Le Comité européen du risque systémique (CERS), présidé par Christine Lagarde, a émis le 29 septembre 2022 un « avertissement général » sur le système financier face à l’envolée de l’inflation et des prix de l’énergie. Une position sans précédent en douze ans.
Une première depuis la crise des dettes souveraines en Europe
Cet avertissement lancé par Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE) est la conclusion de discussions au sein du Comité européen du risque systémique du jeudi 22 septembre bien avant la tempête sur les marchés déclenchée par le nouveau gouvernement britannique et les spéculations autour d’une faillite du Crédit Suisse. Le CERS a été créé en réponse à la crise financière mondiale de 2009 et il est en charge de la surveillance macroprudentielle du système financier de l’UE et de la prévention et de l’atténuation du risque systémique.
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« Les risques sur la stabilité financière dans l’Union et la probabilité que des scénarios de risques extrêmes se matérialisent se sont accrus » a déclaré Christine Lagarde, tandis que « les tensions géopolitiques croissantes ont conduit à la hausse des prix de l’énergie, entraînant des difficultés financières pour les entreprises et les ménages qui sont encore en train de se rétablir des conséquences économiques du Covid », souligne le CERS dans sa note. Enfin, l’inflation plus forte que prévu resserre les conditions financières ce qui rend plus compliqué le remboursement de la dette des acteurs économiques. Les risques de chute des prix de certains actifs menacent de déclencher d’importantes pertes de valeur de marché et d’amplifier la volatilité. Sur le marché de l’énergie, cela a provoqué des tensions sur la liquidité de certains participants, explique le CERS dans sa note.
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Un avenir plus qu’incertain
Selon plusieurs professionnels du secteur, beaucoup d’ingrédients sont réunis pour une crise financière majeure. La détérioration des perspectives macroéconomiques pèse aussi sur la qualité des actifs et les perspectives de profitabilité des banques, affectée par ailleurs par des facteurs structurels comme les surcapacités, la concurrence avec les nouveaux acteurs des services financiers et l’exposition aux risques cyber et climatiques. A ce sujet, le CERS prévient qu’« il est nécessaire que les institutions privées, les participants de marchés et les autorités compétentes continuent de se préparer à de telles perspectives de risques extrêmes ».
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Comment réagir à cet avertissement ?
« Les banques peuvent agir en première ligne de défense en s’assurant que leur politique de provisions et de capital prend correctement en compte les pertes anticipées et imprévues qui pourraient être induites par la détérioration de l’environnement des risques », juge le CERS qui exige également une attention extrême aux risques de liquidité.
Pour autant, certains superviseurs financiers n’adhèrent pas entièrement à cette ligne dure, s’étonnant de la non prise en compte par le comité de la hausse des marges liée à la hausse des taux, permettant de consolider la profitabilité du système bancaire. « Il ne faut pas mettre le système financier sous des contraintes inacceptables. Dans un certain nombre de pays comme la France, les prêts sont à taux fixes, ce qui sert d’amortisseur aux effets de marché, et limite les risques de défaut, estime un banquier européen. Face à cette crise qui frappe notamment le secteur de l’énergie, les Etats prendront au besoin les mesures nécessaires, voire nationaliseront des entreprises sous trop fortes tensions, comme Uniper en Allemagne. »
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Pour conclure, cet « avertissement général » inédit depuis 12 ans montre à quel point le système financier est au bord du précipice. Cette information datant du 22 septembre ne peut être qu’amplifiée à la vue des évènements récents : l’effondrement du secteur des retraites au Royaume-Uni a été évité de peu tandis que le Crédit Suisse est peut-être en faillite. Pour autant, rien n’est encore acté et les prochaines semaines vont être déterminantes pour retrouver un système financier stabilisé.