Aujourd’hui, on s’intéresse à un ouvrage majeur de la dernière décennie : Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty. La grande portée de ce travail en fait une référence utilisable dans de nombreux sujets : capital et patrimoine, justice sociale, redistribution, politiques fiscales et plus encore. Ce dernier a beaucoup fait parler de lui à sa sortie et pour cause. Fruit de quinze années de recherche (1998-2013), il s’intéresse à la dynamique historique des revenus et des patrimoines. Depuis le tournant néo-libéral des années 1980 et l’émergence du phénomène de mondialisation, Piketty aperçoit une croissance des inégalités. Le retour à un régime de faible croissance semble également marquer celui du capital. Les patrimoines issus du passé prennent de l’ampleur et les inégalités se creusent. A l’heure actuelle, le décrochage des plus hautes rémunérations et la concentration extrême des patrimoines menacent les valeurs de méritocratie et de justice sociale des sociétés démocratiques.
Concepts clés et définitions
Avant toute chose, il nous faut revenir sur les concepts majeurs utilisés par Piketty si l’on veut espérer réellement comprendre sa thèse. Certains sont propres à l’auteur et peuvent être mobilisés dans vos copies. Le livre faisant près de mille pages, un étudiant qui saurait le maîtriser parfaitement sera sans aucun doute valorisé.
Le rapport capital-revenu
C’est le rapport entre le stock total de capital et le flux annuel de revenu et de production. Noté β, il mesure l’importance globale du capital dans une société. Par exemple, si β vaut 6 par exemple, la valeur totale du capital représente 6 années de revenu national.
Le partage capital-travail
Il désigne le partage du flux de revenu et de production entre revenus du capital et du travail. Ce partage n’est pas aussi stable que l’on a pu le penser et est fortement influencé par le contexte politique et économique.
Le revenu national
Il désigne l’ensemble des revenus dont disposent les résidents d’un pays donné au cours d’une année (proche du RNB). Il vaut la somme de la production intérieure et des revenus nets reçus de l’étranger.
Le capital
Il correspond à toutes les formes de patrimoine accumulées par l’homme. Pour simplifier, Piketty désigne par patrimoine national le capital national qui correspond à la somme des patrimoines privés et publics. Piketty exclut le capital humain (la force de travail, les qualifications, la formation, les capacités individuelles). Dans ce livre, le capital se définit comme l’ensemble des actifs non humains qui peuvent être possédés et échangés sur un marché. Il comprend l’ensemble du capital immobilier (immeubles, maisons) et du capital financier et professionnel (bâtiments, équipements, machines, brevets). Le capital désigne donc ici toutes les formes de richesses qui peuvent être possédées par des individus et transmises ou échangées sur un marché.
La 1ère loi fondamentale du capitalisme : α = r x β
Ici, r est le rendement moyen du capital, β est le rapport capital/revenu et α correspond à la part du capital dans le revenu. Par exemple, si β = 6 et r = 0,05 alors α = 0,3 = 30%. Il s’agit d’une pure égalité comptable, valable pour toutes les sociétés et à toutes les époques. Cette égalité permet d’associer le stock de capital au flux de revenus du capital. Cela permet d’analyser l’importance du capital aussi bien au niveau mondial qu’au niveau d’une entreprise.
La 2ème loi fondamentale du capitalisme: β = s/g
On retrouve β, le rapport capital/revenu. La lettre s désigne le taux d’épargne du pays considéré et g le taux de croissance du revenu national. Par exemple, si s = 12% et g = 2% alors β =600 %.
Cette loi traduit une réalité importante : un pays qui épargne beaucoup et qui croît lentement accumule dans le long terme un stock de capital. Il s’agit d’une loi asymptotique, valable uniquement pour les formes de capital cumulables par l’homme. Il faut aussi que prix des actifs évoluent de la même façon que les prix à la consommation. Par conséquent, cette loi n’explique pas les chocs de court terme subis par le rapport capital/revenu. Elle permet toutefois de comprendre vers quel niveau d’équilibre potentiel le rapport capital/revenu tend à se diriger dans le long terme. Ainsi, une hausse de β signifie surtout que les détenteurs du capital contrôlent une part plus importante des richesses et que les revenus issus des patrimoines accumulés dans le passé progressent plus vite que les revenus issus de la participation à la production d’aujourd’hui. L’augmentation du rapport du capital au revenu entraîne alors une augmentation de la part du revenu du capital dans le revenu total (pourvu que le taux de rendement du capital ne diminue pas trop suite à la hausse du rapport du capital au revenu).
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Statistiques et ensemble significatifs
Au début de la seconde Révolution Industrielle, les pays occidentaux étaient extrêmement inégalitaires : les 1% plus riches s’accaparaient 18 à 25% du revenu national.
Aujourd’hui, aux Etats-Unis, les 1% plus riches reçoivent 20% du revenu national. Ce centile a absorbé depuis 30 ans 60% de la croissance totale des revenus.
Au Royaume-Uni, les 1% plus riches s’accaparent 15% du revenu national. En France et en Allemagne, ils s’en accaparent 9%.
A la Belle Epoque, les 1% détenteurs des plus gros patrimoines possédaient 60% du capital privé national en Europe contre 45% aux Etats-Unis (90% de la population ne possédait pratiquement rien).
Toutefois, les deux Guerres Mondiales ont eu pour effet l’annihilation des grands patrimoines. On constate alors pendant les 30 Glorieuses l’émergence d’une “classe moyenne patrimoniale”: les 1% mieux dotés ne représentent plus que 20% du total du capital privé national en Europe.
Depuis 30 ans, on observe ainsi un phénomène de concentration des patrimoines dans les mains des plus riches : les 1% détiennent 25% du total de capital en France, 30% au Royaume-Uni et 34% aux Etats-Unis.
En France, les revenus du capital représentent, pour les 1% plus riches, 35% du total de leurs revenus mais plus de 60% pour les 0,01% plus riches.
Enfin, Piketty remarque le retour à une société patrimoniale : les patrimoines hérités, qui représentaient 45% du total de la valeur des patrimoines en 1970 en France, pèsent désormais pour près de 70%.