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L’inflation par les profits, ou greedflation, est un phénomène bien présent en Europe

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greedflation

La greedflation consiste à accroître les prix de vente pour tirer profit de l’inflation en augmentant la marge bénéficiaire, même si l’entreprise n’en a pas besoin. Dans ce cas, les coûts de production n’ont pas suffisamment évolué pour justifier une augmentation des prix, mais celle-ci passe inaperçue à cause de l’inflation généralisée. Récemment, des économistes du FMI ont quantifié qu’en Europe, les profits ont « joué un large rôle, contribuant à 45 % de l’inflation » du début 2022 au début 2023.

La greedflation c’est l’inflation par les profits des entreprises

Après avoir disparu pendant une bonne décennie dans les pays occidentaux, l’inflation a rejailli. Tous les économistes se sont donc empressés d’avertir la terre entière que la boucle inflationniste ne devait pas s’enclencher au risque de faire perdurer l’augmentation générale du niveau prix. La règle est donc de ne surtout pas augmenter les salaires, ces derniers n’étant plus indexés sur l’inflation en France depuis 1983 pour cette raison. Pour autant, l’inflation a trouvé un nouveau moteur : l’avidité de certaines grandes entreprises, qui profitent du contexte ambiant pour relever leurs tarifs. Le phénomène a même un nom : la greedflation, qui mêle les notions d’avidité (greed en anglais) et de hausse des prix.

Le Fonds monétaire international (FMI) s’est penché sur l’inflation en zone euro après l’invasion russe de l’Ukraine et la flambée des prix de l’énergie. Une inflation qui atteint 10,6% en octobre 2022, avant de lentement ralentir, pour atteindre 6,1% en mai 2023. Pour l’institution internationale, cette inflation élevée est due presque pour moitié à la stratégie des entreprises, qui ont gonflé leurs prix de manière disproportionnée. Dans l’analyse publiée le 26 juin 2023, l’organisation basée à Washington estime que la hausse des bénéfices des entreprises a été responsable de 45% de l’inflation depuis début 2022. Les coûts d’importation ont représenté environ 40% de l’inflation, tandis que les coûts salariaux n’ont pesé que pour 25% de la hausse des prix.

La Banque centrale européenne a confirmé les résultats du FMI. Le 27 juin, à l’université d’été de la BCE de Sintra, au Portugal, sa présidente Christine Lagarde relevait que « les bénéfices par unité produite ont contribué pour à peu près deux tiers à l’inflation intérieure en 2022 alors que, au cours des vingt dernières années, leur contribution moyenne comptait pour environ un tiers ».

Lire plus : Retour sur le dixième forum annuel de la Banque centrale européenne de Sintra

Comment faire face à la greedflation en Europe ?

Dans un document de travail intitulé Energy, Inflation and Market Power : Excess Pass-Through in France, Axelle Arquié et Malte Thie, deux chercheurs du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) se sont penchés sur la greedflation. Ils ont montré qu’en France, « les secteurs les moins concurrentiels ont transmis dans leurs prix de vente plus de 100 % de la hausse de leurs coûts et ainsi contribué à l’inflation ». Le président de l’Autorité de la concurrence, Benoît Coeuré, estime d’ailleurs que « la persistance de l’inflation est en partie due aux profits excessifs des entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés »

Dans une tribune du 5 mai publiée sur le site Les Echos, le professeur des Universités à Paris 1 et professeur affilié à Skema Business School, ancien vice-président de l’Autorité de la concurrenceEmmanuel Combe a énuméré les leviers d’actions dont disposent les pouvoirs publics pour faire face à la greedflation. Ces derniers peuvent favoriser l’entrée de nouveaux acteurs, en abaissant les barrières réglementaires. Ils peuvent également favoriser la mobilité des consommateurs, notamment en renforçant l’information sur les prix. Ils peuvent limiter la concentration des marchés, par le biais du contrôle des fusions-acquisitions. Ils peuvent enfin renforcer leur lutte contre les pratiques anticoncurrentielles de cartel et d’abus de position dominante, qui font monter artificiellement les prix et les profits.

Lire plus : Emmanuel Combe : quel lien entre inflation et profit ?

Il est nécessaire de prendre du recul sur la greedflation

Certaines analyses pointent du doigt la nécessité d’évaluer ce phénomène non pas sur une année, mais sur toute la période. Les économistes du FMI constatent alors que le volume des profits dans la zone euro était supérieur de 1 % début 2023 à ce qu’il aurait été en poursuivant sa tendance de la décennie 2010-2019, tandis que le volume des salaires était inférieur de 2 %. Un écart finalement limité, qui pourrait être encore plus réduit en excluant du calcul les statistiques de l’Irlande, perturbées par la localisation de bénéfices d’entreprises non européennes.

Dans le cas de la France, l’écart disparaît entièrement. « Entre début 2018 et début 2023, la masse salariale, la marge des entreprises, et la valeur ajoutée ont toutes augmenté d’environ 20 % pour l’ensemble des branches marchandes », observe Agnès Bénassy-Quéré, sous-gouverneure de la Banque de France.

En examinant de plus près, on constate des divergences notables entre les secteurs. Certains secteurs, tels que l’énergie et le transport, ont enregistré des profits records, tandis que d’autres, comme la construction, ont vu leurs marges diminuer malgré une hausse des coûts de production. « En enlevant ces premiers deux secteurs, le taux de marge était déprimé en France au premier trimestre 2023, à son plus bas niveau depuis le milieu des années 1980 », remarquent les économistes de l’assureur allemand Allianz. Ces différences soulignent l’importance d’analyser les tendances spécifiques à chaque secteur plutôt que de se concentrer uniquement sur des moyennes globales.

Lire plus : Beyoncé participe-t-elle au maintien d’une inflation élevée en Suède ?

Pour conclure, durant la même semaine, la BCE et le FMI ont déclaré que les profits étaient le principal facteur d’inflation, un phénomène appelé greedflation. Néanmoins, de nombreux débats existant quant à l’analyse de ce phénomène, en termes de durée et de secteurs d’activité.

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref