Culture Générale EDHEC / ESSEC 2024 – Analyse du Sujet

Après la présentation du sujet de Culture Générale EDHEC/ESSEC 2024, dzcouvrez notre analyse complète ! 

Pour rappel, cette épreuve permet d’intégrer 3 business school de renom dont : ICN BS, EDHEC BS et ESSEC BS. 

 

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Analyse du sujet de culture générale EDHEC ESSEC 2024

Article rédigé par Antoine Mas et Émile Jenny (tous deux étudiants à HEC Paris)

Cette analyse du sujet n’est évidemment pas un corrigé exhaustif, seulement des pistes de réflexion sur ce sujet.

 

Quelques remarques générales :

Comme pour tout sujet de culture générale, vous devez porter une attention particulière aux termes autres que “violence”. Ainsi, vos premières réflexions doivent être les suivantes : Que signifie “être mesuré” ? Que signifie le verbe “pouvoir” dans un tel sujet ? De plus, n’oubliez pas que les références sont secondaires : le correcteur va avant tout regarder si le candidat répond au sujet, et comment il y répond. Il n y a donc a priori pas de référence indispensable, tant qu’à chaque partie/sous-partie vous traitez le sujet de façon explicite.  L’introduction, ce n’est pas seulement décrire le sujet, définir les termes : c’est également poser un problème. A la fin de votre introduction, on doit voir la tension du sujet, les problèmes relatifs au sujet.

 

Analyse du sujet :

Ce sujet paraît de prime abord très descriptif : on parle d’une mesure lorsque l’on veut évaluer la valeur de quelque chose, par exemple en comparant avec un référentiel. (Mesurer un segment, par exemple.). Un tel énoncé est alors surprenant : la violence ne semble pas pouvoir être objet de mesure, à moins d’avoir des critères objectifs précis permettant de l’évaluer. En effet, quel référentiel utiliser pour mesurer la violence ?

Toutefois, si la violence ne se prête pas si facilement à une mesure, si l’on a des difficultés à la mesurer, force est de constater que nous devons l’évaluer dans une société, par exemple pour la punir. La justice doit comparer les violences, elle ne peut pas réduire tout acte criminel à un acte de violence. Un individu infligeant des coups et blessures à autrui sera vraisemblablement puni par la justice, mais peut-être pas autant qu’un double-meurtrier (cf Raskolnikov dans Crime et Châtiment)

Nous avons donc un premier problème : il est nécessaire de mesurer la violence, alors même qu’elle semble échapper à toute mesure. Mais la mesure, est-ce seulement cela ? Lorsque vous cherchez la signification d’un terme, vous pouvez essayer de trouver des antonymes, pour voir ce à quoi il s’oppose. Alors, un antonyme de mesure ? La démesure ! Etre mesuré, c’est alors être modéré : mesurer la violence, ce serait alors l’utiliser avec parcimonie, ne pas en abuser. Un tel sens n’est-il pas également contraire à la violence, que l’on pourrait justement définir comme un abus de la force, un acte brutal, synonyme d’oppression et d’humiliation ? Ici, un nouveau sens peut être attribué au verbe “pouvoir” : non plus dans le sens de la capacité, mais de la légitimité, de la morale, ou même de la loi (être permis de).

Ce sujet a donc plusieurs sens. MAIS attention : comme le rappellent les rapports de jury (qu’il faut lire, relire, relire, et encore relire), une bonne dissertation de culture générale ne saurait se limiter à une juxtaposition de différents sens du sujet sans lien cohérent. Utiliser la polysémie des termes du sujet est un moyen pour vous de construire une réflexion sur le sujet, ce n’est pas une fin en soi.
Une dernière question : la violence peut-elle être mesurée.. par qui ?? L’individu qui la commet ? La justice ? Dieu ?

Enfin, une définition (simple) de la violence était également nécessaire en introduction. Les différentes formes de violence sont également mobilisables dans ce sujet : violence physique, violence naturelle, violence légitime, violence d’Etat, violence symbolique, violence du langage..

 

Un plan possible :

I/ Sommes-nous capables d’évaluer la violence ?
Dans cette première partie, vous auriez pu évoquer le fait qu’il n y a a priori pas de référentiel clair pour mesurer la violence. (on peut difficilement mesurer la violence comme on pourrait mesurer une longueur).

