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Les relations conflictuelles entre l’Azerbaïdjan et l’Iran

Sommaire

La région du Caucase, aux portes de l’Europe, est un carrefour de cultures et d’influences. Cette région conflictuelle est coincée entre trois géants : la Russie au Nord, la Turquie à l’Ouest et l’Iran au Sud. Cette région a souvent été considérée comme une zone tampon entre ces puissances.

L’Azerbaïdjan est le plus peuplé des trois pays indépendants, avec plus de 10 millions d’habitants, contre respectivement 3 et 4 millions d’habitants pour l’Arménie et la Géorgie. Il possède une frontière de 611km avec l’Iran, pays de plus de 88 millions d’habitants, avec qui il entretient des relations complexes et conflictuelles.

Le 19 mai 2024, le président iranien ultra-conservateur Ebrahim Raïssi meurt dans un crash d’hélicoptère après une visite en Azerbaïdjan. Cette visite avait pour objectif de conclure un projet de construction d’un barrage à la frontière des deux pays. Nous pouvons nous demander si sa mort aura un impact sur les relations diplomatiques entre Bakou et Téhéran.

L’objectif de cet article sera de comprendre l’importance stratégique de cette région pour l’Iran, mais aussi les désirs de puissance de l’Azerbaïdjan.

 

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Des tensions territoriales et ethniques à la base des tensions

L’Iran et la Russie ont tous deux participé à la construction étatique et territoriale des trois pays du Caucase. Les frontières, souvent modifiées, mènent aujourd’hui encore à des conflits inter-étatiques et à une instabilité régionale. L’Azerbaïdjan a historiquement été contrôlé par la Perse, l’ancêtre de l’Iran.

Durant les guerres entre les Empires russe et perse, au 19e siècle, le Caucase est partagé entre les deux puissances sans prise en compte des spécificités ethniques et religieuses des populations. L’Azerbaïdjan du Nord est intégré à l’Empire russe. Il connaît une courte indépendance et une démocratie en 1918 avant d’être intégré à l’URSS. Le pays redevient indépendant en 1991, à la chute de l’Union soviétique. En revanche, l’Azerbaïdjan du Sud se situe aujourd’hui encore en territoire iranien.

Selon les sources, entre 20 et 35 millions d’Azéris vivraient en Iran. L’État azerbaïdjanais souffre aujourd’hui de frontières qui ne lui conviennent pas et la perte de l’Azerbaïdjan du Sud reste douloureuse. Dans la politique azerbaïdjanaise, le concept nationaliste du Grand Azerbaïdjan est important. Il prône l’union des territoires peuplés ou ayant été peuplés par des Azéris.

L’Iran, quant à lui, s’est déjà prononcé en faveur d’un rattachement de l’Azerbaïdjan à son territoire. De nombreux politiciens iraniens considèrent l’Azerbaïdjan comme une province iranienne perdue à la suite des guerres contre les Russes. Selon eux, la “République de Bakou” devrait rejoindre sa mère patrie.

 

La guerre du Haut-Karabagh au cœur des tensions

L’Arménie et l’Azerbaïdjan connaissent des différends quant à leur frontière. Ce conflit prend sa source au 20e siècle, après que Joseph Staline ait pris la décision d’attribuer la région du Haut-Karabagh, peuplée à majorité d’Arméniens, à la République soviétique azerbaïdjanaise. L’objectif était d’empêcher tout séparatisme. Aux indépendances en 1991, les frontières ont été conservées, ce qui a provoqué une guerre remportée par l’Arménie. La guerre a repris en 2020 puis en 2023, qui a vu l’Azerbaïdjan victorieux.

L’Iran possède une position ambivalente concernant ce conflit. D’un côté, l’Azerbaïdjan est un pays musulman chiite et culturellement proche de l’Iran. L’Arménie est, en revanche, un pays chrétien. Mais de l’autre, l’Iran n’a rien à gagner en cas d’une victoire de l’Azerbaïdjan dans cette guerre. En soi, la guerre du Haut-Karabagh est au cœur des discours nationalistes azéris visant à la réunification du Grand Azerbaïdjan. Le risque d’une victoire serait de réveiller encore davantage le nationalisme azéri en Iran.

De plus, l’Iran ne souhaite pas que l’Azerbaïdjan devienne une puissance régionale et cherche à maintenir son influence dans la région du Caucase. L’Iran voit en effet d’un mauvais œil la forte amitié entre l’Azerbaïdjan et la Turquie, rivale de Téhéran. L’azéri est une langue turcophone, d’où la proximité de Bakou avec Ankara. Ces deux pays se considèrent comme étant “une seule nation, deux États. Dans sa guerre avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan bénéficie du soutien diplomatique et militaire de la Turquie. De plus, l’Iran craint le risque de la création d’un corridor turcophone entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, qui relierait Istanbul et l’Europe à l’Azerbaïdjan et aux pays turcophones d’Asie centrale (les pays en -stan). Dès lors, la domination turque dans la région serait totale, au détriment de Téhéran.

 

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Le rôle d’Israël : allié de Bakou et ennemi de Téhéran

Étonnement, l’Azerbaïdjan et Israël entretiennent d’excellentes relations. Leur coopération est à double sens et est d’ordre économique et énergétique. Récemment, cette coopération s’est également tournée vers le secteur militaire. Encore plus étonnant est le fait qu’Israël soutienne Bakou plutôt qu’Erevan, alors même que les Arméniens ont connu, comme les Juifs, un génocide au 20e siècle. Le point commun entre l’Azerbaïdjan et Israël est leurs relations tendues avec l’Iran.

Sur le plan économique, l’Azerbaïdjan fournit des hydrocarbures et principalement du pétrole à Israël. Ayant des relations désastreuses avec les pays du Golfe, l’État hébreux a trouvé en Bakou un véritable allié. Sur le plan militaire, Israël permet à l’Azerbaïdjan de renforcer son arsenal militaire.

Cette alliance ne plaît pas à l’Iran, ennemi d’Israël. Téhéran voit d’un très mauvais œil la présence de matériel militaire israélien sur le sol azerbaïdjanais, à la frontière avec l’Iran. Téhéran reproche également à l’Azerbaïdjan sa passivité face à la guerre en Palestine.

Finalement, le renforcement des relations entre l’Azerbaïdjan d’un côté et la Turquie et Israël de l’autre est perçu comme une menace existentielle en Iran. Nous voyons bien que l’Azerbaïdjan et l’Iran sont historiquement et culturellement proches. Mais ils possèdent désormais des visions politiques et des approches stratégiques différentes. Pourtant, l’un comme l’autre met en avant la nécessité d’une sécurité nationale et la quête de puissance. Mais c’est aussi et avant tout le rééquilibrage de leurs relations, avec un Azerbaïdjan qui s’impose à la table des puissances régionales, qui déplaît à l’Iran.

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Alban Dantin
Actuellement en master à Sciences Po Bordeaux, j'ai d'abord fait deux ans de classe prépa littéraire A/L à Saint-Sernin (Toulouse).