La persistance du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a connu une nouvelle intensité lors des combats de septembre 2023 dans la région du Haut-Karabakh. Le 19 septembre, Bakou, sous le couvert d’une rhétorique d’« opération antiterroriste », engage une nouvelle offensive, qui signe la fin du blocus qui étranglait la région depuis décembre 2022. Cette manœuvre, présentée par le gouvernement d’Ilham Aliyev comme nécessaire pour rétablir l’ordre, avait pour but ultime de reprendre le contrôle total de la république autoproclamée d’Artsakh, fragmentée déjà lors de la guerre de 2020.
Le Haut-Karabakh en flammes, chronique du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ravivé par des forces bien plus vastes
Cette campagne militaire menée par l’Azerbaidjan ne se situe pas simplement dans la lignée des affrontements arméno-azerbaïdjanais, mais incarne la plus récente réincarnation de tensions ethniques enracinées, dont les braises furent attisées dans le chaos post-soviétique des années 1980.
Les Arméniens, majoritaires dans cette enclave, avaient à l’époque tenté de se détacher de l’Azerbaïdjan pour s’unir à la mère patrie arménienne, déclenchant une guerre d’une brutalité sourde. En 1994, l’Arménie sortait victorieuse, assurant son contrôle sur la majeure partie du Haut-Karabakh et des territoires alentours, malgré une reconnaissance internationale des frontières de l’Azerbaïdjan. Et pourtant, ces victoires restèrent inachevées, instables, ne débouchant jamais sur une paix durable. Le conflit a perduré, ponctué par des accrochages réguliers, jusqu’à ce que la guerre de 2020 reconfigure la carte du pouvoir régional, offrant à Bakou l’occasion de récupérer une part de ses territoires, grâce à un cessez-le-feu fragile, sous l’égide bienveillante mais lointaine de Moscou.
L’ombre portée de la guerre en Ukraine et ses répercussions sur le Haut-Karabakh
Les dernières flambées de violence au Haut-Karabakh se sont inscrites dans un contexte géopolitique altéré par la guerre en Ukraine, où la Russie, jadis perçue comme un garant de la sécurité arménienne, s’est retrouvée embourbée dans ses propres défis. L’implication militaire de Moscou sur le front ukrainien a érodé son influence dans le Caucase, créant un vide stratégique qu’Aliyev n’a pas tardé à exploiter. Le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan lançait donc son offensive, arguant qu’elle répondait à une explosion ayant coûté la vie à plusieurs soldats azerbaïdjanais, imputée aux séparatistes arméniens. Ce fut une attaque implacable, marquée par des bombardements d’une intensité rare et l’utilisation de drones kamikazes israéliens et turcs, dont la violence s’abattit sur Stepanakert, ancienne capitale de l’Artsakh arménien.
Le lendemain, le 20 septembre, les forces séparatistes faiblissaient, contraintes à déposer les armes, scellant un cessez-le-feu qui ouvrait la voie à des négociations dès le 21. Mais ce ne fut qu’un début. Le 28 septembre, Samvel Chakhramanian, président de cette république désormais dissoute, annonçait la fin de l’Artsakh, dont la disparition officielle serait actée au 1er janvier 2024. Déjà, la population locale, accablée, fuyait en masse vers l’Arménie, dans un exode aussi symbolique que tragique.
Regards internationaux croisés sur le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaidjan
Face à cette nouvelle phase du conflit, les grandes puissances se sont positionnées avec des angles et des intérêts divers. La France, fidèle à son soutien traditionnel envers l’Arménie, a immédiatement condamné l’offensive azerbaïdjanaise, demandant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU. Les États-Unis et l’Union européenne, quant à eux, se sont montrés plus circonspects, soucieux de ne pas froisser l’Azerbaïdjan, tout en soulignant la nécessité de stabiliser cette région au bord du précipice. L’Iran, inquiet de l’influence croissante de la Turquie en Azerbaïdjan, a renforcé sa présence militaire près de ses frontières et a offert de jouer un rôle de médiateur dans ce jeu complexe. Israël, de son côté, a poursuivi son soutien militaire envers Bakou, apportant des technologies de pointe et des renseignements, accentuant les tensions dans la région.
Ces diverses prises de position dessinent un tableau où chaque acteur, par ses choix, contribue à un équilibre toujours précaire, où les ambitions nationales se heurtent aux impératifs géopolitiques.
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La France, un acteur central, mais contesté par l’Azerbaidjan
Le rôle de la France dans ce conflit ne se limite pas à une simple posture diplomatique. Historiquement proche de l’Arménie, Paris accuse Bakou d’ingérence dans ses affaires intérieures, notamment en Nouvelle-Calédonie. Cette accusation est d’autant plus significative qu’elle fait écho à des tensions plus larges, où l’Azerbaïdjan est accusé de soutenir des mouvements indépendantistes kanaks, dans une tentative d’affaiblir l’influence française dans cette région du Pacifique. Cette stratégie, visant à défier l’héritage colonial de la France, s’accompagne de campagnes de désinformation orchestrées par Bakou, qui ont même conduit à l’annulation symbolique du passage de la flamme olympique en Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, à travers ce prisme, les affrontements dans le Caucase révèlent aussi un conflit plus large, où les ambitions de l’Azerbaïdjan défient directement la France sur plusieurs fronts.
Un conflit local, aux résonances mondiales : comment utiliser le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en dissertation ?
La reprise des hostilités au Haut-Karabakh, comme les tensions diplomatiques croissantes entre Paris et Bakou, n’est que les symptômes visibles d’un mal plus profond. Elles montrent comment des conflits d’apparence régionale s’entrelacent avec des enjeux géopolitiques d’une portée bien plus vaste. À la lumière des événements récents, ces dynamiques complexes méritent une attention soutenue dans toute analyse des relations internationales. Elles interrogent sur la nature des pouvoirs régionaux, sur l’impact de conflits distants, comme la guerre en Ukraine, sur la sécurité globale, et sur la reconfiguration continue des alliances. Plus encore, elles soulignent la nécessité de mécanismes internationaux robustes, pour prévenir de futures escalades, dans un monde où les conflits gelés semblent destinés à ressurgir à chaque changement d’équilibre.
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