L’Odyssée est un texte fondateur de la civilisation occidentale. Cette épopée que l’on attribue à Homère et qu’on date de la fin du 8ème siècle avant J-C, nous permet de réfléchir aux différentes façons dont nous utilisons communément le verbe « aimer ».
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Résumé
Ce récit raconte le voyage d’Ulysse le roi d’Ithaque de Troie à sa patrie. L’homme aux mille tours et ses compagnons doivent faire preuves de ruses pour surmonter les obstacles que leur opposent les Dieux. Ulysse mettra dix ans pour rentrer chez lui, sa persévérance illustrant ainsi l’amour pour sa terre natale mais aussi pour sa maisonnée.
Philia – φιλία
L’amitié peut se définir comme un lien d’affection qui lie deux personnes. Étymologiquement, c’est un pacte qui lie deux êtres dans une relation de confiance. Celle-ci contrairement à l’amour érotique ne réside pas d’un manque que l’on chercherait à combler mais d’une relation désintéressée. Cette affection peut s’illustrer par le chant XI lorsque Ulysse rentre en contact avec les morts (rituel nommé nekuia). La première âme qu’il voit est celle de son compagnon Elpénor, laissé mort et sans sépulture chez Circé. La tristesse envahie alors Ulysse : « je pleurai quand je le vis, pris de pitié ». Ulysse tente également de protéger ses compagnons notamment lorsqu’il leur demande de se boucher les oreilles avec de la cire, pour ne pas entendre le chant des sirènes. La relation amicale a pour but dans le cadre de l’épopée de mettre en valeur Ulysse en le démarquant de ses amis par sa ruse et sa générosité.
Storgé – στοργή
L’amour filial est l’affection en jeu dans une relation de parenté. Cela s’illustre notamment par la tendresse qui lie Télémaque et Ulysse. Pour convaincre Ulysse de participer à la guerre de Troie, l’envoyé de Ménélas Paramède menace de tuer Télémaque. C’est donc par amour que Ulysse entreprend le voyage qui fera de lui un héros. L’enfant révèle ainsi ce qu’il y a de meilleur chez le parent. Par ailleurs, cet amour est aussi marqué par l’admiration des enfants pour leurs parents. Au chant XVI, Télémaque prend ainsi Ulysse pour un Dieu : « Tu n’es pas Ulysse. Nul mortel n’aurait pu machiner cela ».
Eros – ἔρως
C’est l’amour charnel. Dans l’épopée, Ulysse désire Calypso et ces deux protagonistes consomment leur amour chaque soir pendant sept ans. Mais cet amour n’est qu’une attirance physique consistant à combler un manque physiologique. Alors que la nymphe propose à Ulysse l’immortalité pour le retenir, celui-ci décide de poursuivre son voyage de retour, par amour pour Pénélope : « il ne restait que lui à toujours désirer le retour et sa femme » ( chant V). C’est ce refus de l’immortalité qui en fait un héros puisque cela lui permet de rentrer faire le récit de son épopée.
Agapè-ἀγάπη
C’est la forme d’amour la plus pure. C’est l’amour de l’adoration divine. L’odyssée opère ainsi un renversement: Ulysse préfère Pénélope à une déesse. Cet amour est ainsi symbolisé par la fidélité des deux époux: Pénélope refusant ses prétendants tant qu’elle ne finissait pas une toile qu’elle défaisait chaque nuit et Ulysse refusant l’immortalité et « la déesse aux beaux cheveux ».
Ayant peur de se faire duper par un usurpateur lors du retour d’Ulysse, Penelope met en place une ruse: le faire coucher dans un lit différent de leur lit conjugal. Ulysse s’en étonne ce qui confirme à Pénélope le retour de son mari. Cela n’est pas anodin puisque le lit conjugal est conçu dans un olivier, symbole de l’enracinement de leur amour et de sa fécondité puisqu’il engendra plusieurs enfants et une épopée.
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Ainsi, les termes grecs permettent de comprendre toute la complexité du terme « aimer », qui renvoie à des sentiments bien différents selon les objets qui lui sont attribués, comme l’illustre bien l’odyssée