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ESH ESSEC / HEC 2025 – Analyse du sujet

Sommaire
ESH ESSEC HEC ANALYSE SUJET 2025

Retrouvez sans plus tarder l’analyse du sujet de l’épreuve d’ESH ESSEC / HEC tombé lors du concours 2025

Cette épreuve demande une compréhension approfondie des dynamiques économiques, sociologiques et historiques qui façonnent le monde actuel. Une réussite à ce concours ouvre les portes des écoles de commerce les plus prestigieuses de France !

Pour les candidats issus des filières ECG, l’épreuve d’ESH constitue bien plus qu’un simple exercice théorique : elle peut s’avérer décisive dans la réussite au concours, notamment dans les écoles où son coefficient est particulièrement élevé. Ce poids stratégique varie toutefois selon la spécialité choisie en mathématiques — approfondies ou appliquées — car les écoles attribuent des coefficients différents à l’épreuve d’ESH en fonction du profil du candidat. Ainsi, à performance égale, un étudiant peut voir sa note en ESH avoir un impact bien plus fort sur son classement final qu’un autre, en fonction des choix de spécialité effectués en début de prépa.

 

Pour les étudiants en Mathématiques Approfondies :

Les coefficients sont globalement modérés à élevés :

  • 5 : Audencia, Institut Mines-Télécom BS, ISC Paris, SCBS

  • 6 : HEC, ESSEC, ESCP, emlyon, SKEMA, INSEEC, BSB, ICN, Brest BS

  • 7 : EDHEC, Excelia, Grenoble EM, Clermont School of Business

Pour les étudiants en Mathématiques Appliquées :

Les disparités sont plus marquées :

  • 5 : ISC Paris, SCBS

  • 6 : Audencia, BSB, ICN, INSEEC, Institut Mines-Télécom BS, SKEMA

  • 7 : HEC, ESSEC, Excelia, TBS

  • 8 : emlyon, ESCP, EDHEC, Grenoble EM, Clermont School of Business

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POUR VOIR LE SUJET D’ESH ESSEC / HEC 2025 

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L’analyse du sujet d’ESH ESSEC / HEC 2025

Pour ce premier sujet d’économie, sociologie, histoire des concours BCE version 2025, nous avons eu le droit à une belle épreuve proposée par les concepteurs d’HEC et de l’ESSEC. En effet, ces deux dernières années, les sujets d’HEC/ESSEC ont été largement débattus dans la mesure où beaucoup les considéraient comme étant hors programme (notion de décroissance ainsi que sur les modalités de l’évaluation des politiques publiques). Les nouveaux concepteurs ont ainsi décidé de rompre avec cette tendance en inscrivant leur épreuve dans l’entièreté du programme d’ESH. Pour le sujet « les fractures sociales affectent-elles la réalisation des équilibres économiques ? », les étudiants pouvaient en effet se servir de la quasi-totalité de leurs cours des deux ans. On pouvait aller de la comptabilité nationale (définition des équilibres économiques) à la mondialisation en passant par les politiques économiques voire même par la sociologie afin d’analyser au mieux le terme de fracture sociale. Dans ce sujet, la difficulté était ainsi d’organiser sa pensée et de sélectionner les arguments plutôt que de les trouver tant ces derniers étaient nombreux. Encore plus que d’habitude, l’épreuve d’HEC/ESSEC mise sur la réflexion personnelle dans la mesure où les plans tout faits (du style I- Oui, II- Mais, III- Réformes) ne permettent pas vraiment de bien traiter le sujet. Pour aborder rapidement le sujet avant de démarrer l’analyse, il faut préciser que ce sujet n’est pas simple dans la mesure où il demande un véritable travail de définitions.

