Découvrez dès maintenant l’analyse du sujet d’ESH ESCP/SKEMA pour le concours BCE 2023.
Il s’agit d’une épreuve qui figure parmi les épreuves les plus importantes en termes de coefficients pour les différentes écoles.
L’analyse du sujet d’ESH ESCP / SKEMA 2023
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour analyser la première version post-réforme du plus important sans doute des sujets d’ESH puisqu’il concerne la majeure partie des écoles de la BCE.
Première chose frappante en voyant le sujet, on se rend compte encore une fois que les esprits des concepteurs de sujets peuvent se rencontrer. En effet, le sujet ESCP/Skema fait explicitement mention du rôle des Banques Centrales alors même que c’était le sujet numéro 1 de l’épreuve d’ESH ECRICOME 2023 que nous avions déjà analysé la semaine dernière. Évidemment certains éléments changent, ne serait-ce que la formulation qui peut être déconcertante puisque pour la deuxième fois en 3 ans, le sujet ESCP/Skema ne se formule pas sous forme de question mais ici sous la forme d’une citation seule. Il n’y a même pas de « commenter », « analyser », « justifier » pour accompagner cette citation. La principale subtilité et difficulté du sujet semblait reposer sur ce point. A partir de cette citation, il pouvait y avoir des problématiques très différentes et c’est sans doute grâce à cette capacité de problématisation que les meilleurs élèves se démarqueront.
Commençons par quelques définitions des termes du sujet :
- Premier objectif : En termes théoriques, nous pourrions ici reprendre le concept de fonction manifeste du sociologue fonctionnaliste Robert Merton.
Cette fonction reprend l’idée qu’une fonction est voulue, souhaitée et que l’action de l’institution en charge de cette fonction a des conséquences claires et positives sur cette fonction.
Ici, on peut dire que la stabilité des prix semble de prime abord être la fonction manifeste par excellence de l’institution Banque Centrale (surtout dans le cas de l’Union Européenne).
Le premier objectif correspond donc à une fonction manifeste chez Merton et correspond à la fonction principale d’une institution qu’est ici la Banque Centrale. - Banque Centrale : On peut ici faire le rappel que l’on considère comme premières Banques Centrales de l’histoire, la Banque de Suède créée en 1668 et celle d’Angleterre (BOE) créée en 1694.
On utilise souvent l’expression « banque des banques » pour définir une Banque Centrale. Cette Banque Centrale a la charge de l’émission monétaire (pouvoir de battre monnaie) dans un pays ou dans un groupe de pays (dans le cadre de la zone euro avec la BCE par exemple), elle a historiquement une fonction de prêteur en dernier ressort (W. Bagehot) ce qui n’a d’ailleurs pas été le cas au début de la création de la zone euro (Article 125 du TFUE).
On considère généralement que la Banque Centrale est l’institution qui doit garantir la valeur d’une monnaie nationale tant interne (stabilité des prix) qu’externe (stabilité du change) et pour cela, elle dispose d’un outil en particulier qui est celui du taux d’intérêt.
Comme le sujet fait mention du TFUE, nous indiquons juste que dans ce même cadre la BCE agit de manière indépendante pour assurer son objectif de stabilité des prix comme le stipule l’article 130.
Elle doit finalement aussi garantir la stabilité financière (d’où la mise en place de systèmes de supervision des banques de second rang et notamment des banques too big to fail). - Stabilité des prix : Selon l’Eurosystème, l’idée de stabilité des prix consiste à éviter une inflation trop soutenue (au-delà de 2% aujourd’hui dans le cadre du TFUE) tout en échappant aussi au piège de la déflation.
La stabilité des prix n’inclue pas la stabilité externe de la monnaie. - Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne : Ce traité composé de 358 articles est le traité à la base de la création de l’Europe puisqu’il voit le jour en 1957, établi par le traité de Rome.
Il changera par la suite avec les grandes étapes d’intégration européenne (on peut ici se servir de la typologie de Bela-Balassa).
Le traité sera modifié par exemple avec l’acte unique de 1986, avec le traité de Maastricht en 1992 et in fine par le traité de Lisbonne de 2007.
Précision générale sur la définition : Il est intéressant de voir que cette citation est en réalité quelque peu tronquée (de manière consciente) par le concepteur de l’épreuve. En effet, si l’on reprend exactement l’article 127 du TFUE, on lit : « L’objectif principal du Système européen des banques centrales, le SEBC, est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union ». Ainsi, la stabilité des prix est ici l’objectif principal mais n’est pas le seul.
Analyse du sujet
A notre avis, il y a deux manières de voir ce sujet. Pour reprendre une distinction que les étudiants ont dû voir en cours de sociologie en 1ère année d’ESH, il y a une vision positive (A. Comte) et une vision normative. La vision positive consiste à se poser la question : « est-ce que lorsque l’on regarde les grandes Banques Centrales et notamment celle de la zone euro, il est vrai de dire que cet objectif de stabilité est bien l’objectif principal ? ». La vision normative nous invite à poser la question suivante : « Doit-on se contenter de cette vision de la politique monétaire avec un présupposé ordolibérale évident ? Cette affirmation ne doit-elle pas être changée ? Est-elle encore pertinente aujourd’hui ? » … La volonté du concepteur de ne pas mettre européenne après Banque Centrale nous indique que le sujet tourne autour de la BCE sans pour autant s’y réduire !
Proposition de corrigé
Ne paniquez pas si votre plan n’est pas exactement le même. Il s’agit d’une proposition et non d’une solution universelle !
- Accroche : Dans « Le mandat de la BCE vu à travers le prisme de la nouvelle stratégie monétaire » publié en novembre 2021, deux économistes de la Banque de France (Y. Fischer & G. Sestieri) relatent une étude Kantar réalisée auprès de 1000 Personnes. Cette étude posait aux personnes interrogées la question suivante : « Quel est l’objectif principal de la politique monétaire de la BCE ? ». Le sondage montre que les individus interrogés envisagent comme premier objectif la stabilité financière puis la croissance économique à égalité avec les réponses « stabilité des prix » et « sans opinion ». Ainsi selon les individus l’objectif principal de la Banque Centrale n’est pas la stabilité des prix comme indiqué dans le TFUE mais plutôt la stabilité financière. Ainsi, les individus se trompent-ils ou alors assistons-nous à un changement d’objectif de la politique monétaire de la BCE ?
- Définitions : On reprend ici les définitions mentionnées ci-dessus.
- Problématique : L’article du TFUE exprime-t-il une vision universelle du rôle des Banques Centrales ou simplement l’action de la BCE ? En outre, cet article du TFUE est-il compatible avec les défis de l’économie européenne aujourd’hui ?
- Plan : Si l’article du TFUE semble bien être le fruit d’une vision univservsellement partagée du rôle de la Banque Centrale depuis le 19ème siècle jusqu’à nos jours (I), nous pouvons dire que cet objectif a parfois pu être couplé à d’autres objectifs sur le même pied d’égalité, n’en faisant plus l’objectif principal mais seulement un des objectifs principaux (II), finalement nous pouvons nous demander si l’idée que la stabilité des prix soit l’objectif premier de la BCE reste pertinente à l’heure actuelle face aux changements structurels de nos économies (III).
I- Si l’article du TFUE semble être le fruit d’une vision universellement partagée du rôle de la Banque Centrale :
A) Au 19ème siècle, la stabilité des prix constituait l’objectif principal des Banques Centrales :
- Même si à leur création, l’objectif des BC était plutôt le financement d’emprunts publics dans des cadres de guerre (Banque D’Angleterre) ou le rétablissement de la confiance à la suite d’une panique financière (Banque de Suède), nous pouvons dire que le principe érigé dans le TFUE faisait déjà l’objet d’une forme de consensus au 19ème siècle. Le but était d’éviter une perte de la valeur de la monnaie (ce qui est une définition possible de la stabilité des prix). Dès lors les Banques Centrales vont s’emparer de la problématique de la stabilité des prix.
- A cette époque, la monnaie est considérée comme neutre (Théorie quantitative de la monnaie de J. Bodin illustrée par la nuit de Hume), ainsi une trop forte création monétaire pouvait être mauvaise pour l’économie en créant énormément d’inflation : MV = PT.
