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Les conflits israélo-arabes (4/5) : de 1973 aux accords d’Oslo

Sommaire

Pour lire l’article précédent : Les conflits israélo-arabes (3/5) : de la guerre des Six Jours à la guerre du Kippour

1973-1993 : Un conflit toujours latent, malgré les tentatives de réconciliation

Des tentatives de réconciliation

Les accords de Camp David
Une négociation générale s’ouvre à Genève en décembre 1973 pour mettre fin au conflit israélo-arabe. Mais les voix arabes sont unanimes face à Israël : le VIe sommet arabe d’Alger (26-28 novembre 1973) réitère les conditions de la pacification : libération totale des terres conquises en 1967, libération de Jérusalem-Est ainsi que rétablissement des droits nationaux des Palestiniens. Ce sommet, symbole de l’unité arabe, érige un programme d’action global, qui dépasse les frontières du Moyen-Orient, témoignant de l’intérêt porté par les Etats extérieurs à cette région ainsi que la force des liens qui l’unit au reste du monde.
A l’égard de l’Europe occidentale, le sommet exige la fin du soutien économique et militaire à Israël et la suppression de l’embargo sur les ventes d’armes aux pays arabes. Envers les Etats-Unis, il demande une meilleure prise en considération de la cause arabe. Envers les pays de l’Est, il réitère la nécessité de leur soutien à la cause arabe et de la poursuite des fournitures d’armes.
Néanmoins un élan vers la paix s’esquisse. Il est d’abord marqué par l’accession à la présidence de l’Egypte d’Anouar el Sadate en 1970, qui décide de se rapprocher d’Israël, et ce alors même qu’il avait lancé la guerre du Kippour dans le but de faire sortir l’Egypte de son sous-développement et de son isolement sur la scène internationale. C’est ensuite l’action des Etats-Unis qui permet le rapprochement israélo-arabe. L’action du président Jimmy Carter, élu en 1977, est significative : il apporte une aide financière à Israël d’1,7 milliards de dollars puis engage les pourparlers entre les parties en février 1977. Mais Israël refuse tout entretien avec l’OLP et le 16 mars 1977, Carter répond que la question palestinienne doit être résolue et que les réfugiés doivent avoir une terre. Pour lui, les négociations doivent porter sur la paix, les frontières et le sort des réfugiés.
Anouar el Sadate se fait alors l’homme de la réconciliation et se rend, le 19 novembre 1977, à Jérusalem, reconnaissant de facto l’Etat d’Israël et prononce un discours à la tribune du Knesset, le Parlement d’Israël.
Ce rapprochement entre l’Egypte et Israël, encouragé par les Etats-Unis, aboutit finalement aux accords de Camp David, conclus en septembre 1978. Ils sont le fruit de la volonté de deux hommes, Anouar el Sadate et Menahem Begin, sous l’égide du président Carter.
Deux accords sont signés :

  • Le premier comporte deux volets, lesquels ne seront jamais appliqués : d‘une part, un plan d’autonomie sur cinq ans des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, qu’Israël s’engage à mettre en œuvre notamment à travers des élections municipales, d‘autre part, un processus de reconnaissance de l’État hébreu par les autres États arabes voisins.
  • Le second accord porte sur les arrangements et modalités spécifiques de la paix entre l’Egypte et Israël.

