Dans une tribune du 15 décembre 2022 publiée sur le site Les Echos, l’économiste et professeur au Collège de France, Philippe Aghion, s’est exprimé sur le mythe de la déglobalisation vertueuse et les dangers de ce phénomène.
La globalisation a permis d’augmenter les revenus mondiaux
Pour commencer sa tribune, Philippe Aghion pose une question qui pourrait s’apparenter au sujet d’une épreuve d’ESH : « la déglobalisation peut-elle réduire les inégalités dans les pays riches créées par la mondialisation ? ». Il y répond simplement que non, et même pire car ce phénomène n’engendrerait que des reculs.
Pour affirmer cela, il s’appuie sur la distribution des revenus au niveau mondial : « les revenus de la grande majorité des individus ont très fortement augmenté au cours des trois dernières décennies ». Il affirme que cela est dû à l’enrichissement des pays émergents grâce à la mondialisation tout en admettant que cette globalisation s’est couplée avec une augmentation des inégalités dans les pays développés, notamment entre la classe moyenne et les individus les plus riches.
Concrètement, la mondialisation a permis de réduire les inégalités et le taux de pauvreté au niveau mondial, mais ce phénomène a été plus important dans les pays asiatiques notamment grâce des politiques industrielles volontaristes. La déglobalisation serait préjudiciable pour ces pays-là puisque les inégalités se creuseraient et la pauvreté au niveau mondial augmenterait.
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Les inégalités ont augmenté dans les pays développés durant la globalisation
Philippe Aghion fait le choix de s’interroger sur les raisons de l’augmentation des inégalités dans les pays développés. Selon lui, cela tient à « l’hétérogénéité à la fois des individus et des entreprises ».
En effet, dans les pays développés, la globalisation a favorisé les agents économiques les plus qualifiés étant donné que les moins qualifiés ont été mis en concurrence par les individus des pays émergents où la main-d’œuvre moins qualifiée est abondante et moins cher. De même, les entreprises les moins productives des pays développés ont été mis en concurrence avec les entreprises des pays émergents.
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La globalisation n’est pas le véritable mal des pays développés
Philippe Aghion, en s’appuyant sur des études empiriques, explique que la globalisation n’a pas été la raison principale de ce creusement des inégalités dans les pays développés. Cela tient plutôt au « progrès technique et la révolution des technologies de l’information ». En s’appuyant sur les travaux de l’économiste Stefanie Stantcheva, il révèle que c’est pourtant la globalisation qui est perçue par l’opinion publique comme le principal facteur d’inégalités, surtout dans les secteurs supposément les plus exposés au commerce international. C’est donc cette asymétrie d’information entre opinion publique et données empiriques qui poussent Philippe Aghion à s’opposer au protectionnisme dans les pays développés.
Face au creusement des inégalités liée au progrès technique, il recommande de mettre en place des filets de sécurité face au risque de perte d’emploi, comme au Danemark avec son système de flexisécurité comprenant des indemnités chômage très généreuses et des politiques actives de formation et de réinsertion sur le marché du travail. Pour l’auteur, cela explique pourquoi la globalisation a induit beaucoup moins de polarisation politique au Danemark qu’aux Etats-Unis où les filets de sécurité sont quasi inexistants.
Enfin, Philippe Aghion avance que le déclenchement d’une guerre commerciale risquerait d’entraîner des mesures de rétorsion de la part des pays destinataires. Cela engendrerait logiquement un rétrécissement des marchés d’exportation pour les entreprises françaises, ce qui in fine réduirait l’innovation et à terme nuirait à notre compétitivité.
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Pour conclure, le commerce a réduit les inégalités au niveau mondial et n’est pas la principale source d’inégalités dans les pays développés. Ainsi, s’opposer à la mondialisation est une erreur de jugement, surtout que les politiques de flexisécurité peuvent faire face à l’inadéquation temporaire entre travailleurs moins qualifiés et emploi et qu’à terme, la déglobalisation conduirait à un manque d’innovation.