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Industrie et guerre en Europe

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« Le vrai risque pour l’Europe c’est le décrochage industriel », Bruno Le Maire. Dans une interview accordée à quatre médias français, Bruno Le Maire a mis en avant la préoccupation numéro 1 face à laquelle l’Europe devait faire face. En effet, alors que le tissu industriel européen ne cesse de s’effriter, la guerre en Ukraine et la contraction du commerce mondial avec notamment le recul des importations chinoises (-0,7% lors du troisième trimestre 2022) pourrait porter le coup de grâce à ce secteur si important pour l’économie et la souveraineté des nations. 

 

Tableau de bord de l’industrie en Europe

Le poids de l’industrie dans le PIB des pays européens est très disparate. Si d’un côté l’industrie est portée par l’Allemagne où la part du secteur industriel dans le produit intérieur brut représente 26,6% ou encore la République tchèque où il représente 31,2% (Données de 2022, Source : La Banque Mondiale, Statista). La moyenne de l’UE baisse fortement quand on prend en considération les pays de l’Ouest. En effet, dans des pays comme la France la part du secteur industriel dans le PIB ne représente que 16,6% ,seul le Luxembourg fait pire avec 11,4%. La France même si elle n’est pas un cas isolé est le pays qui a connu la plus forte désindustrialisation. Elle accuse également du retard notamment concernant le taux de robotisation. La France compte 194 robots installés pour 10 000 salariés contre 371 en Allemagne ou encore 932 en Corée du Sud (International Federation of Robotics, 2020). 

A l’échelle européenne, l’ensemble des pays (et plus particulièrement les pays de l’Ouest) sont concernés par le mouvement des délocalisations qui nuisent au secteur industriel. Bruno Le Maire avait d’ailleurs reconnu en Janvier 2022 que l’Europe était allée « trop loin dans les délocalisations industrielles ». Par exemple selon l’Insee entre 1970 et 2002, la France aurait perdu 250 000 emplois industriels. Or ces délocalisations des sites de production ont entrainé dans le même temps une chute de l’innovation. L’innovation se faisant généralement à proximité des lieux de production (Rapport Ifri, Anais Voy-Gillis, Réindustrialiser la France : Les défis de la transformation numérique et environnementale). 

De plus, la récente guerre en Ukraine a relancé le débat autour des délocalisations mais cette fois-ci vers des pays où le marché de l’énergie serait moins dépendant du marché Russe. Pour illustrer cela nous pouvons prendre l’exemple de Yara. Yara est une multinationale norvégienne qui fabrique des engrais. Depuis fin août, elle a du réduire ses productions en Europe de 2/3 du fait de l’envolée du prix du gaz. Son PDG met en avant que les coûts en Europe sont exorbitants « l’urée (…) ça nous coutait 2 000 dollars par tonne à produire, et ça se vendait 800 dollars. Aux Etats-Unis, une même tonne coûte 200 dollars à produire, et en Russie 100 dollars » (du fait de la dépendance au gaz russe) et qu’il pourrait à terme relocaliser ses sites de production vers des pays où la production serait plus rentable. 

Lire plus : La fin de l’Europe sociale ? 

Source Yara : Choc gazier : à travers l’Europe, ces industries qui risquent la délocalisation

 

La guerre en Ukraine : le coup de grâce pour l’industrie européenne

Jacques Sapir considère que les sanctions appliquées à la Russie ont fragilisé l’économie à la fois à court terme avec notamment la hausse des prix de l’énergie et la fermeture forcée de certaines entreprises comme Duralex et à long terme. A court terme, les sanctions envers la Russie ont provoqué une hausse de l’énergie conséquente et une forte inflation. La hausse de l’énergie provoquant une hausse des couts généralisés sur l’ensemble des chaines de valeurs ont provoqué une inflation globale qui touche l’ensemble des secteurs à des niveaux cependant différent. Ainsi, alors qu’en Octobre 2022, l’inflation atteignait en France 6,2%, les prix de l’énergie ont eux augmenté de 19,2% et l’Alimentation de 11,8%. Cette hausse des prix de l’alimentation est d’autant plus préoccupante qu’elle réduit l’accessibilité à un repas sain et équilibré pour les plus démunis. Les 20% des ménages les plus modestes consacrant 19,9% de leur revenu disponible aux dépenses d’alimentation contre seulement 15% pour les plus aisés (Insee 2020).

A long terme, la Guerre et les sanctions envers la Russie pourraient également nuire à l’industrie de l’Europe et principalement à notre fer de lance en la matière, l’Allemagne. En plus, de l’inflation qui pourrait s’installer durablement, le modèle économique des pays fortement industrialisés (Allemagne et pays de l’Est) pourrait également montrer ses limites. En effet, la compétitivité de leur industrie se basait principalement sur la disponibilité d’hydrocarbures bon marchés. Ainsi, un pays comme l’Allemagne disposait d’une compétitivité hors-prix et d’une compétitivité prix du fait de ses accords avec la Russie. Or, aujourd’hui l’Europe tente de mettre en place de nouveaux canaux d’approvisionnements pour réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz Russe. Mais cela n’est pas sans conséquence. La transition vers d’autres sources d’énergies comme le GNL pourrait provoquer une hausse des couts de 20 à 40% et conduire à la disparition de certaines industries. Cette hausse des coûts a déjà des conséquences dramatiques sur certaines industries comme en témoigne Duralex. Duralex, une entreprise française qui fabrique de la vaisselle en verre trempé a du stopper sa production. La raison ? Sa facture de gaz et d’électricité a grimpé de 3 à 13 millions d’euros soit 46% de leur chiffre d’affaires. Cet exemple illustre bien les conséquences des sanctions envers la Russie sur le tissu industriel européen. La dépendance du modèle économique des pays européens à l’accès à des énergies bon marchés en provenance de Russie pourrait conduire à sa disparition. 

Lire plus : La hausse des taux du crédit immobilier, nouveau problème majeur ?

Source : L’économie européenne s’est-elle durablement affaiblie avec les sanctions contre la Russie (Jacques Sapir face à Agathe Demarais)

 

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