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Quelques références utiles en sociologie (2/2)

Sommaire
Sociologie sciences sociales références

Cet article fournit quelques références sociologiques pouvant s’avérer utiles aux concours. Les thèmes abordés sont variés mais riches et intéressants.

 

Edward Thompson, La Formation de la classe ouvrière anglaise (1963)

Ce dernier explique comment “entre 1780 et 1832 la plupart des travailleurs en vinrent à percevoir leurs intérêts comme identiques et opposés à ceux de leurs dirigeants et de leurs employeurs.Il s’attache à expliquer comment émergea une conscience de classe parmi une population ouvrière pourtant atomisée. Pour ce sociologue, la classe n’est pas une catégorie figée. Cela s’approche du  concept de classe pour soi et non en soi (Cf. Marx). La classe est un “phénomène historique dont la formation relève d’un processus actif, mis en œuvre par des agents tout autant que par des conditions.”

Pour Thompson, la classe ouvrière “a été partie prenante de sa propre formation.” Celle-ci prend place lors de la remise en cause de l’ancienne économie par une économie de marché conquérante (l’émergence du capitalisme). Par ailleurs, la classe ouvrière s’est nourrie et fut façonnée par l’agitation jacobine des années 1790. Prenant le cas du mouvement luddite, Thompson explique sa thèse. Le luddisme fut longtemps vu comme la défense d’un mode de vie traditionnel.

Mené par Ned Ludd, l’objectif premier apparaissait comme être le bris des machines. Pourtant, il s’agissait plutôt d’un mouvement insurrectionnel protéiforme et complexe de la nouvelle ère industrielle. Les ouvriers ne détruisaient pas purement et simplement des machines par crainte d’être remplacés. Le luddisme se perçoit comme un vaste et cohérent mouvement de défense des travailleurs anglais contre les impacts du capitalisme industriel sur leurs valeurs, leurs rythmes et leurs modes de vie traditionnels.

 

George Vigarello, Le Propre et le Sale (1985)

Vigarello dresse une histoire sociale et culturelle du corps, de l’hygiène. Son approche de la propreté entre en rapport avec les imaginaires sociaux liés au corps, à l’eau, à la maladie. Le sociologue interroge les croyances, les valeurs et les normes qui constituent le cadre sociétal où chaque individu détermine son propre rapport au corps. Selon lui, “la propreté reflète le processus de civilisation”. L’histoire du corps est une histoire du “poids progressif de la culture sur le monde des sensations immédiates.”

L’eau est étroitement liée à la propreté, mais son rapport au corps n’a lui pas toujours été perçu comme bénéfique. Vigarello retrace ainsi les différentes étapes qui ont mené à cette perception de l’eau :

  • “De l’eau festive à l’eau inquiétante” : cette période correspond à la disparition des pratiques du bain au XVIe siècle par crainte de contagion par les pores de la peau. Les bains sont alors associés à une source de trouble social.
  • “Le linge qui lave” : néanmoins, la disparition de l’usage n’est pas celle de la propreté. Les gens se servent d’un linge pour se frotter les mains et le visage. La propreté individuelle est ainsi régie par les convenances et règles sociales. 
  • “De l’eau qui pénètre le corps à celle qui le renforce” : cet imaginaire apparaît au XVIIIe siècle, époque à laquelle de nouvelles pratiques émergent (cabinets de bain, bains chauds thérapeutiques). “Le bain s’installe donc lentement dans les pratiques de l’élite.” Sa présence demeure toutefois limitée. Le bain devient plus fonctionnel, plus utilitaire, il tend à perdre de sa symbolique.
  • Le bain froid hygiénique : vers la moitié du XVIIIe siècle, le bain va se teinter d’une image hygiénique, non pas lié à la propreté mais à la santé (physique et mentale). La bourgeoisie va donc s’emparer de ce “mythe du bain froid” et dénoncer le bain chaud comme symbole de la décadence aristocratique. On observe alors les prémices d’une “hygiène publique” dans les années 1780.
  • Le XIXème siècle marque un tournant dans l’histoire de la propreté : celui de “l’eau qui protège”. C’est à cette même époque que la ville de Paris entame de grands travaux d’urbanisme (triplement des égouts, construction de bain, fondation du réseau d’eau). La société s’évertuent à modifier les pratiques du corps des plus démunis. Se met en place “une pastorale de la misère” avec comme force d’exorcisme la propreté.

