« Hoy 23 de enero de 2019, en mi condición de presidente de la Asamblea Nacional (…), juro asumir formalmente las competencias del Ejecutivo Nacional como presidente encargado de Venezuela“,déclarait il y a deux ans J. Guaidó, marquant alors le début d’une sévère crise politique. À travers ce discours, le président de l’Assemblée Nationale se déclarait président par intérim du Venezuela, et enjoignait N. Maduro, président du Venezuela, de quitter le pouvoir. Depuis ce jour, crise politique, crise économique, crise sociale, crise sanitaire, crise migratoire se sont aggravées et rythment encore le quotidien vénézuélien.
Ainsi, que s’est-il passé depuis deux ans au Venezuela ? Le pays se trouve-t-il toujours dans la même impasse politique ?
Le déclenchement de la crise politique en 2019
Avant d’évoquer les évènements qui ont suivi la déclaration de J. Guaidó, il convient de revenir sur les origines de cette crise. Suite à la mort de H. Chávez en 2013, la présidence est remportée par N. Maduro (50,6% des voix), lequel se voit toutefois soupçonné de fraude électorale. Ces accusations sont réitérées en 2018, quand N. Maduro renouvèle son mandat électoral grâce à 67% des voix. Cependant, la faible participation électorale, 46%, combinée au refus de la principale alliance de l’opposition (La MUD, Mesa de la Unidad Democrática) de participer à ces élections qu’elle qualifiait de « non démocratiques », révèlent les irrégularités de cette élection (à travers notamment « el voto asistido » et « el carné de la patria »). Les garanties démocratiques n’étant pas respectées, de nombreux pays à l’image des États-Unis de D. Trump ou les membres du groupe de Lima, n’ont pas reconnu les résultats de cette élection et ont appelé à l’organisation de nouvelles élections démocratiques. Ces atteintes à la démocratie étaient déjà évidentes en 2017 puisque N. Maduro a déclaré illégitime l’Assemblée Nationale alors remportée par l’opposition en 2015, et convoqué les élections d’une Assemblée Nationale constituante, réduisant ainsi au silence la volonté de changement politique des vénézuéliens et les décisions prises jusque-là par cette institution. C’est donc dans l’objectif de s’élever contre ce régime non démocratique et de s’opposer à voir N. Maduro jusqu’en 2026 au Palais de Miraflores que J. Guaidó, le président de l’Assemblée Nationale, appelait à de nouvelles élections et se déclarait président par intérim jusqu’à ces dernières.
Les conséquences et tentatives d’apaisement
La nouvelle fonction de J. Guaidó a d’abord eu de lourdes conséquences diplomatiques puisque la crise vénézuélienne a entraîné une réelle « guerre froide » opposant deux blocs : ceux reconnaissant la fonction de présidence par intérim de J. Guaidó à l’image des États-Unis, la France, l’Espagne, le Canada ; et l’autre bloc, pour qui N. Maduro demeurait président du Venezuela, à l’image de la Chine, la Bolivie ou la Russie.
Cette crise politique a également accentué la sévère crise sociale qui secouait le Venezuela depuis quelques années déjà. En effet, de nombreuses manifestations ont suivi la déclaration de J. Guaidó dans l’espoir de forcer N. Maduro à quitter le pouvoir. Cependant, ces manifestations ont été violemment réprimées par les forces de l’ordre, causant alors la mort d’une quarantaine de manifestants uniquement en janvier 2019. Cette violence endémique au Venezuela a été justement soulignée en juin 2019 par M. Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, dans un rapport dénonçant les graves violations aux droits de l’Homme, les arrestations arbitraires, tortures et meurtres quotidiens des opposants politiques.
Par ailleurs, ces tensions politiques n’ont fait que dégrader les conditions de vie des vénézuéliens. En effet, la coupure d’électricité paralysant le pays pendant 6 jours en mars 2019, la pénurie alimentaire, sanitaire et médicale, l’exode vers les pays frontaliers ou bien encore le refus de N. Maduro d’accepter l’aide humanitaire de la part de la communauté internationale, sont autant d’exemples qui illustrent le cauchemar quotidien des vénézuéliens. À noter que la COVID-19 a grandement accentué cette précarité.
Enfin, cet affrontement entre ces deux hommes vénézuéliens a également aggravé la crise économique qui paralysait le pays depuis quelques années déjà. En effet, D. Trump s’est empressé de multiplier les sanctions économiques à l’égard du Venezuela, éloignant dès lors le Venezuela du marché pétrolier ou encore des marchés financiers.
