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André Cartapanis : Fragmentation ou remondialisation de l’économie mondiale ?

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André Cartapanis : Fragmentation ou remondialisation de l’économie mondiale ?

Dans une tribune du 17 octobre 2023 intitulée « Fragmentation ou remondialisation ? » publiée dans l’édito Les Echos, le célèbre économiste français, André Cartapanis a pris la parole sur les deux visions d’avenir possibles de l’économie mondiale : la fragmentation ou la remondialisation.

Les deux visions opposées du commerce mondial

André Cartapanis appuie son propos sur le récent « Rapport sur le commerce mondial en 2023 » publié en septembre par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en expliquant que deux perspectives divergentes pour l’avenir se dessinent.

D’un côté, il y a la « fragmentation » de l’économie mondiale, caractérisée par le rejet des approches collaboratives, le repli des institutions multilatérales, la montée de blocs géopolitiques ou régionaux adoptant des politiques protectionnistes, et le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement.

De l’autre côté, on trouve la « remondialisation », une vision qui implique une résurgence des processus d’intégration internationale, associée à une coopération internationale renforcée, à la fois dans le commerce et dans les domaines de la décarbonation et de la croissance plus inclusive.

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La remondialisation, l’option privilégiée pour l’économie mondiale

Le professeur émérite à Sciences Po Aix explique que bien entendu, l’OMC préconise la seconde option. En effet, selon l’organisme, la fragmentation risquerait d’annihiler les avantages de la spécialisation internationale et de compromettre l’indépendance stratégique des économies nationales, ainsi que la stabilité du système politique mondial. La remondialisation est ainsi présentée comme la réponse la plus efficace aux défis actuels de l’économie mondiale, incluant la sécurité nationale, la paix, la lutte contre la pauvreté, le chômage, l’accès aux ressources rares et la durabilité environnementale de la croissance.

Pour autant, l’auteur nous indique que la remondialisation s’apparente en réalité à une projection vers le futur de la période d’hypermondialisation qui a prévalu entre les années 1980 et 2008, tout en introduisant de nouvelles règles pouvant être mises en œuvre par des institutions internationales modernisées au sein d’un cadre multilatéral rénové. Pour André Cartapanis, il s’agit fondamentalement d’un débat classique qui remonte à au moins deux siècles, opposant le libre-échange au protectionnisme, et reflétant les cycles historiques de mondialisation suivis de replis nationaux depuis la première mondialisation de la fin du XIXe siècle. Souvent, les questions de puissance et de géopolitique ont supplanté les considérations économiques pures dans les évolutions observées. Les conflits en Ukraine, au Moyen-Orient, et les tensions commerciales (et géopolitiques) entre la Chine et les États-Unis semblent indiquer que cette tendance perdure.

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Les risques de la fragmentation de l’économie mondiale 

André Cartapanis conclu sa tribune en précisant qu’« aujourd’hui, les incertitudes sont abyssales et il est impossible de trancher en faveur de l’un ou l’autre des deux scénarios, dans cette opposition entre fragmentation et remondialisation. » Cependant, pour l’auteur, il est possible de dresser quelques observations empiriques peuvent être relevées. En 2023, on constate un ralentissement du commerce mondial, mais il est loin de s’effondrer malgré les tensions géopolitiques. L’OMC prévoit une reprise des échanges en 2024, avec une croissance d’environ 3,3 %.

« Certains signes de fragmentation se manifestent toutefois avec une légère diminution de la part des produits intermédiaires dans le commerce de marchandises et la croissance plus faible du commerce entre « blocs géopolitiques » (repérés à partir des votes à l’assemblée générale des Nations unies) plutôt qu’au sein de ces blocs. »

Pourtant, ces deux types de commerce progressent. Les échanges bilatéraux entre la Chine et les États-Unis continuent de croître malgré la guerre commerciale et technologique, tout comme le commerce international des services, en particulier les services numériques. La même tendance s’observe dans les échanges technologiques. Contrairement à certaines idées reçues, il n’y a pas de véritable démondialisation dans les faits. Néanmoins, l’issue incertaine entre la fragmentation et la remondialisation persiste.

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Pour conclure, l’issue du débat entre fragmentation et remondialisation dans le contexte du commerce mondial de 2023 demeure incertaine, reflétant la complexité des enjeux économiques et géopolitiques actuels. Pour André Cartapanis, l’avenir semble dépendre de l’évolution des forces économiques et politiques à l’échelle mondiale.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref