Dans son ouvrage Les défis du Capitalisme, Arnaud PAUTET traite du futur du capitalisme suite à la crise du Covid-19. A travers ce large thème, l’auteur s’interroge sur l’objectif de la croissance économique, présente la relation entrepreneur-manager-actionnaire et son effet sur l’entreprise, se préoccupe des conséquences de la mondialisation sur les inégalités et cherche à comprendre l’utilité des banques et des marchés financiers.
Dans cet article, nous reprenons son texte qui traite du capitalisme selon Branko Milanovic.
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Les défis du capitalisme d’Arnaud PAUTET – Le capitalisme selon Branko Milanovic
Nous précisons que le texte ci-dessous est entièrement issu de l’ouvrage d’Arnaud PAUTET. Si vous souhaitez vous servir de quelques phrases, ces dernières devront être sous la forme de citations.
Dans son dernier essai, Branko Milanovic réactualise ces représentations du capitalisme et propose une vision dualiste. Il distingue le capitalisme « libéral démocratique » et le « capitalisme politique » ou « autoritaire ».
Le premier, « libéral démocratique », emprunte à John Rawls l’idée que les positions dans la société doivent être accessibles à tous, grâce à un système méritocratique. L’école tient évidemment une place essentielle : elle est le moyen incontournable pour atteindre cette fin. Ce système est libéral, en ce sens que sa survie dépend de la préservation de la mobilité sociale entre les générations. A ce titre, l’État doit assumer sa fonction redistributrice, en taxant notamment les successions ; il doit œuvrer en faveur de l’égalité des chances, en déployant des politiques d’affirmative action. Ce capitalisme a des caractéristiques propres, qui le distinguent du capitalisme classique (celui de l’économie-monde britannique d’avant 1914) et du capitalisme social-démocratique (monopoliste, fordiste, des Trente Glorieuses) : par exemple, les plus hauts revenus coïncident avec les personnes les mieux dotées en capital. D’une manière générale, on retrouve plus de similitudes avec le capitalisme classique qu’avec le capitalisme monopoliste : la croissance rapide des revenus du capital ; l’homogamie renforcée ; la corrélation entre le revenu des parents et des enfants, attestant une forte reproduction sociale et un ralentissement de la mobilité sociale ascendante. Ce capitalisme tolère donc une inégalité plus forte, et une transmission des inégalités plus importante, que dans la période de l’après-guerre.
Le second, « politique », s’inspire de Max Weber, désignant « l’usage du pouvoir politique en vue de réaliser un profit économique ». On peut cependant se demander, dans le cas chinois, s’il ne s’agit pas plutôt de mettre l’économie au service d’une ambition politique impérialiste. B. Milanovic, à l’aune du capitalisme chinois notamment, explique que ce système repose sur trois piliers : une technocratie dont l’objectif est de garantir un haut niveau de croissance économique ; l’absence d’État de droit, coïncidant paradoxalement avec un État fort capable d’agir de manière discrétionnaire, et ce même au mépris de droits fondamentaux ; une autonomie de l’État par rapport au secteur privé, ce dernier n’étant pas suffisamment puissant pour imposer ses vues au pouvoir politique. Si la Chine est le meilleur représentant de capitalisme « autoritaire », il se décline selon l’auteur à Singapour, au Vietnam, en Birmanie, en Russie, en Asie centrale, en Éthiopie, en Algérie, au Rwanda. Son succès témoigne d’une inversion du régime des inégalités entre les nations, que les marxistes attribuaient à une désarticulation dans le commerce mondial entre les pays riches (anciennes métropoles) et les pays pauvres (colonies devenues indépendantes) au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1970, l’Occident produisait 56% du PIB mondial et l’Asie (Japon inclus) 19%. Aujourd’hui le rapport de force s’est inversé, l’Occident produisant 37% de la richesse mondiale et l’Asie 43%. Les populations bénéficiant du rattrapage ont le sentiment de devoir beaucoup à la mondialisation, à l’inverse des opinions publiques des nations « rattrapées » (91% des Vietnamiens s’enthousiasment pour la globalisation contre 37% de Français). Précisons que le rattrapage n’est pas achevé pour autant : le PIB par habitant chinois représente 30 à 35% de celui de l’Occident en 2016.
Ces deux capitalismes ont cependant un point commun, comme le note Pascal Combemale dans sa préface à l’ouvrage : « dans un type de capitalisme, le pouvoir économique donne accès au pouvoir politique, dans l’autre c’est l’inverse ; dans les deux cas, la concentration des pouvoirs bénéficie à une élite qui tend de plus en plus à se reproduire ».
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