Les Etats africains ne sont plus acteurs de la géopolitique mondiale depuis ces deux derniers siècles. La grande faille entre l’Afrique et l’Europe en termes de puissance fait du continent noir un angle mort de la géopolitique. Cette réalité se manifeste clairement dans les processus de colonisation européenne qui cible les territoires africains.
Toutefois, de nombreux bouleversements mondiaux dont le plus marquant est la deuxième guerre mondiale, ont accéléré l’apparition d’une vague de décolonisation durant la deuxième moitié du vingtième siècle. La sortie du colonisateur est une victoire pour l’Afrique. Néanmoins, le continent se trouve alors face à un grand nombre de défis frontaliers. La guerre des sables fut ainsi déclenché en 1963, opposant deux voisins du continent noir : Le Maroc et l’Algérie.
L’Organisation de l’unité africaine, prédécesseur de l’Union Africaine, obtient un cessez-le-feu en 1964. Mais le conflit entre les deux gouvernements demeure présent et atteint son apogée en 2021. Le scénario d’une potentielle confrontation militaire entre le Maroc et l’Algérie apparaît.
La question de comment ce scénario de guerre pourra influencer la scène géopolitique internationale se pose.
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Les origines de la crise entre le Maroc et l’Algérie
Le chaos envahit l’Afrique postcoloniale alors que les frontières des États étaient seulement vaguement définies. Cela a ainsi donné naissance à plusieurs mouvements séparatistes et indépendantistes. Dans ce contexte naît le front Polisario: une organisation formée en 1973 revendiquant l’indépendance du Sahara occidentale, et considérant non légitime la présence du royaume marocain sur ce territoire. Pour le Maroc, la marocanité du Sahara est une réalité non négociable.
Le mouvement sahraoui détient le soutien d’Alger ; le pays de Abdelmadjid Tebboune reconnaît la « République arabe sahraouie démocratique » en tant qu’Etat indépendant et appelle à un référendum d’autodétermination au Sahara. En revanche, le Maroc qui contrôle aujourd’hui plus de 80% de la région en question et considère l’établissement d’un référendum infaisable, propose un plan de Sahara autonome sous la souveraineté marocaine.
Aujourd’hui la question sahraouie s’impose à nouveau après l’intervention de l’armée marocaine dans la région d’El Guerguerat, zone tampon du poste-frontière. Ceci, dans le but de rétablir le trafic routier vers la Mauritanie coupé par les indépendantistes sahraouis. En réponse à cela, Alger accuse le Maroc d’avoir brisé le cessez-le-feu établi par l’ONU en 1991. Les tensions réapparaissent alors dans une région politiquement instable. Au moment où les manifestations envahissent la Tunisie après le changement du gouvernement par le président Kaïs Saïed, la résolution de la crise libyenne demeure encore incertaine.
Dans cette logique, les crises du 20ème siècle continuent à influer sur la nature des relations entre le Maroc et l’Algérie. Les théories complotistes qui accusent les européens d’avoir manipulé de tels conflits via « un néo colonialisme » sont toujours présentes, toutefois, l’Afrique, qui échoue jusqu’aujourd’hui à instaurer des vraies démocraties, assume elle aussi sa grande responsabilité.
La confrontation militaire entre les deux voisins nord-africains menace les intérêts européens
Le démantèlement de l’URSS a fait des Etats Unis une « hyperpuissance ». Cet événement a assuré sa suprématie américaine dans le monde. Cependant, cette réalité était remise en question après les attentats du 11 septembre, où le terrorisme a démontré que le géant américain n’est plus un Etat intouchable. Ceci montre à quel point les mouvements terroristes menacent la stabilité de tous les Etats, leur soft power et leur positionnement dans le monde.