- On retrouve cette idée dans tout le débat autour de la currency school et de la Banking school (T. Tooke). Il fallait selon les tenants de la currency school (D. Ricardo) limiter la création monétaire en fonction du stock d’or pour limiter les paniques bancaires et l’inflation. C’est ce principe qui guidera l’action de la BOE au 19ème siècle après la mise en place du Bank Charter Act en 1844 et qui inspirera plus ou moins les autres banques centrales.
- Pour assurer la stabilité des prix dans ce système, la Banque Centrale utilise le taux d’escompte ou alors le plafonnement du crédit.
B) Tout comme dans la période du capitalisme actionnarial bien qu’il y ait des disparités géographiques
- Selon la théorie de la régulation (M. Aglietta, « Pour une théorie de la régulation », 1974), le capitalisme actionnarial démarre après la crise des deux chocs pétroliers dans les années 1970. Ce capitalisme est dominé sur le plan théorique par les courant ordolibérale, monétariste et celui des nouveaux classiques.
- M. Friedman dans « Inflation & systèmes monétaires » en 1969, penseur éminent du monétarisme va populariser selon laquelle l’inflation est délétère, bien loin des idées keynésiennes. Ainsi il faudrait lutter contre cette inflation qui est un mal économique comme l’ont montré les deux chocs pétroliers. Cette idée va se transformer en un paradigme durant les années 1970 et 1980. L’idée dominante réside alors dans le principe que la stabilité des prix doit constituer l’objectif principal des Banques Centrales d’où l’idée que leur action devienne indépendante pour assurer cet objectif (les BC doivent se prémunir du cycle politico-électoral observé par W. Nordhaus). Pour cela, les monétaristes et les nouveaux classiques vont proposer des règles de progression monétaire assez strictes. On retrouve notamment la règle des K% chez M. Friedman.
- P. Jaillet & B. Mojon dans « Les politiques d’objectif des banques centrales en perspective », 2018 montrent que le ciblage précis de l’inflation devient l’objectif principal d’énormément de banques centrales dans les années 1970. Le ciblage de l’inflation devient officiel en 1970 pour la FED, en 1973 pour la Banque de France, en 1974 pour la BOE, en 1975 pour la Bundesbank.
- Le tournant néolibéral impose donc la stabilité des prix comme objectif premier aux Banques Centrales. C’est dans ce cadre d’ailleurs que va être créée la Banque Centrale Européenne en 1998. Ainsi, on comprend l’article 127 du TFUE qui érige la stabilité des prix comme objectif principal de son mandat et on voit pourquoi l’article 130 du TFUE assure l’indépendance forte de cette banque centrale pour respecter ce mandat.
- Cet objectif sera toujours le premier au moins jusqu’en 2008 et ce dans toutes les grandes régions du monde (période de grande modération). Par exemple, le Japon amorce des politiques monétaires non-conventionnelles dès 1999 pour sortir du cercle vicieux de la déflation dans le but de retrouver la stabilité des prix (de même pour les Abenomics par la suite).
II- Il s’avère qu’il s’applique davantage au cas de la BCE dans une période récente car la stabilité des prix n’a pas toujours été l’objectif premier des BC en Europe et dans le monde
A) Du consensus keynésien jusqu’à aujourd’hui, la stabilité des prix ne fut pas forcément l’objectif principal : la Banque Centrale visait la maximisation de la croissance économique en limitant tout de même l’inflation
- Encore une fois, on utilise ici la théorie de la régulation. Le consensus keynésien représente la période de capitalisme fordiste allant de 1929 à 1972. Cette période va consacrer les idées de J-M. Keynes dans « théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », 1936 et en faire un véritable paradigme économique.
- La Banque Centrale dispose d’un rôle beaucoup plus actif qui n’a plus forcément comme objectif principal la stabilité des prix que cela soit en Europe ou aux USA. En effet, le financement de la croissance et la stabilité financière dans le cadre de la crise de 1929 semblent constituer deux objectifs au moins aussi principaux que la stabilité des prix. Alors évidemment durant la crise de 1929, il semble que les politiques expansionnistes menées dans un second temps par la FED permettent d’assurer de manière conjointe stabilité des prix et stabilité financière en sortant du piège de la déflation illustré par la théorie d’I. Fisher en 1933.
- En outre, la période des 30 glorieuses est une période de fort interventionnisme de l’État et cela se retranscrit dans le rôle de la Banque Centrale qui va alors intervenir dans l’économie via des politiques de stop&go. On peut ici utiliser le modèle ISLM (Hicks, 1937) pour montrer la nature de telles politiques.