Ce véritable bras de fer entre les deux hommes réside essentiellement sur une chose, le soutien de l’armée. C’est grâce au soutien de cette dernière que N. Maduro a pu, malgré la pression citoyenne et la pression de la communauté internationale, rester au pouvoir. En vain, la stratégie de J. Guaidó reposait donc sur un appel à la désertion et la rébellion des militaires.
De nombreuses institutions internationales et la communauté internationale ont cherché à sortir le Venezuela de cette impasse inédite. Par conséquent, en mai 2019, Oslo est devenue le temps d’une semaine la capitale de la médiation pour ces deux pays, dans l’objectif de trouver une porte de sortie. Si elle a favorisé le dialogue entre les deux hommes, cette rencontre n’aura toutefois pas résolu le drame vénézuélien.
Élections parlementaires en 2020 et potentielle sortie de crise
La révolte menée par J. Guaidó n’aura pas eu l’effet escompté, à savoir, renverser le régime de N. Maduro dans le but de convoquer de nouvelles élections présidentielles démocratiques. De plus, sa crédibilité aura été remise en cause à de nombreuses reprises aux yeux des vénézuéliens et de la communauté internationale en raison de scandales de corruption. Ainsi, celui qui se présentait comme le symbole du changement et de l’espoir il y a tout juste deux ans, est aujourd’hui de plus en plus isolé et ne fait plus illusion aux yeux des citoyens.
Les élections parlementaires de décembre 2020 ne semblent malheureusement pas synonymes de sortie de crise ou de changement politique. En effet, N. Maduro a remporté les élections parlementaires avec 67% des voix, renforçant un peu plus encore son pouvoir déjà hégémonique. Ces élections, pour lesquelles J. Guaidó avait appelé au boycott, ont permis à N. Maduro de remporter le seul pouvoir dont il n’était pas maître, le pouvoir législatif, non pas sans suspicions de fraude. Néanmoins, s’il remporte officiellement ce pouvoir, rien ne change fondamentalement pour le chavisme étant donné que l’Assemblée Nationale élue en 2015 n’a pas pu légiférer, ayant été déclarée illégitime par N. Maduro en 2017 (voir plus haut). Cette victoire a été abondamment critiquée par la communauté internationale et par l’opposition, dénonçant une fois encore « une farce électorale » de la part d’un régime considéré comme « illégitime » et « dictatorial » ignorant les principes démocratiques. Par ailleurs, si la faible participation lors de ces élections, atteignant 38% (contre environ 70% lors des élections parlementaires de 2015), illustre le ras-le-bol des citoyens du Venezuela envers le chavisme et envers l’ensemble de la classe politique, elle révèle également le mécontentement face à l’impasse politique qui mine le pays depuis maintenant deux ans. Ainsi, les résultats de cette élection n’annoncent donc rien d’autre qu’une simple continuité du blocage politique.
Toutefois, deux évènements pourraient être porteurs d’espérance et donner un nouveau tournant à crise politique. Tout d’abord, depuis le 5 janvier 2021, J. Guaidó n’est plus le président de l’Assemblée Nationale. Par conséquent, certains changements et de nouvelles stratégies sont susceptibles de voir le jour du côté de l’opposition. Par exemple, H. Capriles, membre de l’opposition, en appelant à emprunter d’autres voies telles que le dialogue et la négociation avec le chavisme, semble être en mesure d’apporter un nouveau souffle à l’opposition dans ce blocage politique. Deuxièmement, la prise de pouvoir de J. Biden est également un moment majeur dans l’espoir de trouver une solution à cette crise qui s’enkyste depuis des années maintenant.
Conclusion
Depuis la déclaration de J. Guaidó il y a tout juste deux ans, le pays s’est installé dans un blocage politique sans précédent, dépassant les simples frontières de la sphère politique. En effet, ce bras de fer entre les deux hommes a sévèrement aggravé la crise sociale, économique, sanitaire, alimentaire et migratoire secouant le Venezuela. Malgré de nombreuses stratégies comme l’appel à la désertion des militaires ou l’abstention, des alliés de taille comme les États-Unis, des médiations organisées par la communauté internationale (à l’instar des discussions à Oslo), le pays se trouve dans la même impasse politique qu’il y a deux ans et la démocratie et les droits de l’Homme peinent à être respectés. Si les résultats des élections parlementaires de décembre 2020 sont vraisemblablement synonymes de continuité du schéma politique chaviste, les nouvelles voix et stratégies qui émergent du côté de l’opposition et la victoire de J. Biden, apportent de l’espoir quant à une possible avancée dans ce blocage politique dévastateur qui dure depuis bien trop longtemps et dont les citoyens vénézuéliens sont les premières victimes.