Dans une tribune du 23 mai 2023 publiée sur le site Les Echos, le professeur des Universités à Paris 1 et professeur affilié à Skema Business School, ancien vice-président de l’Autorité de la concurrence, Emmanuel Combe, a pris la parole sur l’importance de la concurrence dans la décarbonation du secteur ferroviaire.
Le secteur ferroviaire, une opportunité de décarbonation de l’économie française
Le 24 février 2023, la Première ministre française, Élisabeth Borne, a dévoilé un plan d’investissement dans le ferroviaire doté de 100 milliards d’euros d’ici à 2040, dont une première concrétisation sera le lancement de “RER métropolitains” dans les grandes agglomérations françaises. Cette augmentation budgétaire annuel se concentrera sur les investissements jugés “les plus pertinents pour faciliter le report modal (de la route vers les transports collectifs, NDLR) et de la décarbonation”.
Cependant, selon Emmanuel Combe, malgré toutes ces récentes annonces en faveur du secteur ferroviaire, « il y a toutefois un grand absent dans les débats sur le ferroviaire : la concurrence. » Selon l’auteur, « c’est oublier que, sans une véritable concurrence en aval, dans le service aux voyageurs, la décarbonation par le train risque d’être assez décevante pour les usagers. »
La tribune du professeur des Universités met en avant l’idée d’introduire une véritable concurrence sur les lignes à grande vitesse, permettant à plusieurs compagnies d’opérer sur une même ligne. Malgré l’ouverture à la concurrence depuis 2021, très peu de compagnies ont montré de l’intérêt jusqu’à présent, et celles qui le font ont une part de marché assez limitée. Les exemples de succès en Espagne (avec l’entreprise Renfe) et en Italie (avec l’entreprise Trenitalia), où la concurrence a entraîné une baisse significative des prix des billets (en moyenne de 30%), une augmentation du trafic et une amélioration de la qualité de service, montrent les avantages potentiels de la concurrence.
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Il est nécessaire de stimuler la concurrence selon Emmanuel Combe
L’auteur souligne également le potentiel de concurrence dans le secteur des trains régionaux conventionnés, où des appels d’offres pourraient permettre de sélectionner les opérateurs les plus performants. Certaines régions ont déjà franchi le pas, mais il dénonce d’autres régions qui ont quant à elles choisi de renouveler les contrats avec l’opérateur historique jusqu’en 2033…
Le but ici n’est pas de multiplier les opérateurs, mais de favoriser l’efficacité opérationnelle et d’améliorer la qualité de service, ce qui pourrait encourager davantage de personnes à prendre le train au lieu de la voiture.
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Quels sont les moyens de stimuler la concurrence dans le ferroviaire ?
Emmanuel Combe admet que « la concurrence ne se décrète pas » mais il rajoute que « les pouvoirs publics peuvent néanmoins l’encourager, en abaissant les barrières à l’entrée. » Selon lui, ces barrières à l’entrée sont nombreuses dans le ferroviaire.
« La première barrière est institutionnelle, en effet la situation actuelle du gestionnaire d’infrastructure ne garantit pas que tous les opérateurs soient traités sur un pied d’égalité, sans discrimination en faveur de l’opérateur historique. Le renforcement de son indépendance constitue donc une priorité.
La seconde barrière est économique, il est coûteux pour un opérateur de rentrer sur le marché de la grande vitesse, en l’absence d’un marché de la location ou de l’occasion sur le matériel roulant. La création d’une compagnie qui loue les trains aux nouveaux entrants pourrait constituer une solution.
La troisième barrière est informationnelle car dans le cas des appels d’offres, les nouveaux entrants n’ont pas toujours accès aux données historiques de manière complète et en temps utile. Un renforcement des obligations de transmission d’informations stimulerait la concurrence, en permettant aux nouveaux entrants d’élaborer des offres pertinentes. »
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Pour conclure, Emmanuel Combe souligne qu’en misant sur la concurrence, les investissements à hauteur de 100 milliards d’euros d’ici à 2040 dans le secteur ferroviaire pourraient non seulement contribuer à la décarbonation, mais également offrir aux usagers une amélioration du pouvoir d’achat et de la qualité de service.