En effet, les termes de fracture sociale et d’équilibres économiques ne sont pas des définitions qui apparaissent directement dans les fiches de révision des étudiants (ce qui peut être le cas de termes comme cohésion sociale ou croissance économique par exemple). Les candidats devaient ainsi tenter de délimiter ces deux concepts afin de ne pas tomber dans des propos creux et convenus que l’on peut parfois entendre dans le débat public. Les fractures sociales, au pluriel, montre qu’il y avait la possibilité voire le devoir pour le candidat de dégager plusieurs fractures sociales. La fracture entre groupes sociaux peut être évidente d’un point de vue des revenus mais on peut aussi penser à une fracture sociale générationnelle (séniors vs jeunes), une fracture identitaire (avec la montée du score pour les parties qui refusent l’immigration), une fracture genrée (hommes/femmes). Il était même possible de créer des sous-ensembles au sein de ces fractures. En effet, la fracture en fonction du niveau de revenus pouvait être une fracture riches/pauvres, chômeurs/actifs, perdants vs gagnants de la mondialisation, détenteurs des moyens de production/travailleurs… Ce terme était donc plus large que le simple mot d’inégalités même s’il y a bien un lien entre les deux. En outre, le terme d’équilibres économiques ne doit pas être confondu avec celui de performances économiques (croissance, chômage, inflation…).

En effet, les différents équilibres économiques concernent des soldes économiques. Ce sont d’abord les soldes économiques qu’il est possible d’équilibrer en égalisant les recettes et les dépenses. Il fallait ainsi penser aux différents soldes macroéconomiques : équilibre budgétaire, commercial, entre épargne et investissements… L’équilibre économique peut aussi tout simplement se rattacher à la notion d’équilibre sur un marché (équilibre partiel d’A. Marshall) ou l’équilibre général que l’on retrouve dans la théorie néoclassique. Des marchés en situation d’équilibre partiel ou une économie qui connait un équilibre général peuvent s’entendre comme la réalisation des équilibres économiques. Dès lors, il s’agissait de comprendre si ces différentes sources de fractures entre des couches de la population ont un effet sur ces différents équilibres. Cet effet est-il positif, négatif ou neutre. On pouvait ainsi montrer que la fracture sociale engendre de la défiance qui est négative pour l’atteinte d’un optimum de Pareto par exemple.

Pour ceux qui le souhaitent, nous continuons cette analyse avec un plan détaillé sur le sujet d’ESH HEC/ESSEC 2025. Nous vous rappelons ici que ce n’est qu’une proposition de plan qui n’est en rien la réponse et solution unique au sujet.

L’exercice de dissertation permet en effet de développer une pluralité de points de vue, encore plus lorsque l’on est devant un tel sujet ! Ainsi, si votre développement ne reprend pas exactement les éléments de ce corrigé, il ne faut pas vous inquiéter. De même, la qualité du développement faisant partie intégrante de la notation, ce n’est pas parce que vous avez un plan similaire à ce corrigé que vous aurez la note maximale !

Analyse du sujet :

  • Accroche : Dans « Help for the heartland » (2024), D. Autor et D. Dorn s’étonnent de voir que les perdants économiques de la guerre commerciale menée par D. Trump lors de son premier mandat ont aussi été ceux qui étaient plus enclins à le revoir au pouvoir en 2020 et a fortiori en 2024 (même si le travail des auteurs est publié avant la dernière élection). Les auteurs expliquent que la guerre commerciale et les droits de douane font partie d’un récit politique protectionniste qui fonctionne bien auprès des perdants de la mondialisation (alors même que cela leur nuit en réalité). Dès lors, la fracture sociale au sein de la société américaine entre perdants et gagnants de la mondialisation ou plutôt la fracture entre les nowhere (partout) et somewhere (quelque part) pour reprendre D. Goodhart, « les deux clans » (2019) permet de comprendre le succès électoral de D. Trump qui nuit in fine à la réalisation des équilibres macroéconomiques puisque lors de son premier mandat, le président a connu une recrudescence des déficits jumeaux (5,8% de déficit public en 2018 ainsi qu’une augmentation d’environ 300 milliards de dollars de déficit commercial). Ici, la fracture américaine qui a amené D. Trump au pouvoir et qui l’a amené à proposer ce programme populiste affecte négativement la réalisation des équilibres commerciaux.

