L’élection de Javier Milei à la présidence de l’Argentine marque un tournant radical dans la politique du pays. Se définissant comme un “anarcho-capitaliste“, Javier Milei a promis de réduire l’État à ses fonctions régaliennes minimales, s’attaquant aux institutions et aux dépenses publiques, avec une ferveur rarement vue dans l’histoire récente du pays. Alors que Javier Milei prend ses fonctions, l’Argentine se trouve à un carrefour crucial, confrontée à des réformes profondes et potentiellement déstabilisatrices.
Une élection triomphante de Javier Milei
Le 19 novembre 2023, Javier Milei a remporté la présidence de l’Argentine avec 55,6 % des voix, une victoire décisive qui reflète une demande populaire de changement drastique. J.Milei, économiste de formation, a promis de transformer l’Argentine en réduisant considérablement le rôle de l’État. Cependant, cette victoire électorale ne garantit pas une mise en œuvre facile de son programme. Son parti, La Libertad Avanza, n’est que la troisième force politique du pays, avec seulement 38 sièges sur 257 au Congrès.
Cette fragmentation politique impose à J.Milei de négocier avec d’autres partis politiques pour faire avancer ses réformes. “L’Argentine entre dans un temps politique de transition assez bref qui conduira nécessairement à des négociations denses“, explique Frédéric Louault, professeur de science politique en Argentine. Le défi pour J.Milei est de transformer sa large victoire électorale en un soutien législatif suffisant pour mettre en œuvre ses réformes radicales.
Les premières réformes et leur impact
Dès son entrée en fonction, Javier Milei a commencé à appliquer son programme de réduction des dépenses publiques. La “tronçonneuse”, symbole de sa campagne, représentait son intention de “découper les institutions étatiques” et privatiser de nombreux secteurs. J.Milei a supprimé des ministères jugés non essentiels, comme celui de la Culture et des Affaires Sociales. Le but est de réduire les dépenses publiques. Cependant, cette approche a des conséquences graves pour les populations les plus vulnérables.
Depuis l’investiture de J.Milei, le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 44 % à 55 %, selon le Monde. Les cantines qui fournissent des repas aux communautés modestes ont été particulièrement touchées, laissant des milliers d’Argentins sans nourriture suffisante. L’inflation galopante et la suppression des aides sociales ont exacerbé la situation, entraînant des manifestations et des plaintes contre le gouvernement. L’OCDE prévoit une hausse des prix dans le pays à 250% en 2024 en raison d’une hausse importante de celle-ci fin 2023. Malgré ces difficultés, J.Milei reste convaincu que la loi du marché finira par résoudre ces problèmes.
Une des propositions les plus controversées de Javier Milei est la dollarisation de l’économie argentine. Il souhaite remplacer le peso par le dollar américain, qu’il a qualifié d'”excrément“. Cependant, cette réforme est difficile à réaliser. Les réserves de la banque centrale sont insuffisantes pour soutenir une telle transition. L’Argentine doit donc compter sur des investissements étrangers pour stabiliser son économie.
Les relations internationales de l’Argentine se complexifient
Les relations tendues avec la Chine et le Brésil, principaux partenaires commerciaux de l’Argentine, compliquent davantage la situation. Javier Milei a exprimé son mépris pour ces pays, qualifiant leurs dirigeants de “communistes corrompus“. Cette posture risque de compromettre les flux d’investissements nécessaires pour soutenir la dollarisation et autres réformes économiques.
Les relations entre l’Argentine et le Brésil sont tendues principalement en raison des déclarations et des positions politiques de Javier Milei. Tandis que J.Milei est un ultralibéral, le président brésilien Lula est un leader de gauche, ce qui crée une opposition idéologique. J.Milei a annoncé vouloir rompre les liens commerciaux avec des pays qu’il considère comme “communistes“. La Chine visée par ce propos est tout de même un partenaire commercial crucial, étant le premier importateur de soja argentin. D’après le Monde, cette filière représente 25 % des exportations du pays. Les positions de J.Milei menacent alors ces échanges vitaux et pourraient compromettre les investissements chinois en Argentine. De plus, pour dollariser l’économie, l’Argentine a besoin de réserves de dollars que les échanges avec la Chine fournissent. Détériorer ces relations pourrait compliquer encore davantage la situation économique de l’Argentine.
Le Brésil et la Chine, partenaires économiques majeurs de l’Argentine, sont-ils exclus des plans de J.Milei ? Cela poserait des défis économiques et diplomatiques significatifs dans la région.
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L’élection de Javier Milei représente une tentative audacieuse de transformer radicalement l’Argentine. La fragmentation politique, la résistance sociale et les relations internationales tendues rendent la mise en œuvre de son programme extrêmement complexe. Les prochains mois seront cruciaux pour déterminer si l’approche radicale de J.Milei peut réellement “reconstruire” l’Argentine ou si elle conduira à une instabilité accrue.
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