L’échec des réconciliations
Dès 1977, les efforts de conciliation semblent compromis. Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, un gouvernement de droite est élu, celui de Menahem Begin (Likoud). Le gouvernement Begin légalise les expropriations en Cisjordanie (alors territoire occupé), ce qui constitue un nouveau pas vers l’annexion. C’est donc sans surprise qu’après l’annexion symbolique, marquée par la destruction d’une partie du quartier des Maghrébins, celle-ci s’étend au niveau juridique avec la dissolution de la mairie. Cette combinaison du légal et du symbolique aboutit à la prise de contrôle totale de Jérusalem par Israël le 30 juillet 1980.  
La loi votée ce jour-là marque une rupture profonde avec ce qui précède. L’utopie de la coexistence pacifique entre Israéliens et Arabes, formulée notamment par T. Herzl lui-même, est enterrée : le temps où les Israéliens espéraient réellement pouvoir intégrer les Palestiniens dans l’Etat hébreu est, avec cette loi, révolu, celle-ci mettant fin à toute négociation sur le sort des territoires occupés.
L’Egypte est rapidement condamnée par le monde arabe, notamment par l’OLP : le 19 septembre 1978, peu après la fin des négociations de Camp David, celle-ci condamne la « reddition » de Sadate et son passage du côté des intérêts américano-israéliens. Au cours des pourparlers, Israël manifeste ses velléités d’annexion. De plus, les pays du Golfe condamnent l’absence de la participation aux négociations de l’OLP et le manque de clarté des accords concernant Jérusalem. Lors du IXe sommet arabe (2-5 novembre à Bagdad), en l’absence de l’Egypte, les accords de Camp David sont rejetés à l’unanimité.
Sadate est assassiné en 1981 par des soldats islamistes et la révolution islamique iranienne de 1979 institue la première République islamique de l’histoire avec l’émergence de l’islamisme comme moteur identitaire , qui trouve par ailleurs d’autant plus d’influence du fait des échecs rencontrés par les Etats arabes face à Israël.
Il faut de plus voir dans les dissidences face à l’approche palestinienne plus pacifiste d’Arafat les signes de l’impossibilité d’un quelconque apaisement. Des groupes radicaux comme le Front Populaire de Libération de la Palestine, le Front populaire de Libération de la Palestine-Commandement général (une dissidence de la première) puis le Front de Libération Arabe sont autant d’entraves à la réconciliation entre Israéliens et Palestiniens. Ainsi, en 1974, le FPLP-CG lance des raids sur Israël, suivi par un commando de l’OLP en 1975. Suite à ces attaques, Israël se fait intransigeant dans la condamnation et la répression malgré les efforts d’Arafat pour se dédouaner de ces actes. Des tentatives d’assassinat sont par ailleurs perpétrées contre Arafat : en 1982, au Liban, une bombe israélienne détruit l’immeuble dont il venait de sortir ainsi qu’en 1985 lors du bombardement du siège de l’OLP à Tunis.
L’accentuation du terrorisme et des violences entre 1967 et 1993
L’OLP fait du terrorisme son arme principale dès sa création en 1964 : le détournement en 1968 d’un avion de la compagnie israélienne El Al sur l’aéroport d’Athènes, l’explosion en plein vol d’un avion de Swissair à destination de Tel-Aviv (47 morts) sont quelques exemples des actions menées contre Israël.
Après la Guerre des Six Jours, les actes terroristes se multiplient. La bombe déposée dans un cinéma à Tel-Aviv en 1970 ou bien les détournements d’avions qu’utilise majoritairement le FPLP cristallisent les tensions. La prise d’otages puis l’assassinat des athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de septembre 1792 par le groupe Septembre Noir – une organisation terroriste composée en majeure partie d’anciens membres dissidents du Fatah qui s’étaient réunis après les évènements dits du Septembre noir (les attaques commandités dans le royaume hachémite par le roi Hussein de Jordanie contre les membres de l’OLP en 1970) – est un point de non-retour du fait de son caractère traumatique pour Israël, en partie dû à son intense médiatisation. Israël répond avec une violence égale par l’opération « Colère de Dieu » : l’assassinat de toutes les personnes plus ou moins impliquées dans ce « massacre de Munich » : cette opération s’étale sur une vingtaine d’années et les forces du Mossad – les services secrets israéliens – agissent dans toute l’Europe.
Les massacres de Sabra et Chatila, deux camps de réfugiés Palestiniens aux abords de Beyrouth, sont des symboles marquants des vives tensions évoquées. Les 16 et 17 septembre 1982, les Phalanges chrétiennes – un des groupes politiques belligérants dans la guerre civile du Liban qui dure de 1975 à 1990 et provoquera la mort de 130 000 à 250 000 civils – pénètrent dans ces camps et massacrent 900 civils Palestiniens.
Les massacres se déroulent dans une zone sous contrôle israélien – Israël étant engagée dans le conflit à partir du 6 juin 1982 et de l’opération « Paix en Galilée », lancée sous le prétexte de la tentative d’assassinat de l’ambassadeur israélien au Liban Shlomo Argov par l’OLP (qui n’a en réalité rien à voir avec cette tentative) – et l’armée israélienne aurait dû protéger ces camps. Cette affaire a d’importantes conséquences mémorielles car profondément ancrée dans la mémoire du conflit israélo-arabe et dans l’argumentation des forces palestiniennes, avec notamment l’incrimination d’Ariel Sharon. Il y a eu d’autres massacres dans des camps de réfugiés palestiniens, mais celui-ci a le poids mnésique le plus important, principalement du fait de l’incrimination directe de Tsahal.

Les accords d’Oslo : la fin des conflits ?

La première intifada et les conflits qui s’en suivent
Teddy Kollek, maire de Jérusalem qui a lutté pour l’intégration pendant plus de vingt ans, peut dire en 1987 : « La coexistence est morte ».
La première intifada (« soulèvement ») éclate le 9 décembre 1987 dans un camp de réfugiés de la bande de Gaza. On donne comme élément déclencheur la mort de réfugiés palestiniens, écrasés par une camionnette. Mais, plus profondément, la cause est politique. La Palestine n’est pas, pour la première fois, à l’ordre du jour prioritaire au sommet de l’Aman, ce qui semble être un signe de l’abandon de la lutte par les Etats arabes. L’intifada est alors un moyen de redonner de l’importance à la cause palestinienne. Cette révolte n’est donc pas seulement dirigée contre Israël mais l’est également en partie contre les Etats arabes voisins. 
Les cadres dirigeants de l’OLP (dont Yasser Arafat) étant en exil à Tunis, le mouvement est récupéré par des mouvements islamistes émergents, le Hamas et le Jihad islamique, créés en 1988. Et alors qu’Hussein de Jordanie tente de reprendre pied dans les affaires civiles de Cisjordanie, ses officiers sont chassés ou abattus. En résulte sa décision de renoncer, dès juillet 1988, à toute gestion de la Cisjordanie, ce qui pose la question du statut de ce territoire qui n’appartient ni aux Jordaniens ni aux Israéliens.
Cette intifada ravive la question palestinienne : on y voit la détermination de toute la population palestinienne, et en particulier des plus jeunes, acteurs majeurs du soulèvement, à voir leur souveraineté reconnue, détermination qui oblige à reconsidérer le statut palestinien. Les accords intérimaires d’Oslo, en 1993, sont l’une des conséquences indirectes de ce mouvement.
A ce soulèvement général s’ajoute un sentiment de faiblesse accrue d’Israël puisque, la forte démographie arabe n’étant plus compensée par l’émigration sioniste (l’Alya), la population juive de la ville ainsi que de la Palestine diminuent légèrement en proportion. Cela incite les autorités israéliennes à installer des colonies, à exproprier, pour éviter qu’à long terme les palestiniens soient majoritaires, provoquant une radicalisation des deux côtés et un regain de terrorisme.
En novembre 1988 est proclamée l’indépendance de l’Etat palestinien par Yasser Arafat, dont il est élu Président par le Conseil National palestinien, avec Jérusalem pour capitale : celui qui en 1967 avait été reçu avec indifférence par la population bénéficie donc de son soutien. Dans le même temps, l’OLP reconnaît la résolution 181 des Nations unies qui consacre le partage de la Palestine en deux Etats. En 1989, Arafat persiste en déclarant caduque la charte de l’OLP qui affirmait que la lutte armée était la seule voie possible pour la libération de la Palestine.
On assiste donc à l’institutionnalisation des organisations palestiniennes, mais celles-ci sont rapidement concurrencées par des mouvements tels que le Hamas ou le Jihad islamique, violents et terroristes.
Les accords d’Oslo
Convaincu que la conjoncture internationale est favorable à Israël, le ministère des Affaires Etrangères israélien, Shimon Peres, parvient à convaincre le Premier ministre Yitzhak Rabin de donner une impulsion décisive au processus en négociant directement avec la centrale palestinienne. Des pourparlers secrets débutent près d’Oslo, fin 1992 et début 1993, entre émissaires israéliens et palestiniens. Le 9 septembre 1993, Rabin et Arafat échangent des lettres de reconnaissance officielle et, le 13, sur la pelouse de la Maison-Blanche, les deux ennemis se serrent la main. Mais une fois passée cette cérémonie spectaculaire, il faut négocier secrètement. Oslo n’est pas un accord de paix : c’est un accord intérimaire, de mise en œuvre par étapes d’un processus de conciliation.
Au terme de ce processus, les avancées semblent importantes : non seulement l’OLP reconnait l’Etat d’Israël, mais l’Etat d’Israël reconnaît l’autorité palestinienne et consent à lui accorder prochainement un gouvernement autonome, tout d’abord à Jéricho en Cisjordanie et sur la bande de Gaza. Cependant, l’espoir de paix tourne court avec l’assassinat d’Yitzhak Rabin le 4 novembre 1995 par Ygal Amir, un jeune étudiant nationaliste israélien.
Le prix Nobel de la paix reçu par Arafat et ses partenaires de l’accord d’Oslo en 1994 ne suffit pas à garantir cette paix, qui semble bien être mort-née.
Bibliographie : 
Si vous souhaitez en lire plus sur ce sujet, voici les quelques références sur lesquelles je me suis appuyé pour écrire ces quatre premiers articles.
Dieckhoff, Alain. Le conflit israélo-arabe. Armand Colin, 2011.
Martinez, Gilles, et Thierry Scotto di Covella. Le conflit israélo-arabe des origines à nos jours. Seuil, 1997.
Massoulié, François. Les conflits du Proche-Orient. Ed. mise à jour, Casterman, 1994.
Weinstock, Nathan. Terre promise, trop promise: genèse du conflit israélo-palestinien, 1882-1948. Jacob, 2011.

Lire les articles précédents : 

Partie 1 : Les conflits israélo-arabes (1/5) : des origines à la guerre de création

Partie 2 : Les conflits israélo-arabes (2/5) : de la création d’Israël à la crise de Suez

Partie 3 : Les conflits israélo-arabes (3/5) : de la guerre des Six Jours à la guerre du Kippour

 
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Clément Fontanarava