 

  • Les fractures sociales : Dans « l’archipel français » (2019), J. Fourquet montre que la société française se fragmente socialement avec l’idée que ces fractures se traduisent par une autonomisation de communautés indépendantes qui vivent en « archipels », qui ne communiquent plus. Il cite notamment la fracture sociale entre les élites et la France d’en bas symbolisée par les gilets jaunes, la fracture identitaire autour de l’immigration, la fracture territoriale entre habitants des villes et des campagnes… Plus globalement, nous dirons qu’une fracture sociale correspond à une cassure entre différents groupes sociaux (âge, sexe, revenu, propriété ou non des moyens de production) qui provient d’une inégalité objective et subjective. Une inégalité devient fracture lorsqu’elle est ressentie comme telle par ceux qui en seraient victimes. La fracture correspond donc à une inégalité en soi et pour soi pour paraphraser K. Marx.


Affecter : Le terme affecter dispose généralement d’une connotation négative. En effet quand quelque chose nous affecte personnellement, cela revient généralement à dire que cette chose nous rend triste ou nous fait vivre des émotions négatives. Ainsi affecter ici reviendrait à dire que les fractures sociales influencent de manière négative l’atteinte des équilibres économiques. On pourra aussi considérer que les fractures sociales dans certains cas, affectent positivement, influencent la réalisation de ces équilibres. 

 

  • Les équilibres économiques : la notion d’équilibre en français implique qu’une entité soit équilibrée par une autre entité. Dès lors les équilibres économiques correspondent à l’équilibre des différents soldes économiques que l’on peut retrouver dans le tableau économique d’ensemble (comptabilité nationale). En effet, dans ce TEE, on retrouve notamment le besoin/capacité de financement vis-à-vis du RDM (équilibre commercial), le besoin/capacité de financement des APU (équilibre budgétaire). On peut par extension retrouver l’équilibre interne entre épargne et investissement en regardant les comptes d’utilisation du revenu. Plus largement, la notion d’équilibre en économie revient à l’équilibre d’un marché (partiel) ou de tous les marchés (général). Finalement, on peut voir un sens plus politique/idéologique à l’idée d’équilibre. Ainsi, en utilisant la théorie de la régulation (Aglietta, Boyer), on pourrait stipuler que l’acceptation d’un compromis social, d’un mode de régulation représente une situation d’équilibre économique. 

 

  • La réalisation des équilibres économiques : Finalement, la réalisation implique l’atteinte de ces équilibres formulés en tant qu’objectifs.

 

  • Problématique : Les différents facteurs de fragmentation des sociétés occidentales ont-ils pour conséquence une déstabilisation des différents équilibres politico-économiques ? Ne peut-on pas imaginer que ces inégalités soient aussi nécessaires à l’atteinte d’un équilibre ?

I. Les fractures sociales semblent nécessaires à l’atteinte des équilibres économiques, elles affectent donc positivement la réalisation des équilibres :

