Considéré comme l’un des projets d’ingénierie les plus ambitieux de l’histoire, le canal de Panama a transformé le commerce mondial en connectant l’océan Atlantique et l’océan Pacifique sur une distance de 80 kilomètres. Achevé en 1914 après dix ans d’efforts intenses, ce canal a également suscité des tensions politiques et sociales qui ont marqué l’histoire du Panama. Dans cet article de Mister Prépa on explique l’histoire du fameux canal qui fait objet de nombreuses polémiques actuellement.
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Une ambition stratégique dès ses origines
Située sur l’isthme du Panama, une étroite bande de terre reliant l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, cette région était depuis longtemps convoitée pour sa valeur stratégique. Dès 1513, le conquistador espagnol Vasco Núñez de Balboa avait reconnu son importance en reliant les deux océans par voie terrestre.
Au XIXe siècle, après l’apparition de routes terrestres comme le Camino Real, un nouveau projet voit le jour : construire un canal maritime traversant l’isthme. En 1880, l’ingénieur français Ferdinand de Lesseps, célèbre pour avoir dirigé la construction du canal de Suez, lance les travaux. À l’époque, le Panama fait encore partie de la Colombie. Mais malgré des débuts prometteurs, le projet échoue en 1889 en raison de problèmes techniques, d’épidémies (comme la fièvre jaune, qui a coûté la vie à plus de 20 000 travailleurs) et de la faillite de l’entreprise française.
Cet échec attise toutefois l’intérêt des États-Unis, qui perçoivent rapidement les opportunités stratégiques et économiques qu’offre le contrôle du canal.
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Les États-Unis prennent les rênes
D’abord hésitants entre plusieurs alternatives – notamment un canal passant par le Nicaragua –, les États-Unis décident finalement de poursuivre le projet panaméen. Ils rachètent les droits de l’entreprise française en faillite pour 40 millions de dollars et concluent un accord avec la Colombie en 1903. Mais ce traité est rejeté par le Congrès colombien, plongeant la région dans une instabilité politique croissante.
Profitant du mécontentement grandissant au Panama, alors encore sous domination colombienne, les États-Unis soutiennent le mouvement indépendantiste panaméen. Le 3 novembre 1903, le Panama déclare son indépendance, tandis que les États-Unis dissuadent militairement la Colombie de toute tentative de reconquête.
Peu après, le traité Hay-Bunau-Varilla est signé, garantissant aux États-Unis un contrôle quasi absolu sur la zone du canal en échange d’une protection militaire pour le Panama. Les travaux reprennent, et en 1914, le canal est officiellement inauguré, devenant rapidement l’une des principales routes commerciales mondiales.
Les tensions autour de la « zone du canal »
Le contrôle exclusif des États-Unis sur le canal et la zone environnante – une bande de 8 kilomètres abritant des bases militaires américaines – devient rapidement une source de frustration pour les Panaméens. Alors que les recettes générées par le canal bénéficient principalement aux États-Unis, les habitants du Panama expriment leur mécontentement à travers des manifestations croissantes.
En 1958, un groupe d’universitaires organise l’« opération de la souveraineté », plantant des drapeaux panaméens autour de la zone du canal. L’année suivante, une manifestation pacifique, connue sous le nom de « marche patriotique », dégénère en affrontements violents. Ces tensions atteignent leur apogée le 9 janvier 1964, lors du « Jour des Martyrs » : une tentative d’hisser un drapeau panaméen aux côtés du drapeau américain se termine par des affrontements sanglants, coûtant la vie à 20 Panaméens.
En réaction à ces violences, le président panaméen de l’époque, Roberto Chiari, suspend les relations diplomatiques avec les États-Unis et exige un nouveau traité pour rétablir la souveraineté panaméenne.
Le retour du canal au Panama
Après des années de négociations, un tournant décisif est atteint en 1977 avec la signature des accords Torrijos-Carter. Cet accord historique, conclu entre le président américain Jimmy Carter et le général panaméen Omar Torrijos, prévoit la fin progressive de la « zone du canal » et le transfert complet du canal au Panama.
Le 31 décembre 1999, le canal de Panama est officiellement restitué au Panama, mettant fin à près d’un siècle de contrôle américain. Aujourd’hui, ce passage maritime reste un pilier essentiel du commerce mondial et un symbole de la lutte pour la souveraineté panaméenne.