Alors oui, on a déjà très certainement dû vous parler de « géopolitique du football » concernant le sport moderne ou même de « mondialisation du football » et vous avez déjà dû trouver ce concept on ne peut plus alambiqué et peu facile à ressortir dans une copie d’HGGMC durant vos années de classe préparatoire et encore moins aux concours. Pour autant, je vais vous montrer aujourd’hui qu’un autre sport peut aussi très bien se voir appliquer ces différents concepts et appellations en la personne de la Formule 1, catégorie reine de la course automobile regroupant sur un circuit mondial annuel les tous meilleurs pilotes du monde au sein de prestigieuses écuries (Mercedes, Red Bull, Ferrari…). A vos marques, prêts, partez !
Une Formule 1 de plus en plus mondialisée
C’est un fait : la F1 est avant tout un sport développé à l’origine dans l’hémisphère nord. Ainsi, si l’on regarde le palmarès du championnat depuis sa création en 1950, seuls cinq pilotes du sud ont pu inscrire leur nom au palmarès de ce mythique championnat qui sacre presque tous les ans un pilote venu d’un pays traditionnel de la course automobile (Grande Bretagne, Allemagne, Italie…) Au niveau des écuries, cette inégalité est encore plus claire. Voyez plutôt : jamais un constructeur basé dans un pays dit « du sud » n’a pu remporter ce prestigieux championnat. En plus de soixante-dix ans, avouez que ça fait désordre.
Mais ce temps est à présent révolu (du moins en partie). Ces dernières années, de nombreux pilotes venus de pays émergents de la Formule 1 ont pu obtenir une place sur la grille du championnat. Montrons en effet que cette année participaient au championnat un mexicain (Sergio Pérez chez Red Bull) et un Japonais (Yuki Tsunoda chez Alpha Tauri), pays habituellement très peu représentés dans ce championnat. Cette mondialisation de la Formule 1 est aussi visible au niveau des circuits où se déroulent les courses. Jusqu’à il y a peu, ceux-ci étaient en très grande majorité basés en Europe, mais désormais le championnat de Formule 1 fait escale aux quatre coins du monde. Cette année, l’Arabie Saoudite, le Qatar, les États-Unis, la Russie, le Mexique ou encore la Chine ont accueilli un grand prix. Cette dernière décennie, l’Inde ou encore le Vietnam ont également eu cette chance. Même les écuries se délocalisent aux quatre coins du monde. L’écurie Force India a par exemple tenu le haut de l’affiche pendant de nombreuses années au milieu de la décennie passée.
Une Formule 1 où les intérêts économiques priment sur les performances sportives, symbole des dérives de la mondialisation
On reproche souvent à la mondialisation de dénaturer les relations entre entités. C’est on ne peut plus vrai en F1 où désormais l’appât du gain prime sur le talent du pilote. En effet, de plus en plus de pilotes (qualifiés à ce titre de « pilotes payants ») entre sur la grille du championnat car ils apportent avec eux un riche sponsor ou les fonds de leur famille pour aider l’écurie qui les engage à se développer.
Cette situation a explosé au grand jour en France concernant l’écurie Force India il y a quelques années lorsque l’éviction du français Esteban Ocon a défrayé la chronique. En effet, l’écurie indienne à la recherche de fond allait être rachetée par le milliardaire canadien Lawrence Stroll. Celui-ci annonça très rapidement qu’il ne conserverait qu’un seul des deux pilotes qui étaient à l’époque titulaires chez Force India : le français ou Sergio Perez. Le Mexicain fut finalement maintenu à son poste malgré des performances plus qu’en demi-teinte… car il apportait à l’écurie un sponsor majeur. Comble de l’ironie dans cette triste affaire, devinez qui était le fameux nouvel arrivant à la place du français…. Tout simplement le fils du nouveau grand patron : Lance Stroll.
Si certains de ces « pilotes payants » ont depuis montré qu’il ne fallait pas tomber trop rapidement dans les jugements caricaturaux et qu’on pouvait très bien être “pistonné” mais pour autant performant (Stroll et Perez ont su montrer une certaine efficacité notamment), d’autres par contre ont été des échecs cuisant pour leurs écuries comme le thaïlandais Alexander Albon (Toro Rosso puis Red Bull et cette saison Williams) ou encore le russe Nikita Mazepin (pilote chez Haas F1 Motorsport), très rapidement renommé « Mazespin » dans le paddock pour sa capacité à faire partir sa voiture dans le mur quasiment à chaque virage.
Une lutte entre états autour de la Formule 1, vers une véritable géopolitique du sport ?
Il y a peu on l’a dit, les circuits de Formule 1 étaient encore profondément ancrée en Europe. Le championnat faisait une escale à Melbourne en Australie et à Interlagos au Brésil, et c’était à peu près tout concernant les sorties hors du vieux continent. Mais désormais les escapades se multiplient on l’a dit plus haut dans cet article et un vrai dilemme se crée pour les organisateurs : privilégier les circuits historiques de la F1 (Spa-Francorchamps en Belgique, Silverstone en Angleterre…) ou céder à la tentation de destinations exotiques prêtes à mettre sur la table des cachets bien plus attrayants que leurs homologues européens. Bref, avoir un circuit de F1 est un excellent moyen pour gagner de l’influence et du soft power, les pays émergents l’ont bien compris et tentent de gagner leur place au soleil en en délogeant les puissances traditionnelles de la F1, qui sont comme par hasard également celles traditionnelles de la mondialisation !
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