A. Tout équilibre de marché s’obtient dans un contexte inégalitaire qui s’apparente à une fracture sociale :

  • Le premier théorème de l’économie du bien-être stipule que tout équilibre concurrentiel est un optimum de Pareto. Ainsi la réalisation de l’équilibre économique de base (c’est-à-dire l’équilibre général qui est présent dans la théorie de L. Walras, « Éléments d’économie politique pure », 1874) se traduit par une situation Pareto-optimale.
  • Il est intéressant de remarquer que V. Pareto considérait que les inégalités relevaient des actions plutôt illogiques que devait analyser le sociologue et non l’économiste. Ainsi, chez Pareto l’optimum économique se traduit par une situation dans laquelle il est impossible d’accroître le bien-être d’un agent sans faire décroître le bien-être d’un autre. Ici la réalisation d’un équilibre économique se traduit donc par des inégalités source de fracture sociale.
  • Sauf à considérer que l’égalité totale est à l’origine de l’équilibre général, il faut ainsi plutôt comprendre que la théorie néoclassique considère que la réalisation d’un équilibre économique se fait de concert avec l’existence de fractures sociales. L’optimum se crée par les fractures sociales qui deviennent une caractéristique de celui-ci. On pourrait ici utiliser la courbe des contrats issue de la boite d’Edgeworth.

B. En outre, les fractures sociales ne sont pas synonymes d’un déséquilibre partiel mais plutôt d’un équilibre différent :

  • Si l’on raisonne dans le cadre d’un marché (équilibre partiel comme chez A. Marshall), il est possible de définir la réalisation d’un équilibre économique comme la rencontre d’une offre et d’une demande. 
  • Imaginons une fracture sociale entre les plus riches et les plus pauvres, cette fracture est donc synonyme d’inégalités de revenus qui nuit potentiellement à la consommation comme le montre la loi psychologique fondamentale de Keynes dans sa « théorie générale »
  • L’apparition d’une fracture sociale se traduit alors ici par une baisse de la demande en raison d’une forte propension à épargner des plus favorisés. Cette chute de la demande ne crée pas directement un déséquilibre sur le marché concerné mais plutôt un équilibre récessif avec une demande moins forte.
  • Graphique de la croix de Marshall avec la courbe de demande qui va vers la gauche en cas de facture sociale.

C. Finalement, on pourrait même dire que les fractures sociales peuvent être un moyen d’affecter positivement les équilibres économiques en changeant de mode de régulation :

  • La théorie des classes sociales présentée par K. Marx & F. Engels, « Le manifeste du parti communiste » (1844) montre bien que la société se caractérise par une forte fracture sociale. Cette facture oppose les propriétaires des moyens de production aux prolétaires qui sont exploités. On parle ici de fracture dans la mesure où elle est progressivement conscientisée par les deux parties dans le cadre d’une certaine lutte des classes. 

  • Cette lutte des classes se traduit chez K. Marx par le renversement du capitalisme et l’installation du communisme. Ce communisme est donc un nouvel équilibre politico-économique plus enviable selon K. Marx dans la mesure où il permet de résorber cette fracture sociale.

  • Les utopies socialistes (C. Fourier avec le phalanstère, T. More et son utopie…) sont des projets de société qui pourraient émerger dans un post-capitalisme qui n’est possible qu’en cas de révolte face à la fracture sociale existentielle du capitalisme. Ici les fractures sociales permettent d’affecter positivement l’équilibre politico-économique. 

  • L. Blanc (1839) : « L’égalité n’existera d’une manière véritable que lorsque chacun produira selon ses facultés et consommera selon ses besoins ».

II. Pour autant, ces fractures sont aussi source de déstabilisation macroéconomique, ce qui perturbe donc l’atteinte des équilibres purement macroéconomiques :

