Il s’agit du message que le peuple chilien a donné le 4 septembre 2022 en rejetant largement la proposition d’une nouvelle constitution. Le rejet s’est imposé avec près de 62% des voix malgré le fait que le « oui » avait le soutien de l’actuelle coalition gouvernementale progressiste dirigée par Gabriel Boric.
Les résultats peuvent paraître surprenants dans un pays où, il y a deux ans à peine, près de 80 % des électeurs ont voté en faveur d’une modification de la constitution actuelle, rédigée par le régime d’Augusto Pinochet en 1980. Analysons les raisons majeures de ce résultat qui peut paraitre paradoxal.
Si quelques rappels sont nécessaires sur ce qui s’est passé au Chili :
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Un texte vivement critiqué par la population
Bien que de nombreux experts internationaux aient souligné la qualité et les innovations de la proposition, la cataloguant même comme l’une des plus progressistes au monde, le texte a fait l’objet de nombreuses critiques à l’intérieur du pays. La proposition chilienne se distingue notamment en innovant dans des domaines comme la parité ou la protection de l’environnement. En revanche, dans cette ébauche l’État chilien est défini comme plurinational dans le but de répondre aux demandes historiques des peuples indigènes. Pour les citoyens qui ont voté en faveur du « non », cette plurinationalité est associée à la division même du pays.
Mais c’est le droit à l’interruption volontaire de grossesse, la réélection présidentielle, le système judiciaire et la suppression du Sénat qui sont les points de la proposition qui ont suscité le plus d’animosité au sein de la population. Par exemple, l’idée fausse selon laquelle la nouvelle constitution ne protégerait pas le droit à la propriété était si répandue que les partis pro-gouvernementaux ont dû déclarer publiquement que ce droit serait protégé en toutes circonstances.
Bien que les 155 membres en charge de la rédaction furent élus par le peuple chilien en 2021, les difficultés de communication des travaux ont généré une distance avec une partie des citoyens.
Les déclarations et les gestes des membres les plus radicaux ont eu un large impact sur le débat public et certains épisodes ont porté un coup à la crédibilité de la convention. Selon l’enquête de la CEP publiée dans la dernière ligne droite du travail constitutif, plus de la moitié des raisons du vote de ” rejet ” étaient associées à une vision critique de la convention.
D’autres possibilités de changement pour le pays
Une autre raison qui a fait pencher la balance vers le rejet est que d’autres alternatives de changement constitutionnel ont commencé à apparaître. Dans les jours qui ont précédé le plébiscite, les partis gouvernementaux et l’opposition politique se sont engagés à poursuivre le processus constituant, quel que soit le résultat du plébiscite. Effectivement, même les partis gouvernementaux, partisans du “oui”, ont déclaré que, si elle était approuvée, la constitution serait réformée sous divers aspects plus tard au Congrès.
La campagne a été présentée comme un choix du moindre mal pour les partisans du « oui ». En effet, même si la nouvelle constitution n’était pas la bonne, elle restera meilleure que la constitution actuelle. Dans l’immédiat, le Chili continuera sous la constitution de 1980 qui a été réformée en partie démocratiquement mais qui a perdu toute sa légitimité.
Quel futur constitutionnel pour le Chili ?
La première alternative serait de mettre en place une nouvelle convention constituante : c’est l’option préférée du président Boric. Il a assuré qu’un nouvel itinéraire constitutionnel doit être convenu. En revanche, des analystes ont noté un épuisement du côté de l’électorat.
Une autre possibilité serait la formation d’une commission d’experts issus des sphères politiques et académiques. Ce groupe serait en charge de rédiger un nouveau projet constitutionnel sans devoir passer par l’élection d’une nouvelle convention et aplanirait certains des aspects les plus controversés du projet constitutionnel précédent. Mais la loi actuelle souffre d’un défaut de légitimité dû à son origine sous Pinochet, c’est pourquoi beaucoup de chiliens ne se satisferont probablement pas de quelques simples retouches ou d’un maintien en l’état.
Bien qu’il ne fasse aucun doute qu’il s’agit de la première grande défaite politique de Boric, certains experts soulignent que cela pourrait être l’occasion pour le président de rechercher un grand accord national et de faire preuve de leadership. Affaire à suivre…
Le vocabulaire utile pour cette thématique
Pour encore mieux appréhender la situation du Chili, voilà quelques mots ou expressions utiles pour traiter le sujet aussi bien en essai qu’à l’oral!
- El estallido social : le déchainement social
- Un referéndum : un réferendum
- Una convención constituyente :
- Las reivindicaciones : les revendications (attention à son orthographe!)
- Estar a favor de … / en contra de … : être en faveur de / contre …
- La papeleta : le bulletin de vote