Le thème au programme cette année de l’épreuve de culture générale pour les classes préparatoires commerciales est “la violence”. Cette notion est intéressante dans la mesure où elle peut recouvrir des actes, des situations plurielles, et avoir un impact sur l’individu. Un des axes intéressants pour aborder la violence est sa représentation, et notamment la possibilité même de sa représentation. C’est ce que nous allons tenter d’étudier dans une série d’articles consacrés à la représentation de la violence dans les arts et les lettres.
Dans cet article, nous nous intéresserons au peintre Eugène Delacroix et notamment à sa toile La mort de Sardanapale peinte en 1827. Il s’agira de se questionner sur la manière dont Delacroix a été l’un des précurseurs dans la représentation de la violence dans la peinture française au XIXe siècle.
Qui est Eugène Delacroix ?
Eugène Delacroix, né en 1798 et mort en 1863 est un peintre français, considéré comme l’un des principaux représentants du romantisme. Le romantisme est un courant littéraire, artistique, musical,… apparu à la fin du XVIIIe en Allemagne et en Angleterre et qui s’est diffusé par la suite dans toute l’Europe jusqu’en 1850. Contre l’art académique et notamment le néoclassicisme et l’esprit des Lumières, le romantisme prône l’expression de l’intériorité de l’artiste et ses sentiments contre la raison, portant son intérêt sur des thèmes ayant attrait au fantastique, au sublime, à l’orientalisme, à l’imaginaire…
Le romantisme constitue un véritable basculement qui conduira à la modernité picturale dans la deuxième partie du XIXe, où le tragique de l’humain, la violence, seront de plus en plus représentés.
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Une représentation nouvelle de la violence
La mort de Sardanapale
Le tableau La mort de Sardanapale est une huile sur toile peinte en 1827, au format 392 sur 496 cm et actuellement exposé au Musée du Louvre à Paris. Il est exposé pour la première fois au Salon de 1827 et y fera scandale. Le sujet est inspiré du drame romantique de Lord Byron publié en 1821 et intitulé Sardanapalus, dont Delacroix choisi le passage de la mort de Sardanapale, souverain dont la capitale est assiégée sans issu possible et qui choisi de se suicider avec ses esclaves et son harem après avoir mis le feu à sa ville pour empêcher les ennemis de saisir ses richesses.
Cette toile fit scandale au salon de 1827 du fait de sa très grande modernité abandonnant toutes les conventions académiques par des couleurs et une lumière intense, avec une attention sans précédent accordée à la représentation de l’horreur et de la cruauté de la scène. Stylistiquement, Delacroix favorise la couleur, avec une touche dynamique, appuyant la violence de la scène, au contraire de la primauté accordée au dessins et à la rationalité, notamment dans le style néoclassique de la même époque. Ce tableau est plein de démesure, à même d’exprimer toute la violence de la scène, dans une composition chaotique faite de spirales et diagonales où domine le rouge, dans une expression brute des sentiments. Ainsi, la toile transfigure totalement la violence en un désordre passionnant dans laquelle le spectateur se plonge entièrement.
Comme le note Suzanne Ferrières-Pestureau dans Les Cahiers de psychologie clinique, numéro 30 :
Delacroix se place ainsi en précurseur d’une esthétique où le corps est habilité à recevoir les projections les plus instinctuelles, les visions les plus archaïques, les contenus les plus régressifs. La démarche de Delacroix répond à une logique qui contribue à définir un espace obscène, une topologie où le vivant est déjà mourant, un lieu pervers où l’attraction de la chair appelle conjointement la mort, une configuration enfin où le désir rivalise avec le dégoût. Cette posture provocatrice érigeant la femme en tentatrice mortifère ouvre des chemins vers la modernité.
Ainsi, cette toile est essentielle dans la mesure où elle vise à présenter une violence sans concession par des moyens picturaux innovants pour l’époque, dans une exacerbation nouvelle de la violence dans l’Histoire de l’Art. Un regard nouveau sur la violence s’ouvre, où l’artiste cherche de plus en plus à représenter la violence telle qu’elle est sans la calquer sur un idéal artistique ou encore religieux.
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