Découvrez dès maintenant l’analyse du sujet de Culture Générale d’HEC et emlyon 2024 !
Cette épreuve est conçue pour tester la compréhension des candidats sur des thèmes variés et leur capacité à réfléchir de manière critique. Elle nécessite une bonne culture, une habileté à analyser et à synthétiser.
À savoir : quasiment toutes écoles de la BCE ont recours à cette épreuve.
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POUR VOIR LE SUJET DE CULTURE GÉNÉRALE HEC / EMLYON DU CONCOURS 2024
L’analyse du sujet de Culture Générale HEC / EMLYON 2024
Article rédigé par Antoine Mas (étudiant à HEC Paris).
Cette analyse n’est pas un corrigé exhaustif, mais plutôt des suggestions et des pistes de réflexion concernant ce sujet.
Quelques remarques générales :
Quel sujet étonnant ! Nul doute que de nombreux candidats ont été très surpris en découvrant ce sujet de culture générale.
Comme pour tout sujet de culture générale, vous devez porter une attention particulière aux termes autres que “violence”. Ainsi, vos premières réflexions doivent être les suivantes : Que signifie “être sage” ? Comment interpréter l’impératif du verbe “être” dans ce sujet ? Est-ce un conseil, ou un ordre ? Ou au contraire, implore-t-on la violence d’être sage ? Comment interpréter la formulation “Ô ma violence” ? De plus, n’oubliez pas que les références sont secondaires : le correcteur va avant tout regarder si le candidat répond au sujet, et comment il y répond. Il n ‘ y a donc a priori pas de référence indispensable, tant qu’à chaque partie/sous-partie vous traitez le sujet de façon explicite.
Analyse du sujet :
Ce sujet est particulièrement surprenant dans sa formulation : Ô ma violence. Le Ô renvoie au vocatif en latin : il exprime le respect vis-à-vis de la violence, celui qui s’exprime de la sorte avoue sa faiblesse face à la violence. Il y a alors comme une hiérarchie entre la violence et l’homme : la violence lui est supérieure, l’homme y est soumis malgré lui. Mais alors, que signifie le possessif “ma” ? Il peut signifier qu’il est ici question d’un certain type de violence, la violence intérieure. Mais le possessif “ma” renvoie également à quelque chose que l’on connaît, dont on a déjà fait l’expérience ; plus encore, quelque chose que je possède, que je maîtrise (ce qui est alors contradictoire avec l’utilisation du vocatif ?)
Que signifie “sois sage” ? L’impératif sous-entend que la violence n’est pas sage : comme si elle se comportait mal (comme lorsqu’on dit à un enfant d’être sage, de se tenir bien ect..), comme si elle ne se contrôlait pas, qu’elle n’obéit à aucune règle. Cependant, peut-on vraiment demander à “ma” violence d’être sage ? La violence n’est-elle pas un abus de la force, et donc une transgression d’une loi ? L’impératif du verbe “être” est également très étonnant : s’il est compris comme un conseil ou un ordre, on imagine que la violence serait contrôlée, ce qui serait cohérent avec le terme “ma”(comme lorsque je contrôle mon bras) ; s’il est compris comme une prière (comme si je disais : par pitié, je t’en conjure, sois sage, Ô ma violence”), on retrouve l’idée de soumission, d’impuissance de l’homme face à la violence qui est en lui.
Ainsi, en souhaitant contrôler ma violence (en lui demandant d’être sage), je prends conscience de mon impuissance face à elle (en m’exprimant envers elle de la sorte, avec ce Ô pour signifier sa grandeur). Or, pour être maître de ma violence, ne faut-il pas au contraire changer le rapport que j’ai avec elle ?
Proposition de plan :
Dans une première partie, il était possible de s’étonner d’une telle formulation du sujet. En effet, s’adresser à la violence en utilisant le vocatif (à travers ce Ô) renvoie à une grandeur, une admiration. Comment puis-je alors lui demander d’être sage ? Une telle injonction n’est-elle pas contradictoire avec la perfection de ma violence ? Je peux en effet en faire usage pour mes intérêts personnels, à l’image du marquis de Sade (“Pourvu que je sois heureux, le reste m’est absolument égal.”, défend Dolmancé dans La philosophie dans le boudoir ) ; ma violence, c’est la violence dont je fais usage, c’est ce qui permet de m’affirmer, de prendre le contrôle sur autrui, de le dominer, de le soumettre. Dire à la violence d’être sage, c’est alors s’opposer aux lois naturelles ! Mais alors, qui dirait une telle phrase ? Très sûrement ceux qui subissent, ceux qui ne peuvent pas faire preuve de violence, qui vont donc louer un idéal ascétique illusoire, inciter à la non-violence pour ne plus être faible.