- En un sens les pays utilisent avant sa formalisation académique la règle de Taylor. Ils se soucient évidemment de la stabilité des prix mais la croissance devient un objectif tout aussi principal de la politique monétaire des pays développés.
- On retrouve aujourd’hui les mêmes problématiques et notamment dans le cas européen. L’explosion des dettes publiques réalisée dans un contexte de taux bas complique l’idée de la primauté de l’objectif de stabilité des prix de la Banque Centrale. En effet, elle peut paraître en situation de dominance budgétaire, ce qui fait entrer en tension un objectif de stabilité financière et stabilité des prix. Les nouveaux classiques envisageaient que la stabilité des prix amenait la stabilité financière d’où la primauté donnée à l’objectif d’inflation. Néanmoins, la crise de 2008 fait voler en éclat cette croyance et montre que les BC doivent parfois arbitrer entre ces deux notions. Les politiques menées par la FED et la BCE dans le contexte d’une forte inflation aujourd’hui semblent nous montrer que la stabilité financière demeure un objectif au moins aussi important que la stabilité des prix. La stabilité des prix n’est plus l’objectif premier au mieux il est l’objectif premier ex-aequo.
B) En outre, si l’on regarde bien le mandat des Banques Centrales, il peut être erroné de dire que la stabilité des prix est L’objectif principal
- En outre, il nous parait intéressant de rappeler que la citation provient du TFUE et que cette primauté donnée à l’objectif de stabilité des prix n’est pas forcément partagée dans d’autres zones géographiques moins inspirées par cette tradition ordolibérale. On peut ici donner quelques exemples.
- J.P Pollin dans « Quelles différences entre la FED et la BCE », 2021 rappelle que le mandat de la FED ne dispose pas d’un objectif principal de stabilité des prix mais bien d’un objectif duale de stabilité des prix et de plein-emploi. Dans une visioconférence concernant la revue stratégique des objectifs de la FED fin 2018, le directeur de la FED Jérôme Powell mettait d’ailleurs l’accent sur l’importance de l’objectif d’emploi pour la FED.
- Même en Europe, on a pu observer dans les années 2010 une action aux multiples objectifs de la BCE. En effet, l’objectif de réformes des États-providences des États-membres devenant important dans son mandat de manière officieuse selon E. Monnet dans « La banque providence ».
- En outre, si l’on sort d’un cadre strictement occidental dans lequel la théorie des nouveaux classiques est dominante, on se rend compte que la stabilité des prix n’est pas l’objectif central de la Banque Centrale comme le montre le cas de la Banque Populaire de Chine. En effet A. Ibazizen dans « le système financier chinois » (1998) montre que la BPC dispose au départ d’objectifs bien différents : financer les plans décennaux mis en place par le gouvernement communiste et assurer la compétitivité-prix des productions chinois à l’export. Ainsi le « flottement administré » de la Chine a permis d’assurer la compétitivité chinoise et in fine sa croissance. Aujourd’hui, les objectifs de la BPC ont changé face au changement de statut au niveau mondial. Néanmoins, l’objectif de stabilité des prix qui est affiché n’est toujours pas l’objectif premier mais un des objectifs centraux en compagnie de la stabilité financière et du financement de la croissance comme l’a annoncé Yi Gang le gouverneur de la BPC début avril 2023.
Conclusion des deux premières parties
Si l’on prend une perspective large, l’article du TFUE ne semble pas tout à fait universel. En effet, la stabilité des prix a toujours fait partie des objectifs centraux des banques centrales mais certains pays n’en font pas leur objectif central ainsi que certaines périodes mettent sur le devant de la scène d’autres objectifs aussi importants que celui-ci. Ainsi même la BCE a durant les crises de 2008, des dettes souveraines et du COVID mis l’accent tant sur la stabilité des prix que sur la stabilité financière (en renforçant les politiques macro et microprudentielles via le MSU, le MRU et l’union bancaire par exemple). Pour autant, il reste un objectif central aujourd’hui, doit-il le rester demain ou le TFUE devrait-il faire évoluer son article 127 ?
