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Elections américaines 2020, vers un renouvellement du positionnement géopolitique des USA ?

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Le 8 Novembre 2016, malgré les sondages et les polémiques qui le désignaient perdant d’avance, Donald Trump, candidat républicain, accède au rang de 45ème président des Etats-Unis d’Amérique. Débute alors une certaine reconfiguration des orientations politiques américaines tout au long de ce mandat de 4 ans. Si ces changements s’observent assez précisément à l’échelle interne, notamment avec des coups d’éclat tels que l’abrogation de l’ObamaCare, il convient d’examiner particulièrement les évolutions adoptées au plan international. En effet, à ce niveau, on constate autant une rupture qu’une continuité avec une conception typiquement américaine des relations internationales. Au regard de ces conclusions, il faut interroger l’importance d’une alternance partisane à l’issue des prochaines élections du 3 Novembre 2020.

A la lumière de son administration au cours de ces quatre années écoulées, il transparaît une certaine régression dans la posture américaine aux yeux des observateurs ; cependant, il ne faut pas non plus perdre de vue le poids d’une certaine “dépendance au sentier” dans la conduite trumpienne de la politique étrangère américaine. En effet, son mandat marque la consécration d’un positionnement mondial à contre-courant de ses prédécesseurs directs. A l’éloge d’un modèle démocratique déclamée par Obama, Trump y oppose un déni manifeste de ces valeurs fondamentales dans l’équilibre multilatéral mondial en embrassant un réalisme populiste, pragmatique et pratique. A l’interventionnisme de Bush, Trump y substitue un comportement résolument isolationniste voire nationaliste que son slogan “America First” illustre parfaitement. Dans le concret, cet engagement se traduit par une profonde révision de la place des USA dans l’échiquier international : en annonçant son retrait de nombreux accords et institutions multilatérales, Trump fait le pari d’un recroquevillement national et d’un abandon de cette fameuse “destinée manifeste” qui sous-tendait l’activité des USA comme “gendarmes du monde”. Si on regarde de plus près, cette remise en cause des bases d’un ordre international fondé sur la paix et la diplomatie – et impulsé sinon instrumentalisé par les USA à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale – sert un souhait du dernier président en date de privilégier les intérêts américains par la voie plus traditionnelle du bilatéralisme voire d’un unilatéralisme reposant sur la puissance américaine. Ainsi, des décisions audacieuses et controversées politiquement, comme le retrait des Accords de Paris, de l’UNESCO ou du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, questionnent sur la tournure manifestement contraire au multilatéralisme des Etats-Unis et, si dire qu’elle prive le monde d’un leadership dans la route à suivre semble exagéré, du moins, cette posture américaine légitime les dynamiques centrifuges au sein des forums mondiaux.

 

Pourtant, une telle attitude demeure malgré tout cohérente, tant dans la politique de Trump que dans la tradition idéologique américaine en général. Les rapports tendus entretenus avec la Corée du Nord et l’Iran sur les questions nucléaires mais également les tensions commerciales avec l’UE, la Chine ou la Russie soulignent un ensemble de relations où le bilatéralisme a été privilégié. Alors qu’on dispose d’instances de négociations internationales, la question est : pourquoi ? Tout simplement parce que les intérêts américains n’y étaient plus reflétés ou plutôt ne disposaient pas d’une base de soutiens suffisante. D’où un recul de la participation multilatérale de la superpuissance afin de recentrer dans le giron national ses efforts. Ainsi, pour optimiser son poids dans les affaires menaçant ses intérêts, le choix du “tête à tête” dans les négociations assure un rééquilibrage du rapport de force au profit de l”hégémon” que représente les USA et concorde avec un positionnement historique du pays à se mêler de ses propres problèmes et à ne saisir des membres de la communauté international seulement lorsque ces derniers peuvent contribuer ou dérangent son “business”.

Par conséquent, la question des élections présidentielles revêt une dimension cruciale pour la (re)définition du rôle international des Etats-Unis. En toute logique, ces comportements divergents d’une administration à l’autre démontrent la plasticité de cette place américaine sur la scène mondiale. Deux approches du devenir des USA s’affrontent ici : d’un côté, Trump s’enracine dans une logique de virulente compétition économique s’exprimant par la coercition (sanctions financières, contrôles à l’exportation) et il entend accentuer cette dynamique de géopolitique d’essence transactionnelle forte où la concurrence entre puissance devient un nouveau référent au détriment des fora multilatéraux. De l’autre côté, Biden promet un retour à une gestion plus coopérative et multilatérale dans des domaines clés par le maintien d’une inscription dans les instances internationales et une production normative plus délibérative, permettant aux industries de co-construire les règlements et de ne plus les subir comme bien souvent sous l’administration Trump. Pourtant, au-delà des méthodes, les objectifs des deux candidats convergent et témoignent d’une cohérence dans la continuité politique américaine. En effet, les frictions internationales induites par la présidence Trump ont durablement érodé la crédibilité américaine vis-à-vis d’engagements à long terme. Aussi, dans l’hypothèse d’une victoire du candidat démocrate Biden, des points d’inertie subsistent, comme annoncé par le parti d’ailleurs : la préservation d’une ligne dure contre la Chine, une renégociation des rapports avec les partenaires stratégiques traditionnels, la priorité du développement national dans la politique commerciale au détriment de nouveaux accords … etc. En somme, le but est partagé et seules les modalités d’exécution pour y parvenir s’opposent (unilatéralisme vs multilatéralisme).

En conclusion, on peut dire que sur le plan géopolitique, étant donné la pluralité des pratiques et des interprétations sur le spectre présidentiel américain, les transformations apportées par une présidence s’avèrent sensibles et façonnent l’exercice du pouvoir au-delà de la sphère nationale. Aussi, l’avenir des USA sur la scène internationale dépendra de l’issue des scrutins le 3 Novembre : sa forme comme ses ambitions mondiales découleront plus d’une différence d’approches que d’objectifs et les résultats ne seront pas conditionnés uniquement par un respect plus ou moins conforme à une continuité ou une tradition mais aussi par les contingences internationales.

 

GIANNINI Romain membre de l’association European Horizons Toulouse

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Dorian Zerroudi
Co-fondateur d'elevenact (Mister Prépa, Planète Grandes Ecoles...), j'ai à coeur d'accompagner un maximum d'étudiants vers la réussite !