A. Les fractures sociales et générationnelles se traduisent généralement par un déséquilibre budgétaire :

  • Les fractures sociales lorsqu’elles sont intériorisées sont généralement à l’origine de mouvements sociaux importants comme celui des Gilets Jaunes. Ce mouvement s’explique par P. Rosanvallon dans « Les épreuves de la vie » (2021) par une fracture sociale et territoriale. Ces fractures engendrent donc des revendications sociales (baisses d’impôts, hausse des dépenses publiques…).
  • Dans le cadre des thèses du Public Choice notamment celle du cycle politico-électoral de W. Nordhaus, on peut très bien imaginer que les représentants politiques décident de mettre en œuvre une politique budgétaire active afin de calmer le mouvement, maximiser les chances de réélection mais par-là creuser le déficit public. Ex : E. Macron a, face à la colère des gilets jaunes, baisser les recettes fiscales via la renonciation de l’augmentation de la contribution climat énergie (+pas d’impôts sur les primes,) et augmenter les dépenses publiques (prime d’activité).
  • On constate en outre que la fracture générationnelle entre séniors et actifs que théorise L. Chauvel dans « le destin des générations » (1999) rend tout débat sur les systèmes de retraite explosif. Les retraités considèrent qu’ils méritent leur retraite donc ne veulent pas voir une baisse de leur pension alors que les actifs se plaignent de donner de l’argent à des personnes plus riches qu’elles et ne veulent donc pas travailler ou cotiser plus. Dès lors, c’est l’équilibre budgétaire du système par répartition français qui est en danger selon le COR présidé par G. Cette

B. En outre, les fractures sociales tendent aussi à complexifier l’équilibre interne I=S :

  • Normalement en macroéconomie, on considère que le revenu est égal à la consommation plus l’épargne ainsi qu’à la consommation plus l’investissement. Y = C+I et Y=C+S. De là, on donne l’équation macroéconomique de base I = S.
  • Or cet équilibre n’est pas du tout assuré en période de fractures sociales. En effet, les fractures sociales créent un climat de défiance qui est négatif pour les performances économiques selon Y. Algan & P. Cahuc dans « la société de défiance » (2007).
  • Cette défiance se caractérise généralement par une incertitude qui pousse à l’épargne de précaution (un des trois motifs de l’épargne chez Keynes) et qui désincite les investisseurs d’accroître leur participation. 
  • La fracture sociale française autour des retraites a installé un climat de défiance qui a ralenti largement l’optimisme des investisseurs (notamment étrangers) pour venir en France. Le climat social français est donné comme motif d’inquiétude des entreprises qui avaient prévu de s’installer en France selon le baromètre des IDE d’EY. Une fracture sociale qui se traduit par de la défiance va généralement être à l’origine d’un excédent d’épargne et d’un manque d’investissement. 

C. Finalement, l’équilibre commercial est aussi mis en difficulté par les fractures sociales :

  • Selon M. Klein et M. Pettis, « Les guerres commerciales sont des guerres de classe » (2020). Ils montrent que le conflit commercial entre USA et Chine de 2018 n’est pas un conflit entre pays mais bien un conflit chinois. En effet, la fracture sociale entre riches et pauvres est tellement forte en Chine que le coup du travail en Chine est toujours très faible, ce qui est une forme de concurrence déloyale. La fracture sociale explique donc l’excédent chinois et le déficit américain. Si les riches chinois acceptaient de payer plus d’impôts et les décideurs politiques acceptaient de mettre en place une véritable protection sociale alors le taux d’épargne pourrait baisser en chute, dès lors la consommation relancerait les importations (m propension marginale à épargner) et donc diminuerait les déséquilibres commerciaux.
  • On retrouve dans cet exemple l’équation des déficits jumeaux : T-G + S-I = X-M. Si l’on prend l’hypothèse que T-G est équilibré alors tout excédent d’épargne intérieur (B) se traduit aussi par un déséquilibre (excédent) commercial. C’est aussi cela que la France (et l’Europe du Sud) a longtemps reproché à l’Allemagne qui ne souhaitait pas relancer l’investissement public et la consommation des plus pauvres (diminuer la fracture sociale) afin de rester compétitif. Ainsi la fracture sociale explique les excédents commerciaux des uns et les déficits des autres dans une vision néomercantiliste du commerce, ce que P. Krugman (1997) critique sous le nom de théorie pop du commerce international.

