Le 24 août dernier, le nouveau président de gauche de la Colombie, fraîchement élu, a tenu un discours sur la volonté de faire évoluer la production et le trafic de coca dans le pays. Gustavo Pétro a annoncé vouloir dialoguer avec les producteurs de coca en leur accordant une absence d’extradition si ces derniers négocient avec la Colombie et arrêtent toutes activités dans la drogue.
Une production de drogue toujours aussi soutenue
Alors que l’arrivée au pouvoir de Gustavo Petro peut faire office de point de départ dans la lutte contre le trafic de drogue, la situation se détériore depuis des décennies. Dans un marché en extension permanente, la Colombie reste le premier producteur de coca dans le monde. Selon l’ONU en 2020, il existerait 40000 hectares de plantations de coca en Colombie. C’est particulièrement dans la région de Catatumbo, épicentre de la production colombienne, qu’est implanté ce fléau. Entre ex guerrilleros et narcotrafiquants depuis leur plus jeune âge, les producteurs affluent pour pouvoir s’en sortir financièrement dans un pays mis à mal par le chômage et la pauvreté.
Une lutte acharnée qui n’est pas nouvelle
Historiquement, la Colombie est en lutte permanente face aux guérillas. Après l’implantation des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) en 1964, la Colombie s’est vue inondée par la production de coca. Dans les années 1980, certains cartels comme ceux de Medellín ou Cali tournent à plein régime avec Pablo Escobar comme leader de la production. Néanmoins, la Colombie, bien aidée par la DEA (Drug Enforcement Administration) étatsunienne, a réussi à démanteler ces deux cartels en 1995. Malgré ces démantèlements, la production continue de faire rage au sein du territoire colombien. Alors que la Colombie est le premier fournisseur de drogue des Etats-Unis, l’administration Clinton a réalisé un accord avec le président Andrès Pastrana (président colombien de 1998 à 2002) : le Plan Colombie. L’objectif était de réduire la production de drogue en Colombie et donc indirectement faire baisser l’arrivée de cocaïne sur le territoire étatsunien. Les investissements des Etats-Unis (3,9 milliards de dollars sur 6 ans) ont permis une baisse significative de la production via des interventions militaires pour réinstaurer la paix et le respect des droits humains. Les cultures de coca auraient chuté, passant de 100 000 hectares en 2002 à 86 000 hectares en 2003. Alors que le trafic est très loin d’être anéanti, la Colombie reste le principal pourvoyeur des Etats-Unis avec 95% des exportations de ces substances originaires de Colombie.
Des conséquences dramatiques pour la Colombie
La Colombie, avec un PIB par habitant assez faible (plus de 5000$ par habitant), souffre d’une pauvreté implantée dans le pays. Ce pays, aux multiples ressources (nickel, or, argent, émeraudes, pétrole) n’arrive guère à se détacher de la production de coca. Alors que certaines populations s’étaient définitivement détachées de ce trafic, d’autres ont tout simplement repris la production par manque de solutions financières pour survivre…
Les conséquences au sein du pays ne sont pas que la violence (12 000 homicides en 2018), mais elles s’articulent aussi autour de la menace sur l’environnement et sur les peuples autochtones. La déforestation fait rage en Colombie pour assurer une production soutenue. En 2020, pas moins de 13 000 hectares ont été déforestés. Au-delà de cette déforestation, la production intensive de coca contamine les eaux du pays… Ainsi la production de coca représente un fardeau pour l’environnement. De plus, cette déforestation menace les peuples autochtones qui vivent dans ces forêts amazoniennes. Cette récolte de coca se fait en partie dans ces zones autochtones. La production pèse sur l’équilibre environnemental et social du pays.
Un président de gauche pour de nouveaux espoirs
L’arrivée de Petro est signe d’espoirs pour de nombreux colombiens. Sa volonté de pacifier le pays est au centre de sa politique. La lutte contre le trafic de drogue notamment contre le groupe paramilitaire Clan del Golfo, le gang le plus puissant de Colombie dont le chef Otoniel a été arrêté, va s’intensifier mais elle va aussi s’apparenter à une politique de dialogue avec les trafiquants et les producteurs. L’objectif des prochains mois va être d’organiser des réunions entre les différents cultivateurs de coca pour pouvoir réduire la production. Néanmoins, si le nouveau président tente de pacifier la Colombie et essaye d’offrir des solutions de reconversion pour les producteurs et trafiquants de drogue, ces derniers voient en le trafic un moyen de survivre. La tâche s’annonce ardue pour le président de gauche tellement les divisions au sein du pays sont ancrées. La production de coca est un vecteur de violence en Colombie entre les différentes branches armées.
Le constat est simple pour Petro : ces quatre dernières décennies ont illustré l’échec de la politique anti-drogue de la Colombie. L’objectif pour le président de gauche colombien est d’y remédier… Tendre la main aux groupes armés comme l’ELN (armée de libération nationale) incarne la politique de Petro. Ce dernier espère des changements rapides pour obtenir une Colombie prospère.