En guise de transition, vous pouvez défendre qu’une telle idée ne peut être soutenue qu’à l’échelle individuelle : survaloriser la violence, c’est nier autrui, le déshumaniser et ne le considérer que comme un moyen pour atteindre une fin. Mais ce qui distingue la violence de la force, n’est-ce pas justement la négation d’autrui comme homme? On parle d’une violence lorsqu’une extériorité s’oppose à une intériorité : faire preuve de violence, c’est réduire autrui à sa matérialité, c’est nier son existence comme conscience. Si la violence permet de dominer autrui, elle permet aussi aux plus puissants de me dominer (et donc, demander à ma violence d’être sage, c’est également demander aux autres de contrôler leur violence, par peur de la subir !). Plus encore, demander à sa violence d’être sage, c’est prendre conscience de la gravité des actes qu’on a commis : c’est se repentir comme le fait Raskolnikov dans Crime et Châtiment en avouant avoir commis deux meurtres (alors même qu’il pensait bien agir sur le moment, en se considérant comme un homme extraordinaire qui doit parfois tuer pour rendre le monde meilleur). Mais c’est aussi prendre conscience que je ne suis pas libre face à la violence, et que celle-ci peut parfois me faire agir contre moi-même. Nous sommes donc face à une impossibilité, on comprend pourquoi il ne faut pas se limiter à l’expression “Ô ma violence” : il faut alors l’ implorer d’être sage. Mais est-ce si simple que cela ?
Dans une seconde partie, vous pouvez montrer en quoi une telle formulation révèle l’impuissance de l’homme face à la violence présente en lui. Celle-ci s’exprime malgré lui : cette citation est donc un aveu de faiblesse, d’impuissance de l’homme face à la violence des pulsions, des sentiments, des affects. L’impératif “sois” devient donc une prière : je supplie la violence d’être sage.
Il était ici possible de prendre l’exemple d’un individu qui succombe à des désirs interdits, comme Phèdre qui ne peut retenir son amour incestueux pour Hippolyte.
Cette violence, qui semblait pourtant intérieure avec le possessif “ma”, s’extériorise. Elle blesse autrui, le met en danger : je ne la maîtrise pas.
Pourtant, si je subis cette violence (non pas au sens où autrui fait preuve de violence contre moi, mais au sens où cette violence est en moi sans mon consentement), je ne peux pas pour autant rejeter la faute sur elle. Il était alors possible de montrer que cette formulation pouvait être un moyen de se déresponsabiliser. “Ce n’est pas de ma faute si j’ai agi de la sorte, c’est de la faute de ma violence. Chère violence, sois sage s’il te plaît ! “. Une telle position n’est pas satisfaisante, c’est absurde. Nous sommes donc face à une impossibilité : passons-donc à la troisième partie.
Dans une dernière partie, vous pouvez vous demander si ce n’est pas l’homme lui-même qui s’adresse à la violence, mais la société toute entière. “Sois sage” renvoie donc plus à un rappel à l’ordre : c’est une intériorisation des interdits sociaux. “Sois sage” signifie donc “sois conforme à la société, ne transgresse pas la loi, ne brave pas les interdits car sinon, nous serons condamnés”. Alors, le possessif “ma” ne signifie pas que je suis distinct de ma violence, comme lorsque je possède un objet : cette violence, c’est une partie de moi, c’est moi (comme lorsque je dis “mon corps”). Quand je dis “sois sage” à ma violence, je me parle donc à moi-même : je m’encourage à faire preuve de sagesse.
Cette partie pouvait être l’occasion d’interroger le rapport de la violence à l’art : en évoquant par exemple la sublimation chez Freud, la volonté de puissance chez Nietzsche qui est à l’origine de la beauté dionysiaque, ou alors en mettant en avant le fait que l’art peut nous aider à apaiser et à éliminer nos passions. (c’est la thèse d’Aristote dans la Poétique, notamment avec l’exemple de la tragédie qui suscite crainte et pitié).
Il était également possible de défendre que pour inciter la violence à être sage, il faut s’imposer des contraintes, des règles à respecter, et donc se faire violence. La violence “sage”, réfléchie, s’oppose à une violence déchaînée, impulsive. “Ma violence”, au sens de la violence intérieure, s’oppose alors à “ma violence” choisie, que je m’impose pour pouvoir vivre en société.