Finalement, la propreté change de définition. Le microbe en devient la définition négative et l’asepsie son idéal. Désormais, nettoyer consiste à agir sur des agents invisibles. Ces changements sont à lier en partie avec les progrès de la médecine à la fin du XIXe siècle, Koch et Pasteur en particulier. Pour conclure, “la propreté a engagé l’imaginaire des villes, leur technologie, leur résistance aussi à être “capillarisées””.

 

George Vigarello, Histoire des corps (2006) 

Le même auteur est également à l’origine d’une autre études intéressante. Celle-ci porte sur le corps et montre que celui-ci est “au cœur de la dynamique culturelle.” Le corps est “à la fois le réceptacle et l’acteur face à des normes bientôt enfouies, intériorisées, privatisées.” On observe une polysémie du corps : “le corps est une fiction, un ensemble de représentations mentales, une image inconsciente qui s’élabore, se dissout, se reconstruit au fil de l’histoire du sujet, sous la médiation des discours sociaux et des systèmes symboliques.”

Lire plus : Quelques lois et théorèmes économiques incontournables 

 

George Vigarello, Histoire des émotions (2016)

Dans cet ouvrage, portant sur les émotions, Vigarello montre en quoi leur contrôle était pour les Grecs et les Romains un symbole de virilité et de civilité. Celles-ci étaient réservées aux femmes (dans l’imaginaire collectif). En effet, la colère féminine était vue comme de la folie (d’où le terme “hystérie” plus tard). Au contraire, celle des hommes manifestait la capacité de jugement et la puissance à l’action. Par ailleurs, l’expression des émotions n’est pas l’absence de règles sociales. Les émotions produisent du sens à condition de savoir les replacer dans leur contexte. Finalement, à l’époque moderne surviendra un “changement de régime émotif” chez les élites. L’émotion n’est plus considérée comme un comportement qui se donne à voir mais plutôt comme une composante de la vie intérieure.

 

Pierre Rosanvallon, Le Sacre du citoyen (1992)

Alors que l’idée démocratique est théorisée depuis des siècles (Révolution française, 1789), le suffrage universel ne s’impose que bien plus tard en France. “La question du suffrage universel est au fond la grande affaire du XIXe siècle.” écrit Rosanvallon. Celui-ci construit une histoire en quatre temps pour relater l’évolution du citoyen en France : 

  • Le “moment révolutionnaire” : Rosanvallon montre la contradiction originelle entre l’égalité civile ou politique et l’héritage libéral des Lumières. La raison n’étant pas une capacité équitablement partagée, comment concilier égalité et différences sociales ? Notons qu’en 1785 Condorcet avait fait part de son paradoxe mettant à mal l’efficacité du vote démocratique.
  • Les solutions adoptées entre 1800 et 1848 : Rosanvallon distingue deux grands moments citoyens de l’époque. Le premier consiste en “la citoyenneté sans démocratie”, sous Napoléon Bonaparte. Le second est celui de “la République utopique” en 1848. A cette même époque émerge une théorisation de la démocratie capacitaire avec Guizot (De la démocratie en France, 1849).
  • Le “Temps de la consolidation” : le suffrage et la figure du citoyen-électeur émergent véritablement. La naissance de la IIIe République en 1870 y est pour beaucoup. Celle-ci s’efforce de réduire la contradiction entre égalité et raison à travers son programme scolaire (école républicaine).
  • L’évolution du citoyen par la suite s’élargit progressivement, les femmes obtenant finalement le droit de vote (1944). 

“Le citoyen est l’individu abstrait, à la fois au-delà est au-deçà de toutes les déterminations économiques, sociales ou culturelles qui le font riche ou pauvre, intelligent ou demeuré : il figure l’homme égal.” conclut Rosanvallon. Chaque citoyen est censé défendre les intérêts communs de sa communauté, et c’est par le débat que se détermine le consensus politique.

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Gabin Bernard