Dans cet article, nous nous intéresserons à votre nouveau thème de CG : le monde. Nous verrons comment la vision du monde est passée d’un tout parfait et harmonieux où chaque homme a sa place à un monde dispersé et infini où l’homme devient un individu perdu au milieu de cette immensité.
Le monde comme une totalité ordonnée et harmonieuse
Pendant l’Antiquité, on pense le monde comme une totalité ordonnée et harmonieuse. C’est ce qu’on appelle le cosmos (qui s’oppose au chaos).
- Le monde est perçu comme une totalité dans le sens où il est fini et limité. En effet, dans l’Antiquité, tout ce qui est achevé est considéré comme accompli et donc comme parfait.
- Le monde est ordonné. Il est rationnel et intelligent, ce n‘est pas le fruit du hasard, chaque élément a une raison et rien n’est arbitraire.
- Le monde est harmonieux dans le sens où chaque élément a sa place et son rôle, et que chaque partie du cosmos est complémentaire permettant de former un tout organique.
Les Grecs définissent donc le monde comme un rapport d’interdépendance entre chacune de ces parties, il s’agit d’une perception holiste ou chaque élément a un rôle à jouer et à accomplir dans l’organisme auquel il appartient. Le monde est organique (qui s’oppose à mécanique), c’est-à-dire que chacune de ses composantes est indispensable à son existence et fonctionnement.
L’homme comme animal politique
Évidemment, cette perception du monde impacte les représentations de l’homme ainsi que sa place dans le monde. L’homme qui appartient au monde pensé comme le cosmos est un être qui a un rôle prédéfini à accomplir. Dès lors, la valeur de l’être est donc relative à sa fonction. Par exemple, la valeur d’un esclave en tant qu’individu n’existe pas, son identité est d’être esclave. Il est donc impossible d’avoir une conception individualiste de l’homme. Aristote dans La politiquepense que « l’homme est un animal politique », l’homme est un vivant (« animal ») fait pour vivre en communauté ou chacun a son identité et un rôle à jouer dans le monde qui est alors perçu comme une communauté (« politique »).
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Le monde devient infini
Au XVIème siècle, les découvertes scientifiques coperniciennes puis galiléennes permettent de faire émerger une nouvelle vison du monde. Dans un premier temps, on assiste au passage d’une conception géocentrique du monde à une conception héliocentrique. On réalise que la Terre n’est pas le centre du monde et que c’est finalement le soleil qui en est le centre. Dans un deuxième temps, au XVIIème siècle, Galilée découvre finalement qu’il n’y a même pas de centre, ni de périphérie : le monde n’est pas limité comme pouvaient penser les Grecs. L’espace est indéfini voire radicalement infini.
Dès lors, émerge une nouvelle vision anthropologique. La découverte du caractère infini du monde abolit alors l’ensemble des repères que l’homme pouvait avoir. Par exemple, il n’y a plus de gauche ni de droite, tout devient relatif. C’est donc une source d’angoisse, de questionnements pour l’homme et même de remise en question de la religion.
Une première attitude face à cette nouvelle vision du monde est le désespoir que l’on peut retrouver dans Les Pensées de Pascal. Il déplore la « disproportion de l’homme dans le monde » et évoque « la misère de l’homme sans Dieu ». Pascal, étant croyant, questionne fondamentalement le sens du monde et appelle donc l’homme à croire en Dieu pour donner un sens à la vie. En effet, sans foi, le monde est froid et rationnel, et l’homme n’y trouve évidemment plus sa place.
Le monde n’est plus une « belle totalité » mais un infini, il n’est plus esthétique mais mathématique. En effet, envisager le monde sous le regard de la beauté n’est qu’une vision mythologique ou philosophique, or le monde n’est plus que matière et c’est pourquoi la deuxième attitude face à ce constat est technicienne et est de vouloir déchiffrer le monde. En effet, selon Galilée « tout le grand livre de la nature est écrit en langage mathématique ». C’est-à-dire que le monde peut s’étudier grâce à des raisonnements logiques, on pourrait calculer, anticiper et comprendre comment les évènements s’enchaînent les uns les autres. Il ne s’agit donc plus de contempler la nature mais de la déchiffrer et même de se « rendre comme maître et possesseur de la nature » (Descartes, Discours sur la méthode).
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Révolution anthropologique
Évidemment, l’homme ainsi que sa place dans le monde change radicalement de perception. L’homme n’est plus DANS le monde mais DEVANT le monde. Il n’est plus considéré comme une partie du monde mais comme un individu/un sujet grâce notamment au cogito de Descartes et c’est cette évolution qui marque la Modernité. La perception l’homme est bouleversée et on ne comprend plus quel est son rôle. La nature n’est plus qu’un ordre aveugle déterminé et quantitatif alors que l’homme doté d’un esprit est libre et qualitatif. Avant, contempler la nature permettait de comprendre la place de l’homme dans le monde et donc de lui donner une morale ; dorénavant, la nature est mutique. Ainsi, il n‘y a plus d’ordre à suivre dans la nature, et l’ordre moral, juridique, politique est à construire et à inventer (j’évoque ici les théories du Contrat social de Hobbes puis celui de Rousseau ou encore celles du Prince de Machiavel).
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