La lutte contre le terrorisme est indispensable et est une des priorités majeures du monde occidental. Aujourd’hui, l’extension de Daech et d’Al-Qaïda s’appuie sur le chaos politique d’un bon nombre d’Etats du Proche et Moyen Orient. Il est donc évident qu’une guerre entre le Maroc et l’Algérie favoriserait l’implantation du terrorisme dans la région MENA. Ceci menace la sécurité de l’Union Européenne car le Maroc est l’ouverture de l’ Afrique sur l’Europe. De ce fait, toute implantation du terrorisme sur son territoire faciliterait l’accès des groupes terroristes en Europe et ferait de la méditerranée un nouvel arc de crises.
Un conflit militaire algéro-marocain remettrait en question la capacité de l’Europe de lutter contre l’immigration. Une telle confrontation reproduirait le scénario des réfugiés syriens, où l’Europe se voyait faible face aux menaces turques de laisser passer les réfugiés vers le territoire grec.
Les territoires marocains et algériens entrent dans les zones stratégiques de l’Union Européenne. Dans le cadre de diversification de ses partenaires commerciaux, l’Europe est consommateur du gaz algérien qui lui est exporté à travers le gazoduc marocain. Ceci renforce l’indépendance européenne de la Russie. De ce fait, toute guerre envisageable sur ce territoire menace le transport du gaz algérien vers l’Europe, mettant ainsi en danger les besoins européens en matière de gaz.
On peut alors affirmer que les crises qui résultent de la décolonisation ont abouti à l’apparition du terrorisme. Ce dernier menace aujourd’hui la stabilité de l’occident. C’est pour cela que les actions américano-européennes visent aujourd’hui la limitation de son extension. Dans ce contexte, le scénario d’une guerre militaire entre le Maroc et l’Algérie réduira à néant les efforts occidentaux et facilitera l’accès du terrorisme ainsi que des réfugiés sur le territoire européen, provoquant ainsi de nombreuses crises sociales et sécuritaires.
L’actualité du conflit algéro-marocain
Le conflit algéro-marocain persiste depuis l’indépendance de l’Algérie en 1963 malgré le soutien entre les deux États lors de leur lutte contre le colonialisme. Néanmoins, les tensions s’étaient apaisées après la fermeture des frontières des deux pays en 1994. C’est ainsi que, en dépit des divergences idéologiques majeures bloquant la coopération entre les gouvernements, la région nord-ouest africaine vivait dans la paix.
Ce n’est qu’en 2021 que les tensions ont exponentiellement augmenté entre le Maroc et l’Algérie : le pays de Abdelmadjid Tebboune accuse le Maroc d’avoir coopéré avec Rachad et le MAK. Ceci, dans le but de provoquer des incendies dans la région Kabyles au moment où le Maroc montrait sa volonté d’intervenir sur le territoire algérien pour aider à limiter la propagation des incendies.
Par conséquent, Alger annonce avoir coupé les relations diplomatiques avec le Maroc. L’Algérie accuse le Maroc d’avoir tué trois citoyens algériens qui se dirigeraient via un camion commercial vers le territoire mauritanien ; en réaction à ceci, Rabat nie sa responsabilité et assure son respect total du voisin algérien.
Il est donc évident qu’un ensemble d’événements dans cette région peut être considéré comme prétexte pour une guerre militaire entre les deux Etats africains, guerre qui ferait de la zone nord-africaine un nouvel arc de crise, et pourrait aboutir à l’accentuation du conflit libyen.
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Conclusion
Il est vrai qu’une guerre nord-africaine menacera la sécurité de l’Europe aussi bien que de l’Afrique. Toutefois, ce scénario peut être conçu tant que “bénéfique” pour les puissances mondiales: Les affrontements militaires favorisent l’implantation des puissances mondiales dans les territoires des belligérants. De ce fait, le conflit algéro-marocain pourrait influer, d’une façon où d’une autre, la conquête de la Chine en Afrique ainsi que la stratégie américaine qui vise à freiner l’expansion de l’influence chinoise.