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L’émergence de l’Inde sur la scène spatiale

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« Un jour historique », a résumé le premier ministre indien Narendra Modi. Mercredi 23 août, à 14h34 heure de Paris, l’Inde a réussi à poser un engin sur la Lune : elle devient ainsi la quatrième puissance spatiale dans le monde après les États-Unis, l’URSS et la Chine : une réussite qui confirme l’émergence et les ambitions grandissantes de l’Inde, mais qui cache de multiples défis à relever pour ce géant asiatique.

Une prouesse scientifique et technologique majeure pour l’Inde

Le 14 juillet, le vaisseau lunaire Chandrayaan-3 (« vaisseau lunaire » en sanskrit) décolle de Sriharikota, une île située à 80 km de Chennai. Plus d’un mois après, à l’aide de son module d’atterrissage baptisé Vikram (« vaillance), la mission atterrit sur le pôle Sud de la Lune. La fusée a auparavant dû effectuer cinq orbites elliptiques autour de la Terre pour être au maximum de sa vitesse.

Nous pouvons d’autant plus parler d’un succès pour deux raisons. D’une part, quatre jours auparavant, la sonde russe Luna-25 s’est écrasée sur la Lune. D’autre part, la mission a réussi l’exploit de se poser en douceur dans le pôle Sud, une région qui n’avait jamais été explorée auparavant et parfois appelée « face cachée de la lune ».

Également, la fusée Chandrayaan est bien moins puissante que celle du programme lunaire américain et de la fusée russe Soyouz. Enfin, le budget de cette mission n’est que de 69 millions d’euros, soit beaucoup moins que les missions habituelles de ce type.

En plus du module d’atterrissage, la fusée est constituée d’un rover baptisé Pragyan (« sagesse »), fonctionnant à l’énergie solaire qui va désormais explorer la surface de la Lune pendant deux semaines, ou une journée lunaire.

Cette réussite intervient quatre ans après la tentative infructueuse de Chandrayaan-2. En septembre 2019, une autre mission avait effectivement échoué à quelques kilomètres seulement de l’arrivée : l’engin, entré en orbite avec la Lune, avait alors perdu le contact avec la Terre et s’était crashé.

De grandes ambitions pour l’Inde en termes de conquête spatiale

L’ISRO, l’Organisation de recherche spatiale indienne, a été fondée en 1969 avec à l’origine un faible budget comparé aux autres grandes puissances. Or, aujourd’hui, elle fait partie des principales agences spatiales du monde avec une ingénierie spatiale de qualité qui a permis de renforcer les capacités météorologiques et les télécommunications du pays. En 2008, l’Inde a lancé sa première mission, nommée Chandrayaan-1, vers la Lune. En 2014, le pays devient le premier pays asiatique à envoyer un satellite en orbite autour de Mars avec sa mission Mars Orbiter Mission.

Après ces exploits retentissants, la « nouvelle quatrième puissance spatiale » se penche déjà sur d’autres objectifs. Le 2 septembre, l’Inde a débuté un programme spatial vers le Soleil en lançant sa sonde Aditya-L1 : l’objectif est d’observer ce qui se produit dans les couches extérieures du soleil afin d’avoir une meilleur compréhension de la formation des vents et des tempêtes par exemple. Si cette mission réussit, l’Inde deviendrait la première nation asiatique à placer en orbite un objet autour du Soleil.

Les ingénieurs indiens envisagent ainsi la possibilité d’un vol habité dès 2024, une première pour un pays asiatique. En multipliant les réussites spatiales, l’Inde espère bien se développer et faire avancer la société scientifiquement et technologiquement parlant.

L’Inde poursuit donc son émergence sur la scène internationale également sur le plan de la conquête spatiale. Il s’agit effectivement de la cinquième puissance économique mondiale et de la première puissance démographique devant la Chine.

Lire plus : La conquête spatiale : entre enjeux politiques, scientifiques et privés

L’Inde doit néanmoins relever nombre de défis avant d’émerger parmi les grandes puissances spatiales

Avant de prétendre au titre de puissance spatiale, l’Inde doit relever de multiples défis de première urgence. Tout d’abord, celui du développement. Ce géant asiatique a certes réussi à poser un engin sur la Lune, mais il peine encore par exemple à entretenir son réseau ferroviaire sur Terre qui est dangereux, vétuste et surchargé : un détail qui révèle un manque de crédibilité quand au statut de grande puissance pouvant rivaliser avec les États-Unis.

En outre, le budget alloué à la conquête spatiale s’élève à 1,6 milliards d’euros par an en 2023, soit douze fois moins que la NASA. Et pendant longtemps, cela lui a empêché de rivaliser avec les autres grandes puissances spatiales.

Le pays de Narendra Modi est également la cible de critiques à propos de sa conquête spatiale. Effectivement, l’Inde génère des quantités non négligeables de déchets spatiaux. En mars 2019, alors qu’elle a détruit un de ses missiles afin de tenter de se hisser parmi les grandes puissances spatiales, elle a créé près de 400 débris spatiaux, créant un danger pour les astronautes de l’ISS.

Lire plus : L’inde face au sous-développement

En conclusion, l’Inde compte bien rester sur sa lancée et multiplier les réussites spatiales. Cela dépendra notamment de la réussite de sa nouvelle mission vers le système solaire. Reste à savoir si elle réussira à s’affirmer comme une grande puissance spatiale aux côtés des États-Unis ou de la Chine.

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Bruno Jaballah