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Khâgne : morales antiques et morales modernes, quelle différence ?

Sommaire

Juger de la moralité de quelque chose, ou de l’acte d’une personne, c’est juger si la chose ou l’acte relève du bien ou du mal : la moralité est de nos jours au centre d’une dualité permanente.

Cependant, cette définition de la morale, qui nous semble aujourd’hui assez évidente, n’a pas toujours été de mise. En effet, si Kant et Aristote s’asseyaient à une table pour parler de moralité, ils se rendraient vite compte qu’ils n’envisagent pas cette notion selon le même référentiel.

En quoi peut-on dire que la définition même de la morale a évolué à travers le temps?

A la fin de cet article, vous serez au clair sur la distinction entre morale antique et morale moderne.

I – La morale antique : vertu et nature

1. La vertu chez les Grecs

Pour les Anciens, la notion de moralité repose sur l’idée de vertu (qui se dit “arété” en grec). En réalité, c’est toute la notion d’éthique, c’est-à-dire de réflexion sur les valeurs morales qui dictent nos façons d’agir, qui était autrefois fondée sur le concept de vertu. Pour les Grecs, la vertu est un idéal social vers lequel les individus doivent tendre.

Par exemple, Aristote rapproche la vertu d’une sagesse pratique, appelée “phronèsis”, qui permet à l’homme de mener une vie accomplie. La notion de vertu repose donc elle-même sur celle de la finalité, le “télos” en grec (notion plutôt importante à connaître). Le “télos” se définit par la finalité vers lequel un individu ou une chose doit tendre. Être vertueux, chez les grecs, c’est donc accomplir son “télos”, sa finalité.

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2. Tout objet a une finalité

A noter que, pour eux, la notion de vertu est plus large que l’usage qu’on en fait aujourd’hui. En effet, on peut parler de vertu, d’arété, pour tous types de choses, en partant du principe que chaque objet ou être a toujours sa propre finalité. Ainsi, fait preuve d’arété un objet qui remplit bien sa fonction d’objet, ou un animal qui remplit bien sa fonction, sa “finalité” en tant qu’animal.

On comprend donc que dans la Grèce antique, la vertu, et par extension la moralité détient une composante essentiellement politique et sociale. Est moral ce qui répond à sa finalité, finalité qui s’inscrit naturellement dans le cadre du bon fonctionnement de la société.

La notion de moralité va cependant évoluer vers une dimension encore plus étendue. En effet, les Stoïciens vont concéder à la moralité une dimension cosmique. Pour les grecs, rappelons que le monde est perçu ni plus ni moins comme un “kosmos”, c’est-à-dire un tout harmonieux, complet, ordonné. La vertu consiste donc à vivre selon les lois du kosmos, en accord avec la nature, cette instance suprême qui dicte ses propres loi . La nature, chez les grecs, représente une norme, un modèle, un devoir-être.

II – La morale moderne : volontés individuelles et lois sociétales

Pour la modernité, la morale n’est plus immanente à la nature, telle qu’elle l’est dans la perception cosmique des Stoïciens, mais à la raison. On passe donc de la perception cosmique à la perception rationnelle.

Le philosophe Emmanuel Kant est un des principaux représentants de la moralité moderne. Pour ce dernier, pas question que la moralité se fonde sur des finalités extérieures : est moral ce qui est conforme à la loi morale. Cette loi morale est fondamentalement rationnelle (et non pas cosmique).

Cette perception de la moralité comme immanent à l’homme et à sa rationalité change donc le rapport de l’homme au monde. Il n’est plus déterminé par les lois du cosmos, mais doit se déterminer tout seul, de façon autonome et individuelle, selon sa compréhension des lois rationnelles. Pour que cela fonctionne, Kant précise bien que les lois morales sont universelles.

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Conclusion

Pour conclure, la moralité a bien connu un changement de référentiel au cours des siècles. Si, pour les Grecs, elle se fonde sur les lois de la nature et sur une conception téléologique du monde (selon laquelle les choses et les êtres doivent tout simplement accomplir leur finalité), la morale moderne tourne le dos à cette conception pour préférer une morale fondée sur les lois rationnelles universelles.

Soit dit en passant, il est intéressant de souligner que cette évolution de la moralité reflète bien les changements sociétaux historiques, entre un monde ancien centré sur la communauté et le monde, et un monde moderne de plus en plus centré sur l’individu.

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Cindy Moreira