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La Mongolie : un grand pays devenu petit ?

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En mai 2023, Emmanuel Macron a été le premier président français à se rendre en Mongolie. Il a été reçu à Oulan-Bator, pour une visite qu’il considère comme étant géostratégique. En effet, cette visite fait partie de la stratégie française et européenne de diversification des approvisionnements énergétiques. Elle a lieu un an seulement après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Géographiquement, la Mongolie est un grand pays qui fait trois fois la taille de la France. Mais il est enclavé de deux manières. D’abord, c’est un État désertique et montagneux qui ne possède pas de façade maritime. Mais c’est aussi un pays qui n’a que deux voisins dont il est dépendant : la Chine et la Russie. C’est en revanche un pays très faiblement peuplé. Avec 3,4 millions d’habitants, il est à peine plus peuplé que la Moldavie ou l’Albanie. Il est également important de noter que la population est à 30% nomade. Sa faible population contraste beaucoup avec sa superficie, ce qui fait de la Mongolie le pays le plus faiblement peuplé du monde (2 habitants au km²).

Dans cet article, nous verrons que la Mongolie est un pays au passé glorieux qui peine à se démarquer dans la géopolitique mondiale. Sa situation géographique lui fait défaut. Mais nous étudierons sa stratégie actuelle de diversification de ses partenaires commerciaux en s’ouvrant à l’Occident.

 

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L’héritage de l’empire mongol

L’Empire mongol est le second plus grand empire du monde en superficie, après l’Empire britannique. Il s’étend du Pacifique jusqu’à la Mer Méditerranée et à la Mer Baltique. L’empire contrôlait des grandes villes telles que Budapest, Moscou et Bagdad à l’Ouest, et Pékin ou encore Séoul à l’Est. Il existe du XIIIe siècle au XVe siècle. Mais cet empire semblait trop grand pour perdurer. Les divisions au sein de son territoire ont causé sa perte.

C’était un empire dirigé par des peuples nomades. Les conquêtes mongoles se basaient donc sur des armées de cavaliers expérimentés qui semaient la terreur en Asie de l’Est et Centrale. Leurs atrocités allaient jusqu’à mettre en place une tactique de la terreur. On compte des millions de morts dans les grandes civilisations avancées : la Chine, le monde islamique et, dans une moindre mesure, l’Europe.

Hormis la terreur et la guerre, la domination mongole sur l’Eurasie a toutefois permis de multiplier les échanges commerciaux et culturels entre l’Orient et l’Occident. L’une des raisons est que l’Empire mongol était moins hostile aux chrétiens européens qu’aux musulmans, qui s’étaient déjà implantés à l’Est. Dès lors, des marchands européens comme Marco Polo ont pu voyager en Chine pour la première fois et rapporter la technologie chinoise, à l’époque bien plus avancée. L’empire mongol était alors au cœur des échanges internationaux.

 

Un pays tiraillé entre la Chine et la Russie

Après une longue domination chinoise, la Mongolie obtient son indépendance en 1911 avec l’aide de la Russie, la même année que le Tibet. Dans l’histoire moderne, elle a souvent été tiraillée entre les deux grandes puissances du continent asiatique. À son indépendance, le pays se rapproche de la Russie puis de l’URSS. La Mongolie ne pouvait rejoindre l’URSS du fait de son rôle d’État tampon entre les deux grandes puissances. Mais elle a été un grand allié des Soviétiques, notamment durant la Seconde Guerre mondiale, en leur fournissant des matières premières et des chevaux.

En 1949, les relations sino-mongoles s’améliorent après la victoire des communistes en Chine. Mais lors de la rupture sino-soviétique, la Mongolie s’aligne avec l’URSS. Elle demande l’envoi de troupes de l’Armée Rouge sur son territoire, ce qui crée à nouveau des tensions avec la Chine.

En 1990, la Mongolie change radicalement de régime et se tourne vers la démocratie. Elle s’éloigne alors politiquement autant de la Chine que de l’URSS. Mais elle maintient des relations économiques très importantes. Elle est dépendante de ses importations énergétiques depuis la Russie tout comme elle est dépendante de ses exportations de cuivre vers la Chine. Avec le rapprochement récent de la Chine et de la Russie, la Mongolie souhaite en profiter en s’y insérant. Elle aimerait être une étape des Nouvelles routes de la soie. Régulièrement, des sommets trilatéraux ont lieu avec ces trois pays pour favoriser leur coopération économique.

 

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La stratégie du troisième voisin

La Mongolie a tout de même lancé une politique de diversification de ses relations, à la fois politique et économique. L’objectif est de réduire sa dépendance envers ses deux voisins. Elle se traduit par la stratégie du troisième voisin. La Mongolie s’ouvre alors davantage à de nouveaux États, et principalement au Japon, mais aussi à la Corée du Sud et aux États-Unis. D’une moindre mesure, la Mongolie s’est également rapprochée de l’Europe, de l’Australie ou encore de l’Inde.

La stratégie consiste donc à se rapprocher de pays démocratiques et développés. Ces nouveaux partenaires doivent permettre à la Mongolie de réaliser deux objectifs. D’abord, le pays souhaite développer son économie tout en étant moins dépendant de ses deux premiers voisins. Ensuite, sur le plan politique, Oulan-Bator affirme sa volonté de préserver son modèle politique qui tend vers la démocratie tout en protégeant son indépendance et sa souveraineté.

Finalement, nous pouvons dire que cette politique étrangère contient des risques. En multipliant ses partenaires commerciaux, elle est davantage impactée par les conflits internationaux impliquant ses voisins. La Mongolie met en avant une politique de neutralité. Par exemple, l’État mongol vote neutre à la résolution de l’ONU condamnant la guerre en Ukraine et demandant le retrait immédiat des forces russes. Ici, le pays cherche à ne pas se mettre la Russie à dos. De la même manière, la Mongolie s’est éloignée diplomatiquement de la région du Tibet et de Taïwan pour satisfaire son voisin chinois. Le pays va même jusqu’à ne pas condamner les abus de Pékin en Mongolie Intérieure, région chinoise possédant une grande minorité mongole. Les politiques de diversification et de neutralité de la Mongolie sont donc toujours limitées par ses deux géants voisins.

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Alban Dantin
Actuellement en master à Sciences Po Bordeaux, j'ai d'abord fait deux ans de classe prépa littéraire A/L à Saint-Sernin (Toulouse).