Réchana Oum est public speaking coach en entreprise depuis près de vingt ans et comédienne. Cet article vise à fournir aux élèves préparationnaires des outils et conseils issus de son expérience, afin de réussir leurs oraux qui approchent à grands pas.
Pourriez-vous rapidement retracer votre parcours ?
Avant toute chose, je viens d’un milieu de théâtre : metteur en scène, comédienne ayant monté ma propre troupe, j’ai été formé par Jean-Laurent Cochet, grand metteur en scène et professeur d’art dramatique. Etant avant tout une grande timide, j’ai été poussée vers le théâtre par une soif d’apprendre plutôt qu’un souci de remédier à cette timidité. C’est à ce moment-là que m’a été inculqué un amour de la langue, ainsi que ce souci du texte et de la littérature.
Mon passage vers l’entraînement à la prise de parole en entreprise vient en fait d’élèves, qui, cadres en entreprises, à l’issue de mes cours de théâtre, m’ont suggérée de proposer ce service aux entreprises. Ainsi, ma méthode d’apprentissage de la prise de parole repose essentiellement sur des outils concrets, que de vrais comédiens utilisent dans leur carrière.
Je suis une technicienne du théâtre et c’est cette technique précise qui me permet de proposer des formations adaptées en entreprise, car on est dans la recherche de résultats immédiats et visibles.
Quand faut-il s’intéresser à l’amélioration de ses capacités orales ?
Je conseille souvent de ne pas attendre avant de s’intéresser à l’amélioration de son expression orale : celle-ci touche à tout, que ce soit la vie professionnelle, la vie étudiante ou sociale. Il faut donc commencer le plus tôt possible afin de profiter d’un maximum d’opportunités, autrement peut-être perdues. Aussi, il ne faut pas s’en vouloir si l’on n’arrive pas à progresser rapidement : cela prend du temps, et chacun n’a pas nécessairement les mêmes prédispositions.
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Vous êtes professeur de théâtre : quelles méthodes conseillerez-vous à un étudiant pour s’améliorer à l’oral ?
Trompez-vous ! Par-là, je veux dire : pratiquez la prise de parole le plus possible. On ne voit pas l’entraînement et on ne sait pas les échecs des plus grands athlètes, et pourtant c’est pour cela qu’ils sont bon : ils ont énormément pratiqué. Il faut donc dépasser la peur de l’échec, ne plus se poser de questions et pratiquer !
Se tromper, c’est s’approprier les notions.
Que répondez-vous aux étudiants qui considèrent la prise de parole comme quelque chose de hasardeux ?
Il convient de mettre toutes les chances de son côté : il ne faut pas considérer le facteur chance dans sa préparation. Il faut avant tout réfléchir à son discours en amont et ne pas se laisser surprendre ou s’embourber. La prise de parole est régie par des lois qui s’apprennent : la préparation est le facteur déterminant qui distinguera un discours hasardeux et approximatif d’un discours efficace.
Et finalement, les règles, ça rassure ! et si on est rassuré, si on a des repères stables, on a moins peur, on ne stresse pas. Et on se révèle à soi-même.
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Quelle importance devrions-nous porter au regard des autres lorsque nous prenons la parole en public ?
Il y a deux considérations à avoir avant de parler en public :
- Avant : Demandez-vous : Qui je suis ? Où je suis ? A qui je parle ? Ainsi, à qui que vous parliez, vous saurez avoir la bonne distance vis-à-vis de votre auditoire, mais vous saurez aussi comment projeter votre discours le plus efficacement possible, sans vous démonter.
- Pendant : Il ne faut pas s’occuper du regard des autres. Face à un jury ou une audience, vous êtes sujets à une atmosphère imposée, mais vous pouvez néanmoins projeter une ambiance et raconter une histoire.
Comment gérer son stress à l’oral ?
Le stress doit avant tout se tester : il faut se connaître et se mettre en situation de stress afin d’apprivoiser cette sensation. Le but est de transformer le stress en appréhension, mais aussi de percevoir les effets du stress avec lucidité et acuité. Encore une fois : pratiquez !
La préparation joue en fait un rôle crucial : on peut en fait mettre les chances de son côté en réduisant le nombre d’incertitudes le moment de la prise de parole venu. Cela implique entre autres de numéroter ses pages, écrire en gros les choses qu’il ne faut pas oublier par exemple. Chacun peut trouver des tips personnels qui évitent les erreurs techniques qui peuvent venir saboter une bonne préparation. On vérifie le matériel comme un sportif.
Comment répondre à une question incongrue, ou encore déstabilisante, tout en restant convaincant ?
Encore une fois, la préparation joue un rôle fondamental dans ce genre de situations : il faut avant tout préparer toute question susceptible de nous déstabiliser. Aussi, pensez à impérativement prendre votre temps et vous poser deux questions : Où le jury/audience veut-il m’emmener ? et Où aimerais-je emmener le jury ? Avec ces réponses en tête, on peut transformer la situation et la tourner à notre avantage.
Comment transformer un discours personnel en un discours professionnel mais authentique ?
La première chose à réaliser est qu’il y a une différence fondamentale entre parler de soi et entrer dans le personnel. Evitez d’entrer dans des détails personnels le plus possible. De fait, parler de soi revient à se placer au centre de son discours en ne mettant pas en avant sa personne mais ses capacités et ses passions. Il faut penser sa personnalité comme un miroir qui reflète des intérêts sur les divers sujets évoqués.
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Auriez-vous un combat à mener ou un message à faire passer au sujet de la langue, tant orale qu’écrite, pour des jeunes ?
J’aimerais redonner aux jeunes le goût de lire : nous devons être curieux et lire « complexe ». Par-là, on apprend à penser plus finement. Il faut être curieux et aller faire son propre jugement plutôt que de lire « à la mode ». Il convient d’aimer la littérature, d’autant plus que la littérature française constitue un vivier inépuisable de procédés stylistiques et de vocabulaire qui serviront à enrichir la langue. Je ne crois pas au stéréotype selon lequel la jeunesse ne lirait pas et se désintéresserait du patrimoine littéraire français : je pense notamment que c’est à elle que revient de préserver la littérature.
Vous enseignez en anglais : quels parallèles et différences voyez-vous entre français et anglais ?
Deux différences sont notoires :
- Le français comporte des lettres muettes, au contraire de l’anglais, ce qui pousse les anglais à souvent mieux articuler, chose que les francophones doivent davantage travailler.
- Le français est aussi une langue sans musicalité interne : cela rend l’orateur libre de poser des inflexions, où il le veut dans son discours le rendant effectivement plus riche.
Une ressemblance est que, peu importe que l’on parle anglais ou français, la pensée se perçoit dans la parole : si le discours est clair pour vous en français, l’auditoire pourra le sentir, même si vous parlez anglais
Une chose à ajouter ?
J’estime qu’il est important de revenir aux fondamentaux lorsqu’il en vient à la prise de parole, c’est-à-dire le langage. Il faut arrêter de confondre le travail de la prise de parole avec des domaines annexes et hasardeux comme l’improvisation ou la mise en situation. Aussi, je trouve l’opposition faite entre littéraire et scientifique stérile en ce que les deux concepts ne sont pas mutuellement exclusifs. Un profil scientifique peut très bien incorporer des caractéristiques littéraires et vice versa ! Cela permettrait d’éviter des oppositions qui n’ont pas lieu d’être, alors qu’à l’inverse, en acceptant qu’on peut allier les deux, on peut devenir beaucoup plus fort.
Un retentissant merci à Réchana Oum pour avoir accepté de faire cette interview, qui pourra donner de précieux conseils à nombre d’étudiants en matière d’expression orale.