Découvrez sans plus attendre l’analyse du sujet 1 de Culture Générale tombé lors du concours ECRICOME 2023 !
Cette année, les candidats ont eu le choix entre deux sujets. Le premier lié au thème de cette année “le monde” est le second un thème plus général.
Pour rappel, le coefficient de la culture générale oscille entre 4 et 7. Il faut donc ne pas négliger cette épreuve si vous souhaitez intégrer les meilleures écoles françaises !
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L’analyse du sujet 1 de Culture Générale ECRICOME 2023
Être hors du monde
Pour cette édition 2023, Ecricome propose un sujet sur le thème sous forme non pas d’une question mais d’une expression, ce qui a pu déstabiliser certains candidats.
Rappelons que cet article n’est pas une correction mais bien une proposition d’analyse de sujet. Il n’est donc absolument pas grave si vous n’avez pas parlé d’une notion abordée ici, ou inversement.
Analyse des termes du sujet
Les termes du sujet doivent être au coeur de votre réflexion :
- Le verbe être renvoie ici à la fois à une localisation (où suis-je ? Je suis hors du monde). Peut-être est-ce également un état passager ? Ou est-il au contraire définitif ?
- Être hors de quelque chose, c’est ne pas y appartenir (penser à l’expression “hors de portée”). Mais plus encore, si je suis complètement hors du monde, c’est peut-être aussi ne pas interagir avec ce dernier. Je suis alors totalement étranger au monde !
- Remarquer également le singulier : “du” signifierait qu’il n’y a qu’un seul monde. On peut interroger cette idée dans la dissertation.
- Monde : À vous de jouer avec les différentes significations étudiées en cours d’année. On peut parler d’un monde social (avec la “mondanité” par exemple), où le monde implique nécessairement un rapport à autrui. Mais le monde, c’est également une réalité physique, par exemple la planète : si bien que je ne peux qu’être au monde et non pas être hors du monde. On pourrait également parler d’un monde phénoménologique, ou encore métaphysique ( le monde des Idées par exemple ?)
Lorsque je suis hors du monde, cela signifie que je ne suis pas dans le monde mais ailleurs. Mais alors, ou suis-je ? Peut être suis-je en train de rêver (penser à l’expression “remettre les pieds sur terre”), ou peut-être la mort me fait-elle quitter le monde (mais le verbe être pose alors un problème : quand je meurs, je ne suis plus).
Plus encore, pourquoi serais-je hors du monde ? Est-ce un choix délibéré (je fais le choix de m’isoler, pour prendre du repos, méditer, comme le ferait un sage ? ) ou au contrainte une conséquence d’une interdiction, comme si le monde me rejettait violemment, m’empêchait d’en faire partie (car mon attitude n’est pas conforme aux normes sociales ? Car mon physique est repoussant ? ). Ou alors, depuis mon enfance je puis hors du monde, je ne l’ai pas choisi.
Problématique
Le sujet, dans sa formulation, n’est très étonnant. Peut-on vraiment (ai-je la capacité d’) être hors du monde ?
Si on parle de monde en tant que réalité physique, alors je suis non seulement dans le monde, mais je suis aussi au monde. Le verbe être semble impliquer d’être au monde : être hors du monde, ce serait alors mourir, et donc ne plus être. Alors, ne pourrions nous pas contester cette formulation, être hors du monde ? N’est-ce pas une incompréhension de ce qu’est le monde ?
Mais être hors du monde, c’est aussi être seul, isolé du monde. Je suis alors isolé malgré moi, j’aimerais interagir avec les autres mais ils ne veulent pas de moi. Je suis alors complètement déconnecté des autres : je me mets donc à rêver, je succombe à des illusions… Etre hors du monde me condamnerait-il à une solitude non désirée ?
Proposition de plan
I/ Etre, c’est a priori être au monde, l’expression “être hors du monde” semble donc antithétique
- Il est ici possible d’évoquer le monde comme une réalité physique, ou même phénoménologique. On s’intéresse particulièrement au singulier de ce terme : si je suis hors du monde, où suis-je ? La seule possibilité de quitter le monde physique serait de mourir, mais dans ce cas je ne “suis”plus ! Le monde se conçoit alors comme une totalité.
- Alors, le monde me colle à la peau : essayer d’échapper au monde, d’être au monde est une idée vaine.
