances françaises). Face à ce retour du classicisme du rôle des Banques Centrales (qui est à la base de la doctrine de la BCE), on observe bien une inflation contenue et une période de stabilité qui sera appelée « Grande Modération » par Stock & Watson (2002). Ainsi, l’idée défendue par les économistes à l’époque et entérinée par le consensus de Jackson Hole est que le rôle principal des BC est la stabilité des prix. Par-là viendra la stabilité financière.
  • Le problème est qu’il y a un retournement de paradigme monétaire lors de la crise de 2008 que ces économistes n’avaient pas vu venir.
  • Ainsi les BC vont retrouver leur rôle de « prêteur en dernier ressort » (W. Bagehot) via de nouvelles modalités cette fois-ci avec les plans de quantitative et qualitative easing -> Modèle ISLM encore utilisable ici.
  • Politique monétaire fondée sur la règle de Taylor.
  • A cet instant le rôle de la BC redevient la stabilité financière avant la stabilité des prix et les politiques de QE (modalité de la politique qui change en situation de trappe à liquidité) ont duré de 1999 (date du premier au Japon) jusqu’à la crise du COVID.

 

III- La situation aujourd’hui fait émerger quelques questions quant au rôle futur des Banques Centrales des économies développées

 

A) Le contexte post-COVID complique le rôle de la Banque Centrale

  • Situation de dominance budgétaire voire de dominance de marché de la politique monétaire : la Banque Centrale peut difficilement concilier stabilité financière et stabilité des prix puisque les montants de dette publique des États sont tels qu’une remontée des taux incontrôlée déclencherait une crise de la dette (ou des faillites d’entreprise !) mettant en péril la stabilité financière.
  • Ainsi dans ce contexte, que les BC ont contribué à créer elles-mêmes (elles ont eu un comportement de pompier pyromane selon Artus & Virard dans La folie des BC, en 2016), leur rôle se complexifie car elle doive lutter contre une inflation (qui n’est pas monétaire) tout en garantissant la stabilité financière.
  • Modalités d’action : hausse des taux et quantitative tightening pour éviter la récession.
  • Le début de crise financière via l’épisode de la Silicon Valley Bank montre le rôle ambivalent que les BC ont eu pour la stabilité financière depuis 10 ans.

 

B) L’enjeu de la stabilité financière renouvelée dans le rôle des Banques Centrales

  • Depuis les années 2010, on se rend compte que les BC prennent à bras le corps les questions de stabilité financière avec différentes mesures plus ou moins récentes pour l’assurer : les accords de Bâle III, la loi Dodd Frank act aux USA, le mécanisme européen de stabilité, la surveillance accrue des banques systémiques dans le cadre de l’Union bancaire (2014)…
  • Aujourd’hui en vertu de cette stabilité financière certains chercheurs (J. Couppey Soubeyran) et certains acteurs des BC (M. Carney ancien dirigeant de la BOE) se demandent, si le rôle de la BC n’est pas de financer la transition écologique qui représente à termes un risque d’inflation et un risque pour la stabilité financière. Cette vision est plus ou moins inspirée de la théorie monétaire moderne qui a fait florès durant le COVID aux USA mais qui s’est diffusée à l’ensemble des économies développées (S. Kelton, Le mythe du déficit, 2021).
  • E. Monnet dans La Banque Providence, 2021 propose un nouveau modèle d’indépendance permettant notamment à la BCE de financer la transition écologique.

 

Conclusion

Ainsi nous avons pu voir que le rôle des Banques Centrales a bien évolué depuis le 19ème siècle. De simple garante de la stabilité des prix, l’institution semble devenir aujourd’hui la source de financement du changement le plus important de nos économies : la transition écologique.

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Léo Bedenc
Diplômé emlyon et SciencesPo Lyon après une prépa ECE à Bordeaux, je suis également agrégé en S.E.S et j'interviens régulièrement sur Mister Prépa en ESH.