III. Finalement, ces fractures sociales peuvent aussi complexifier la réalisation d’un équilibre politico-économique :

A. Les fractures sociales remettent en cause l’équilibre de tout régime économique fondée sur la démocratie :

  • Dans plusieurs pays développés, les fractures sociales relatives au revenu/patrimoine ainsi qu’aux perdants et gagnants de la mondialisation s’accroissent. 
  • Dans la théorie de la régulation (R. Boyer, « Théorie de la régulation : un état des savoirs », 2002), toute société est régie par un mode de régulation, une forme de compromis qui édicte les relations sociales et économiques dans un territoire donnée. Ce compromis lorsqu’il est stable peut être caractérisé d’équilibre politico-économique.
  • Ces fractures sociales remettent largement en cause les règles fondamentales de nos régimes économiques : le consentement à l’impôt recule dans beaucoup de pays développés notamment en France. Selon A. Spire, « Les déterminants sociaux du sentiment d’injustice fiscale » (2019) : « 88% des français pensent que la France est un pays où on paie trop d’impôts ».
  • Les classes moyennes, socle de notre équilibre économique se sentent lésées et une conscience triangulaire apparait (O. Schwartz, 2009) : ils critiquent les assistés ainsi que les riches qui peuvent s’extraire du système d’imposition grâce à la mondialisation économique et financière. 
  • L’équilibre politico-économique qui se base ainsi sur l’acceptation de l’impôt (DDHC) semble être mis en danger par les différentes fractures sociales.

 

B. Le nouvel équilibre politico-économique vers lequel nous tendons en raison de ces fractures sociales ne semble pas permettre la réalisation des équilibres macroéconomiques :

  • Dans « Les origines du populisme » (2019), Y. Algan et D. Cohen montrent que le vote populiste croit en raison des différentes fractures sociales (accès à l’emploi, inégalités de revenus…). Ainsi, le vote Trump, Le Pen ou pro-Brexit ont en commun selon les auteurs de concerner des individus peu confiants en l’avenir et défavorisés en termes de conditions matérielles. Ainsi les fractures sociales vives en Europe ou aux USA risquent de faire advenir au pouvoir des régimes populistes (déjà le cas aux USA).

  • Par ce biais, les fractures sociales vont alors affecter négativement les équilibres macroéconomiques puisque les populistes sont souvent meilleurs en rhétorique incarnant une autorité charismatique (M. Weber, 1921) plus qu’une autorité légale-rationnelle.

  • C’est ainsi que dans « Les économistes répondent aux populistes » (2022), A. Cartapanis rappelle que les expériences populistes ne sont pas concluantes d’un point de vue économique. On en a la preuve avec D. Trump qui accumule les déséquilibres commerciaux et publics. De plus, en dénonçant l’immigration, les populistes disposent d’un discours électoral fort mais qui risque de déstabiliser un dernier équilibre économique : celui du marché du travail.

  • Dans des pays vieillissants, l’équilibre sur le marché du travail et celui du système de retraites dépendra en partie des immigrés selon M. Sbaihi dans « Les balançoires vides » (2025). Les fractures sociales risquent ainsi d’affecter l’équilibre politico-économique de notre société et par-là d’affecter négativement les équilibres macroéconomiques tant ce n’est pas la priorité des populistes…

Conclusion :

Nous avons donc vu que les fractures sociales entendues comme des inégalités plus ou moins conscientisées étaient parfois nécessaires à la réalisation des équilibres économiques et politico-économiques. Pour autant, lorsqu’elles deviennent générales et fortes, cette politique engendre une défiance généralisée et des mouvements sociaux qui nuisent à l’atteinte de l’équilibre budgétaire, commercial et interne. Finalement, le risque le plus grand est sans doute que ces fractures sociales affectent notre équilibre politico-économique (mode de régulation). Dans ce cas, le remède risque d’être pire que le mal. On pourra alors affirmer que les fractures sociales ont définitivement affecté négativement les équilibres macroéconomiques.

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Léo Bedenc
Diplômé emlyon et SciencesPo Lyon après une prépa ECE à Bordeaux, je suis également agrégé en S.E.S et j'interviens régulièrement sur Mister Prépa en ESH.