- En terme de référence, on pourrait penser à L’origine du monde de Courbet, à une approche phénoménologique comme celle de Merleau-Ponty…
Transition : mais peut-on imaginer un monde sans homme ? Le monde ne s’entend pas que d’un point de vue physique : on peut aussi l’aborder sous un angle social, le monde serait alors un ensemble d’individus cohabitant ensemble et partageant des intérêts/ une langue commune (s’il n y a qu’un monde comme le présuppose le sujet, ce dernier aspect devient moins pertinent). On peut donc assimiler le monde à la civilisation, à toutes les constructions humaines : celui qui est hors du monde, c’est alors l’homme solitaire, qui a renoncé à tout ce qu’il avait. Nous sommes donc face à une impossibilité, notre première conception du monde n’est pas suffisante pour appréhender le sujet proposé dans sa globalité.
II/Etre hors du monde , c’est être rejeté par celui-ci, ce qui peut déconnecter le sujet de la réalité
- On peut ici penser à un individu qui ne serait pas accepté tel qu’il est dans le monde : qui n’arrive pas à se conformer aux normes, dont le comportement est considéré comme étrange vis-à-vis d’autrui, etc.
- Et c’est justement lorsque je suis marginalisé que je peux imaginer d’autres mondes dans mon esprit : être dans SON monde, c’est alors être hors DU monde.
Des références possibles :
- Le Double de Dostoievski (le personnage de Goliadkine est fou, il aimerait être accepté dans le monde mais il délire)
- Etre hors du monde, c’est peut-être être retenu prisonnier, condamné à vivre enfermé dans une cellule. On peut par exemple penser au film L’obsédé, de William Wyler
- Les arrières-monde nietzschéen : c’est justement celui qui n’arrive pas à s’affirmer dans la vie, à se plonger dans la surabondance de la vie qui est hors du monde (exemple de la religion : ils ne sont pas dans le monde réel mais dans LEUR monde en imaginant un paradis, etc..). Se créer un monde imaginaire, c’est être hors du monde au sens d’une communauté.
Transition : alors, être hors du monde apparaît-il comme une possibilité insupportable ? Dois-je être en permanence dans le monde, au monde ? Cette idée est encore une fois assez dérangeante : j’ai parfois besoin de repos, de me retrouver seul, face à moi-même. Si je suis toujours dans le monde, que je me comporte constamment comme un être mondain, je n’ai plus d’intimité, je perds même mon ipséité. Nous sommes donc face à une impossibilité.
III/ Etre hors du monde, une décision réfléchie pour avoir une autre approche du monde
En effet, être hors du monde, c’est échapper ne serait-ce qu’un instant au regard des autres : un regard pesant, où l’on scrute chacun de mes gestes, où l’on me juge sans arrêt. Etre hors du monde, c’est alors vivre pour soi et non pour les autres : ce n’est pas de l’égoïsme, mais un retour nécéssaire à soi.
- On pourrait prendre l’exemple des religieux (clergé régulier) ou l’exemple du sage, qui apporte un point de vue extérieur au monde.
Par exemple, pour Schopenhauer, seul le sage, celui qui s’efforce de rejeter le vouloir-vivre, pourra se détacher du monde de la volonté en atteignant un idéal ascétique. - Une référence pertinente pour défendre cette thèse serait l’ouvrage d’Huxley, Le meilleur des mondes. Le sauvage John, qui n’appartient pas au meilleur des mondes (un monde gouverné par un Etat mondial, qui conditionnent chaque individu à devenir un certain type d’homme, dans lequel on ne considère l’autre que comme un moyen et jamais comme une fin : aucune émotion, relations sexuelles avec n’importe qui quotidiennes, etc..), préfère s’en éloigner plutôt que d’essayer de s’intégrer : il veut rester lui-même plutôt que de se fondre dans une masse difforme. On voit bien que l’acte d’être hors du monde peut être une insurrection contre le monde, le fait de considérer que ce dernier est si mauvais qu’il faut le quitter car on ne pourra plus le changer.
- Plus encore, être hors du monde de façon passagère peut-être une ouverture d’esprit : en quittant le monde des hommes avec lequel je suis familier, je découvre d’autres aspects du monde physique, je peux m’y installer : en bref, être hors du monde, c’est peut-être partir à l’aventure.
Mister Prépa souhaite bon courage à tous les préparationnaires pour la suite du concours !