Misterprepa

L’Inde : l’éternel second ?

Sommaire

Pays le plus peuplé au monde avec près de 1,5 milliard d’habitants, l’Inde est aujourd’hui un pays au statut singulier. Souvent oublié et mis en marge des affaires internationales jusqu’à sa participation à la conférence de Bandung en 1955, le Bharat fait figure d’un géant difficilement contournable de nos jours. En plus de son poids démographique conséquent, la république indienne est en effet devenue une puissance économique et
diplomatique crédible, comme peut en témoigner sa place dans les BRICS depuis 2001. Forte d’une histoire particulièrement riche, la présence de l’Inde sur l’échiquier internationale est en revanche largement contrastée par son éternel adversaire qu’est l’Empire du Milieu.

Ainsi, il n’est pas rare de résumer l’Inde comme étant seulement un géant à la culture hindoue qui reste embourbé dans un conflit historique au Kashmir avec ses voisins chinois et pakistanais. Il s’agit donc ici de réellement comprendre ce pays aux dimensions pharaoniques qui, sous l’égide du Premier ministre actuel Narendra Modi, prend de plus en plus d’importance à échelle régionale et internationale, et qui veut être demain un leader.

 

Lire plus : L’émergence de l’Inde sur la scène spatiale

Indépendance & histoire récente : un récit unique

L’histoire de l’Inde est avant toute chose mêlée à celle du Pakistan et du Bangladesh. En effet, le sous-continent indien a pendant longtemps partagé ce territoire que l’on nommait autrefois “Les Indes”. Culture hindoue et musulmane se sont donc largement entremêlées pendant de nombreux siècles jusqu’à l’arrivée des Européens à l’aube du XVème siècle avec notamment les Portugais dans un premier temps puis les Anglais avec la création de la East India Company en 1600. Tandis que les affaires fleurissent pour les Européens sur le littoral, c’est bien dans les terres que les fondations de l’Inde moderne voient le jour, avec notamment la prospérité économique de l’Empire Moghol qui marquera à jamais le paysage de la région avec par exemple la construction du Taj Mahal. Le passage au XVIIIème siècle n’est pas sans conséquence pour le régime, qui fait face à plusieurs rivalités qui finissent par ébranler sa stabilité. Le contrôle économique et politique des Anglais se renforce donc, et s’étend sur d’autres provinces, au point où le régime colonial des Indes britanniques naît en 1858.

L’Empire britannique connaît son apogée, et la colonie devient alors le joyau de la Couronne. Les premières revendications indépendantistes ne tarderont pas cependant, puisque dès 1930 Gandhi entame la “marche du sel”. Manifestation non-violente, ce premier pas introduit le processus démocratique dans lequel les Indes britanniques se lanceront par la suite. C’est le 15 août 1947 que l’Empire des Indes britanniques devient indépendant, mais au prix d’une sauvage guerre religieuse et d’une scission entre Inde et Pakistan dans laquelle Gandhi y perd la vie. Nehru devient alors le nouveau visage de la plus grande démocratie du monde et la République de l’Inde est proclamée le 26 janvier 1950.

 

Lire plus : L’Inde : opportunité ou menace pour l’Asie

Des voisins dérangeants

Héritage de la tragique partition du Raj britannique en 1947, le dialogue avec le Pakistan est extrêmement tendu. Leurs différends les ont conduits à la guerre à plusieurs reprises : de 1948 à 1949, en 1965, dans les années 70 et en 1999. Les points de discorde sont nombreux : la question de la région du Kashmir, la course à l’arsenal nucléaire et enfin le soutien d’Islamabad aux courants islamistes. En fait, derrière chaque attentat revendiqué par les islamistes, l’Inde y voit l’influence du Pakistan. Par ailleurs, le rapprochement entre le Pakistan et la Chine inquiète sérieusement l’Inde. Ainsi, leurs relations ne font qu’osciller, entre période de dégel et période de regain de tensions.

L’intermédiaire américaine et la dissuasion nucléaire sont les deux seules raisons qui permettent d’empêcher une dégénération tragique de la situation. En ce qui concerne le Bangladesh, c’est la question de l’immigration qui vient crisper les relations entre les deux voisins. Le fort différentiel de développement encourage une immigration importante dont l’Inde veut se prémunir en construisant un mur de barbelés tout le long de la frontière. À une échelle plus large, la politique islamophobe menée par Modi et le BJP détériore les relations de l’Inde avec les grands pays musulmans d’Asie du Sud-Est, soit la Malaisie et l’Indonésie. L’Inde se retrouve donc, d’une certaine manière, à faire cavalier seul dans sa politique régionale tant les crises avec ses voisins sont fréquentes.

 

L’Inde, ou l’allié crédible contre l’Empire du Milieu

L’Inde semble s’affirmer comme puissance en Asie et développe ainsi une forme de rivalité avec la Chine. Cette volonté de l’Inde de vouloir proposer des alternatives à l’ordre mondial n’est pas nouvelle. En effet, elle a déjà porté cette idée de troisième voie par le passé. C’est l’ancien Premier ministre indien, Nehru, qui a initié l’idée de créer une force neutre durant la guerre froide lors de la conférence de Bandung en 1955. C’est un an plus tard, à Brioni, en Yougoslavie, que se tiendra une conférence entre Nasser, Nehru et Tito, un prélude à la création, en 1961, du mouvement des non-alignés. Ses similarités avec la Chine comme sa taille, sa démographie, et l’ancienneté de sa civilisation ainsi que ses divergences comme la différence dans les ressorts de croissance, font d’elle une potentielle rivale crédible.

Depuis un certain nombre d’années, on observe une ruée de certains pays asiatiques vers l’Inde car ils se sentent menacés par la Chine. Parmi eux, on retrouve notamment le Vietnam, avec qui l’Inde a développé un partenariat stratégique et entretient de solides relations commerciales ainsi que le second pilier démocratique du continent, le Japon, qui apporte à l’Inde les technologies et le savoir-faire pour accroître son niveau de développement. Quant à la Russie, elle joue sur deux tableaux et se sert avant tout de l’Inde comme un utile contre-poids face à la Chine. L’Inde a toujours cultivé une forme de complexe d’infériorité par rapport à la Chine mais il semblerait que les récentes interrogations concernant la viabilité du modèle chinois aient changé la donne et que cela ait encouragé l’Inde à défier la Chine. Les points de discorde avec l’Empire du Milieu tels que la fuite du Dalaï Lama du Tibet pour se réfugier en Inde et leurs différends frontaliers au niveau de Ladakh dans l’Himalaya ont également conduit l’Inde à vouloir s’imposer comme alternative à la Chine en Asie.

 

Lire plus : L’Inde ou le choix du multi alignement

 

Conclusion

Souvent caché par son imposant voisin chinois, l’Inde possède bien des atouts pour peser sur la scène internationale. Puissance nucléaire depuis 1974, les perspectives indiennes sont bien. plus prometteuses comparé à celles de Pékin.

En effet, les variables démographiques jouent en faveur de New Delhi, qui bénéficiera d’un dynamisme économique et d’une inertie que Pékin ne pourra avoir à long terme. S’affirmant de plus en plus comme une puissance numérique, Narendra Modi pourrait, par ailleurs, bientôt être un concurrent plus que crédible pour Xi Jinping en matière de nouvelles technologies. Les fondations de la puissance indienne sont donc plus que solides, et permettent à cette dernière de prendre des positions diplomatiques lourdes de sens, comme le révèle son choix de ne pas condamner la Russie à l’ONU suite à son attaque en Ukraine en février 2022. Héritage du non-alignement de Bandung, l’Inde n’hésite d’ailleurs pas à diversifier ses partenaires stratégiques, elle qui fait partie de l’alliance d’initiative américaine QUAD, et qui participe en même temps de manière active au développement des BRICS. Cette approche équilibrée des relations internationales dénote de la vision de ses turbulents voisins chinois et pakistanais, et donne le sentiment que l’Inde sera demain plus qu’une puissance subalterne.

 

Lire plus : L’Inde: développement et insertion dans la mondialisation

Nous remercions l’association GEM ONU, partenaire de Mister Prépa et ses rédacteurs Flora Jezequel et Thomas Richard pour l’écriture de cet article. 

Pour suivre les actus de GEM ONU, c’est ici que ça se passe :

Newsletter
Image de GEM ONU
GEM ONU