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Nouvelle « small boats week » en Grande-Bretagne : l’épineuse question migratoire

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Le 12 août 2023, un nouveau cap a été franchi : 100 000 migrants ont traversé la Manche depuis 2018. Quelques jours avant, le gouvernement de Rishi Sunak avait annoncé une deuxième « small boats week » pour tenter d’enrayer l’immigration illégale en Grande-Bretagne.

L’intensification des traversées de la Manche

La Grande-Bretagne fait face à un nombre d’entrées record sur son territoire. En 2022, près de 40 000 migrants ont traversé la Manche dans l’espoir de s’installer en Grande-Bretagne. Cet afflux hors-norme se poursuit actuellement : entre le 10 et le 12 août 2023, 1600 individus ont atteint les côtes britanniques.

Il s’agit en réalité d’une tendance initiée dans les années 2010. Les poids-lourds empruntant l’Eurotunnel ont d’abord été privilégiés par les migrants, mais le durcissement des contrôles aux frontières et l’installation de moyens de détection avancés -caméras thermiques et détecteurs de CO2– ont favorisé les tentatives de traversée par la mer. Les migrants tentent désormais de traverser la Manche à bord de bateaux pneumatiques : les « small boats » régulièrement évoqués par le gouvernement britannique.

L’immigration en Grande-Bretagne n’est pas nouvelle, mais le raidissement des politiques d’accueil a favorisé l’immigration clandestine. En effet, la Grande-Bretagne a longtemps été un pays ouvert aux migrations. Dans les années 1950, le gouvernement voit l’entrée des travailleurs d’un bon oeil : c’est la génération « Windrush », du nom de l’Empire Windrush, bateau ayant transporté des migrants antillais à partir de 1948. Jusqu’en 2010, La Grande-Bretagne a été l’un des pays les plus accueillants d’Europe, puisqu’elle a admis 2,3 millions d’immigrants entre 2008 et 2011, le chiffre le plus élevé du continent.

 

Le durcissement de la politique migratoire

La « small boats week » annoncée par Rishi Sunak début août 2023 s’inscrit dans une décennie marquée par de nouvelles législations anti-migrations. En 2012, Theresa May autorise des campagnes de publicité incitant les travailleurs étrangers à « rentrer chez eux ». C’est le début de la politique de « l’environnement hostile », ou « Hostile Environment Policy », un ensemble de mesures administratives destinées à encourager les « départs volontaires » et à freiner l’immigration.

Depuis 2012, le gouvernement britannique peut ainsi priver les travailleurs étrangers d’un grand nombre de leurs droits, tels que la fermeture de leur compte bancaire ou l’accès aux soins de santé. De plus, l’administration peut expulser les résidents étrangers pour des irrégularités mineures, comme de petites erreurs dans une déclaration d’impôts, mais aussi pour « excentricité », en vertu d’une clause polémique : la « clause de notoriété ».

Plus récemment, la « nouvelle droite » britannique a fait de l’immigration son cheval de bataille. Priti Patel, ministre de l’intérieur de 2019 à 2022 et fille de travailleurs de la « génération Windrush », a ainsi introduit un nouveau système d’immigration à points en 2020. En 2022, le Nationality and Borders Act jette les bases d’un système de « traitement off-shore » des demandeurs d’asiles, qui permettrait la délocalisation des centres d’accueil de migrants. Ce même texte, en criminalisant les demandeurs d’asiles, donne au gouvernement la possibilité de leur retirer la nationalité britannique sans préavis.

 

Une crise politique alimentée par le débat national

La mort de six afghans lors de leur traversée samedi 12 août donne à la « small boats week » un goût amer.  Le député travailliste Stephen Kinnock a qualifié cette initiative de « désastre pour les Tories ». Près de 7 mois après l’annonce de ses cinq priorités, dont la cinquième était « arrêter les bateaux », Rishi Sunak semble bien en peine d’enrayer une immigration illégale qui atteint des sommets.

Le gouvernement a aussi subi le rejet du « Rwanda Plan » par les juges de la Cour d’appel britannique. Ce programme conçu par Priti Patel prévoyait de délocaliser le traitement d’une partie des immigrés clandestins au Rwanda. Les mesures contre l’immigration peuvent aussi être symboliques : en août 2023, l’installation par les autorités dans le Dorset d’une barge géante destinée à accueillir les demandeurs d’asile et décrite comme « spartiate » se voulait dissuasive, avant sa fermeture pour raisons sanitaires au bout de quelques jours.

Alors qu’une partie de la population britannique semble s’inquiéter d’une immigration mal contrôlée, d’autres dénoncent les traitements imposés aux migrants. En novembre 2022, le centre d’accueil de Manston (Kent) avait ainsi été la cible de vives critiques par l’opposition en raison de ses conditions d’accueil et de sa surpopulation. En août 2023, le décès des six afghans est pour l’opposition travailliste l’occasion de déplorer une nouvelle fois les décès réguliers dans la Manche, et d’appeler à la réinstauration d’une voie d’accès légale pour les demandeurs d’asile.

Mais le débat politique sur les migrations est ancien : dès 1968, l’ex-ministre de la santé britannique Enoch Powell s’oppose à l’immigration en provenance du Commonwealth dans son discours des « fleuves de sang ». Six décennies plus tard, l’actuelle ministre de l’intérieur Suella Braverman s’inscrit dans la lignée d’Enoch Powell en décrivant l’immigration comme une « invasion ».

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Constantin SIMON
Élève à HEC Paris après deux ans à Stanislas (Paris 6), je suis rédacteur pour Mister Prépa et Planète Grandes Écoles. J'écris des articles dans les rubriques Géopolitique, Mathématiques, Python, Langues.