III- Finalement, est-il toujours justifié aujourd’hui d’ériger cet objectif de stabilité des prix comme l’objectif premier de la Banque Centrale Européenne ?
A) Face aux défis que connaissent les économies aujourd’hui, il ne semble plus forcément opportun en comparaison d’autres objectifs, l’article 127 du TFUE doit évoluer !
- Nos sociétés connaissent de nouveaux défis structurels qui vont profondément transformer les structures économiques de tous les pays. On pense ici par exemple au changement climatique qui va imposer la mise en place de politiques drastiques pour y faire face. Depuis la crise du COVID, la théorie monétaire moderne essaie de montrer que l’objectif de stabilité des prix doit être remplacé par un objectif de participation aux projets importants de la nation pour la Banque Centrale.
- On retrouve cette idée chez S. Kelton dans « le mythe du déficit » (2020) mais aussi chez J. Couppey-Soubeyran qui souhaite un financement monétaire de la transition écologique dans « transition écologique : le bien commun n’a pas de prix » (2023). Évidemment ceux qui valident la théorie quantitative de la monnaie craignent que cette politique crée de l’inflation de manière incontrôlable. C’est la critique réalisée par J-M. Daniel dans « il était une fois l’ère de l’argent magique » (2021). Néanmoins, d’autres économistes mettent l’accent sur le fait que l’inaction climatique mette en danger la stabilité financière. Dans ce cadre l’objectif de financement vert doit devenir un objectif voire l’objectif principal des BC. C’est notamment ce qu’a montré l’ancien gouverneur de la BOE en 2015 Mark Carney dans un discours fondateur sur la question qui a amené à une prise de conscience générale et à la création du Networking for greening the financial system en 2017 à l’initiative de la Banque de France. Les déclarations de la présidente de la BCE Christine Lagarde semblent aussi aujourd’hui aller en ce sens d’un objectif de verdissement pour assurer la stabilité financière. De là à remettre en cause la primauté de l’objectif de stabilité des prix ?
B) A moins qu’en réalité, ces défis soient tout à fait compatible avec cet article 127 ?
- En réalité, on peut se demander si le financement de la transition écologique ne rentre pas pleinement dans la logique de l’article 127 du TFUE : « L’objectif principal du Système européen des banques centrales, le SEBC, est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union ».
- En étudiant bien l’enjeu de la transition écologique, on se rend compte que cet objectif peut être un objectif secondaire menant pleinement à la réalisation de l’objectif central de stabilité des prix qui resterait alors l’objectif premier de la BCE.
- E. Combe dans « l’inflation verte vous attend » (2022) montre que la transition écologique va être inflationniste (inflation climatique, greenflation, fossilflation). Ainsi cet enjeu menace l’objectif principal de stabilité des prix de la BCE comme mentionné dans le TFUE.
- En outre le bulletin de la Banque de France d’avril 2023 intitulé « transition vers la neutralité carbone : quels effets sur la stabilité des prix » , montre que plus l’action climatique sera retardée, plus la transition bas-carbone sera inflationniste car il faudra très vite renchérir le prix des biens carbonés via des systèmes de taxe Pigouvienne . Ainsi, si la BCE s’empare de cette problématique écologique à court-terme, elle permettrait d’éviter une situation inflationniste plus tard. Dès lors, bien que l’on pense le financement des communs comme devant être le nouvel objectif principal de la Banque Centrale, on se rend compte qu’en réalité, l’objectif central demeure la stabilité des prix et dans ce cadre un objectif pourrait être le financement massif des activités vertes.
Conclusion
Nous avons donc vu que la stabilité des prix était bien un objectif principal pour les BC à travers l’histoire faisant de l’article du TFUE une sorte de retranscription européenne de la vision universelle du rôle d’une banque centrale. Néanmoins elle est plus un objectif central que l’objectif central car il a pu être supplanté voire égalé par d’autres objectifs même dans le cas de la BCE qui est pourtant soumise à l’article du TFUE que nous avons eu en sujet. A la question de savoir, si le TFUE doit évoluer sur cette question-là, on peut se demander si la nouvelle mode consistant à dire que la transition écologique doit représenter un objectif principal invalide réellement l’idée présente dans le TFUE. Ainsi, sans doute que la stabilité des prix demeurera l’objectif central dans le traité et un des objectifs centraux dans la réalité !