Mesurer la violence est tout d’abord difficile car une mesure doit être objective. Or, la violence provoque avant tout l’émotion, la compassion ; elle s’éprouve, est subie, et semble échapper à toute réflexion. Il était ici possible d’évoquer des oeuvres représentant la violence (par exemple : L’énigme de Gustave Doré) : à l’image de l’ange implorant le sphynx, l’homme ne comprend pas la violence, il ne fait que la constater et la subir sans arrêt.

Vous auriez pu terminer cette partie en défendant que s’il est difficile de mesurer la violence (de la déterminer, de lui attribuer une valeur objective), la justice doit faire une hiérarchie entre les formes de violence : certaines seront jugées plus graves que d’autres. Vous pourriez par exemple défendre que cette “évaluation de la violence” dépend de l’intention du sujet violent, des dégâts causés à celui qui a subi cette violence.. Il n y a donc pas un référentiel précis, on ne fait que comparer les violences entre elles.

II/ L’homme est incapable de modérer sa violence, car elle est insaisissable
Dans cette seconde partie, vous pouvez faire apparaître la polysémie du verbe “pouvoir” : si dans un premier temps on ne peut pas limiter, modérer cette violence, c’est justement parce que cela créerait une frustration qui décuplerait cette violence. Nous sommes donc incapables de mesurer la violence, de la modérer : tenter de limiter cette violence, c’est alors la rendre encore plus forte. La violence s’auto-entretient, elle n’a pas de limite.

Vous auriez pu tout d’abord vous intéresser à la violence de la nature : par exemple, en vous inspirant de l’idée de sublime chez Kant ou Schopenhauer. Le sublime tend en effet à la démesure, à l’infini : “ c’est le spectacle de la mer que nous voyons au loin remuée par la tempête : des vagues hautes comme des maisons surgissent et s’effondrent ; elles frappent à coups furieux contre les falaises, elles lancent de l’écume bien loin dans l’air ; la tempête gronde ; la mer mugit ; les éclairs percent les nuages noirs ; le bruit du tonnerre domine celui de la tempête et celui de la mer” (paragraphe 39 du Monde comme volonté et comme représentation).

La violence est ici incontrôlable, elle renvoie l’homme à sa finitude, à sa petitesse face à la nature.

Mais si cette violence naturelle, qui nous est extérieure, est incontrôlable, quid de la violence intérieure ? Cette violence des sentiments, des pulsions, des affects, qui ne nous rend plus maître de notre propre corps, lorsque par exemple je suis “hors de moi” ? Il pouvait être ici pertinent d’opposer la mesure à la démesure, par exemple en analysant l’hubris dans les tragédies grecques.
Phèdre , de Racine, était ici un bon exemple : “ Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue / Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue /Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler / je sentis tout mon corps et transir et brûler » (Acte I scène III).

Doit-on alors se contenter d’une telle conclusion ? La violence dépassera-t-elle toujours l’homme ? Une telle idée est en effet insupportable.

III/ Si la violence n’a pas de limite, ne peut-on pas la mesurer par une autre forme de violence ?
Alors, si la violence est plus forte que tout, ne peut-on pas tenter de la mesurer.. par une autre forme de violence ? Dans cette partie, vous auriez pu insister sur le sens de violence comme contrainte.

  • Vous auriez pu ici utiliser deux sens du terme de violence :
    La violence légitime, celle de l’Etat (Hobbes par exemple : la violence de l’Etat se substitue à la violence au sein de l’état de nature, décrite dans le chapitre 13 du Léviathan). La violence est donc ici mesurée par une autre forme de violence, plus puissante, puisqu’elle est utilisée par un pouvoir supérieur aux hommes.
  • L’expression “se faire violence” : la contrainte vient ici de moi-même, je m’impose une règle que je dois respecter. Se faire violence, c’est répondre à une violence (un désir, par exemple) par une autre violence (une contrainte à laquelle je me soumets). Vous auriez pu utiliser l’ouvrage Le meilleur des mondes d’Huxley. Se faire violence, c’est alors redevenir humain, et échapper à une vie morne et sans intérêt, où seul le désir prime (par exemple, lorsque John le sauvage tente en vain d’empêcher une distribution de soma).

Bon courage pour la suite des concours ! PS : Dédicace à la prépa Saint Michel de Picpus !

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