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Olivier Blanchard appelle les banques centrales à relever l’objectif d’inflation à 3 %

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Dans une interview du 3 juillet 2023 au périodique Les Echos, l’ex-économiste en chef du FMI et professeur au MIT, Olivier Blanchard, a expliqué pourquoi il recommande aux banques centrales de relever leur cible d’inflation, de 2 à 3 %.

Olivier Blanchard plaide pour plus de souplesse dans la politique monétaire

Olivier Blanchard était de passage à Paris à l’occasion du Forum annuel des politiques publiques organisé par l’Ecole d’économie de Paris. Il était venu y présenter un papier de recherche, écrit récemment avec l’ex-président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, Ben Bernanke, sur les causes de la poussée inflationniste aux Etats-Unis. Lors de sa rencontre avec l’édito Les Echos, il a développé sa vision et les avantages pour les autorités monétaires « à s’accommoder d’une inflation à 3 %, plutôt que de s’arc-bouter sur le retour sous la barre des 2 %. »

L’ex-économiste en chef du FMI souligne que l’économie américaine a dû faire face à un énorme choc de demande, provoqué par les aides consenties par les administrations Trump, puis, et surtout Biden. « La politique budgétaire aux Etats-Unis a été sans rapport avec la politique budgétaire en Europe. Le gouvernement a injecté 5 000 milliards de dollars dans l’économie, c’est-à-dire 18 % du PIB. C’est gigantesque ! », rappelle Olivier Blanchard. L’économiste estime que ce stimulus a été deux à trois fois trop puissant. « Les chèques distribués après le Covid continuent de poser problème pour la politique monétaire américaine aujourd’hui. Les ménages en ont dépensé une partie, mais ils en ont aussi épargné beaucoup. Les entreprises ont peu de problèmes de trésorerie. Les hausses de taux de la Fed n’ont donc pas l’effet habituel, car les gens et les entreprises ont un coussin d’épargne qu’ils peuvent utiliser. »

Les travaux réalisés par Olivier Blanchard et Ben Bernanke affirment que cette situation ne durera pas longtemps et que l’inflation devrait revenir à la normale. Cependant, il soulève la question de savoir si l’augmentation des salaires pourrait maintenir l’inflation à un niveau plus élevé et durable. Il note qu’une hausse des salaires a un effet inflationniste plus faible mais plus durable, ce qui rend difficile son contrôle.

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Il faut adopter une approche plus douce en maintenant l’objectif d’inflation à 3 %

Pour Olivier Blanchard, « il y a aujourd’hui une surchauffe du marché du travail aux Etats-Unis. C’est moins évident dans la zone euro. Pour le moment, les anticipations d’inflation à terme sont restées stables, ce qui est une bonne nouvelle et réduit le risque d’une boucle salaire-prix. Dans l’ensemble, les banques centrales ont été crédibles sur le retour à terme de l’inflation à 2 % ». 

L’inquiétude du célèbre économiste est que pour tenir cet objectif, il va falloir matraquer le marché du travail. « Dans la lutte contre l’inflation, franchir la dernière marche, par exemple descendre rapidement de 4 % à 2 %, risque d’être difficile, de nécessiter un ralentissement substantiel de l’activité, en Europe comme aux Etats-Unis », souligne-t-il. D’où sa recommandation de le faire en douceur, voire… pas du tout, en modifiant l’objectif pour stabiliser l’inflation à 3 %.

Selon lui, une inflation de 1 %, 2 % ou 3 % n’a pas beaucoup d’impact sur l’économie, mais plus elle est élevée, plus les décideurs économiques ont de marges de manœuvre. Cela peut être utile, par exemple, pour ajuster les salaires dans certains secteurs sans les réduire en termes réels.

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Une inflation à 3% pour relancer la machine

Olivier Blanchard souligne également que maintenir une inflation plus élevée offre plus de flexibilité pour stimuler l’économie. Avec une inflation de 2 %, les taux d’intérêt nominaux sont en moyenne de 3 %, ce qui limite les baisses possibles. En revanche, une inflation plus élevée permettrait des baisses plus importantes des taux d’intérêt, ce qui est souvent nécessaire pour stimuler l’économie. De plus, cela éviterait aux gouvernements de recourir à des mesures budgétaires coûteuses lorsque les taux d’intérêt atteignent leur limite inférieure.

Blanchard suggère même d’envisager une inflation cible de 4 %, car cela pourrait changer la dynamique de fixation des prix et des salaires. En revanche, « je pense que les banques centrales pourraient relever leur cible d’inflation à 3 % sans perdre en crédibilité. Dans le passé, elles ont eu des actions bien plus dramatiques – comme l’assouplissement quantitatif – sans se décrédibiliser ».

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Pour conclure, Olivier Blanchard plaide en faveur d’une approche plus souple de la politique monétaire, avec un objectif d’inflation de 3 % au lieu de 2 %. Il soutient que cela offrirait plus de marges de manœuvre aux décideurs économiques et faciliterait la gestion de l’économie, que ce soit pour réduire les salaires dans certains secteurs ou stimuler l’économie en période de ralentissement.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref