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L’inversion de la courbe des taux, signe annonciateur d’une récession ?

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Le coût des emprunts d’Etat à 2 ans a dépassé celui des financements à 10 ans dans le monde, une première depuis au moins vingt ans. Les investisseurs s’inquiètent car une telle inversion de la courbe est vue comme un signal de récession.

 

La courbe des taux s’inverse pour la première depuis plus de 20 ans

L’inversion de la courbe des taux (ou inversion de la courbe des rendements) est un phénomène macroéconomique qui se caractérise par des taux d’intérêt de long terme qui deviennent moins élevés que des taux d’intérêt de courts termes. Autrement dit, il coûte en moyenne plus cher de se financer à court terme (1 à 3 ans) qu’à long terme (10 ans et plus). Une anomalie qui, pour les marchés, est souvent vue comme un signe annonciateur d’une récession. En effet, cela peut provoquer une crise financière : les agents empruntent à long terme massivement pour placer à court terme, cela peut provoquer des bulles financières dont l’éclatement entraînerait un effet Fisher de déflation par la dette.

Alors que d’ordinaire, on a plutôt l’inverse, c’est-à-dire des taux à 10 ans supérieurs aux taux à 2 ans : l’écart de taux est positif en moyenne proche de + 1 % sur longue période. Et pour cause, l’investisseur n’aime pas l’incertitude, or l’incertitude croît avec l’horizon d’investissement. Ainsi, l’investisseur exigera généralement une prime pour accepter de détenir un actif A plus longtemps qu’un actif B, il exigera donc un taux à 10 ans plus élevé qu’un taux à 2 ans. De plus, on peut imaginer une inflation galopante encore des années durant. Comment savoir si le rendement que propose l’obligation à 10 ans sera suffisant pour couvrir la hausse des prix ?

Aux Etats-Unis, début décembre 2022, c’est même un record de quarante ans qui a été effacé. La différence entre le taux à 2 ans et le taux à 10 ans a atteint -78 points de base. Du jamais-vu depuis fin 1981. A l’époque, se souvient le « Wall Street Journal », la récession qui s’était ensuivie avait été plus fatale pour l’emploi aux Etats-Unis que ne le fut par la suite la grande crise financière de 2008.

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Comment l’inversion de la courbe des taux est devenue possible ?

Cette inversion de la courbe mondiale s’explique par le combat sans merci mené par les banques centrales contre l’inflation. Ces dernières cherchent à renchérir le coût du crédit pour refroidir la demande des ménages et les investissements des entreprises, et éviter ainsi la surchauffe de l’économie. Comme les taux courts sont particulièrement sensibles à l’évolution des taux directeurs, ils ont bondi en même temps que les tours de vis des banques centrales.

Depuis mars, la Réserve fédérale américaine a augmenté ses taux directeurs de 375 points de base. Ils évoluent désormais entre 3,75 % et 4 %. De son côté la Banque centrale européenne a procédé à la plus rapide hausse de taux de son histoire, faisant passer le taux de dépôt de -0,5 % à 1,5 % entre juillet et octobre. Et les taux d’intérêt directeurs sont censés encore augmenter dans les semaines à venir selon les dernières interventions du président de la FED et de la présidente de la BCE.

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Peut-on affirmer qu’il y’aura une récession dans les semaines à venir ?

ll est possible de nuancer le message très pessimiste qui nous est livré par la courbe de taux inversée. En effet, le pouvoir prédictif de cette courbe est moindre depuis les 15 dernières années, pour une raison simple : la politique monétaire accommodante. Très concrètement, lorsque la courbe s’aplatissait voire s’inversait, ce n’était plus dû à l’anticipation d’une politique monétaire restrictive faisant monter les taux à 2 ans plus vite que les taux à 10 ans. La cause de l’aplatissement, voire de l’inversion de la courbe, était désormais liée à des achats massifs de titres de long terme par la Banque centrale faisant baisser les taux 10 ans alors que les taux 2 ans étaient déjà proches du plancher zéro.

Deuxième possibilité, l’inversion de la courbe des taux pourrait être le signe que les banques centrales sont en bonne voie dans leur combat contre l’inflation. Si les taux longs baissent, ce ne serait alors pas parce que les investisseurs redoutent une catastrophe économique, mais plutôt parce que ces derniers n’envisagent pas des pressions inflationnistes durables. Ce qui expliquerait en partie le rallye qui a vu les taux obligataires chuter en novembre.

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Pour conclure, l’inversion de la courbe des taux est un phénomène qui marque son retour depuis des dizaines d’années. Concrètement, cela signifie que l’investisseur est prêt à prendre le risque d’un rendement plus faible pour une durée plus longue, mais garanti. Mais la politique monétaire inédite de ces dernières années pourrait atténuer le rôle que l’on attribue à cette inversion de la courbe des taux, d’un point de vue optimiste…

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref