Le Traité de l’Élysée en 1963 a officialisé la réconciliation entre la France et l’Allemagne et a ouvert une ère de coopération sans précédent entre les 2 pays. Robert Schuman ministre français des affaires étrangères, est le premier à penser la relation franco-allemande comme la base d’une Europe unie. Il avait proposé en 1950 que les 2 pays mettent en commun leurs ressources en charbon et acier. Aujourd’hui son projet s’est concrétisé : la France est le premier partenaire commercial de l’Allemagne et cela ne se limite pas au domaine économique. Mais, les récents désaccords entre les deux premières économies de l’Union Européenne (UE) met en péril la stabilité installée dans la relation et l’avenir de l’UE.
Une amitié synonyme de rapprochement culturel et militaire
L’esprit du traité de l’Élysée s’est traduit par l’office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) et de nombreux jumelages de villes et établissements scolaires, ainsi que la tradition des sommets franco-allemands destinés à des échanges sur les questions bilatérales. De plus, les chefs de gouvernement des deux pays forment souvent des couples franco-allemands efficaces qui approfondissent ensemble le projet européen. Nous pouvons penser par exemple à :
- De Gaulle-Adenauer
- Kohl-Mitterrand
- Merkel-Macron.
La chaîne culturelle Arte, qui fonctionne dans les deux langues, est un autre exemple de cette coopération réussie.
La coopération s’est également intensifiée en dehors du cadre de l’OTAN. En 1989, la brigade franco-allemande est placée sous l’autorité de l’Eurocorps dans laquelle les deux pays fournissent un nombre égal de bataillons. L’Allemagne et la France avaient en effet l’habitude de converger dans leurs propos sur la question militaire. L’exemple de la crise irakienne de 2003 le montre: ils avaient tout deux refusé d’envoyer des troupes en Irak pour combattre “l’Axe du mal”, selon les termes du président américain Bush.
Mais la relation prends de l’âge : le couple franco-allemand est en crise
Pour la première fois, en octobre 2022, le conseil des ministres franco-allemands prévu à Fontainebleau a été annulé et reporté, en raison des divergences sur plusieurs dossiers. La crise profonde est majoritairement dû aux désaccords entre les deux pays. Principalement sur le nucléaire, l’énergie, l’armement, le prix du gaz ou la politique ukrainienne.
Emmanuel Macron a même souligné en 2022 que le gouvernement allemand agissait en “cavalier seul” en rapport aux mesures prises par Olaf Scholz, le chancelier allemand, sans concertation de son partenaire français. C’est le cas de l’annonce d’un plan de de soulagement national de 200 milliards d’euros en octobre 2022, pour lutter contre l’inflation galopante. Ce conflit a par ailleurs été alimenté par le fait que l’économie allemande s’est presque toujours plus développée que l’économie française. Si le produit national brut par habitant était le même dans les années 1990, celui de l’Allemagne est désormais 30% plus élevée que la France. Cela est dû en partie grace à son industrie florissante qui intéresse de près la Chine.
Autre sujet qui a participé à refroidir les relations franco-allemandes est la visite du chancelier Olaf Scholz en Chine à l’automne dernier. E Macron est inquiet de l’influence croissante de la Chine dans l’économie allemande. Particulièrement depuis que le géant chinois Cosco a pris une participation de 25% du port de Hambourg.
Les divergences de politiques énergétiques contribuent aussi à refroidir le dialogue. En 2021, A. Bauerbock, ministre allemande de l’environnement, a refusé de classer le nucléaire et le gaz comme “énergie verte”. La France au contraire votait en faveur. Il est important de rappeler que l’Allemagne utilise encore massivement des centrales à charbon pour produire de l’électricité et s’oppose fermement au nucléaire. Cette source d’énergie primaire est pourtant la plus utilisée en France.
Y’a t-il des solutions franco-allemandes en réponse au défi de la mondialisation ?
Malgré certains désaccords politiques, l’Allemagne et la France restent l’une pour l’autre le premier partenaire commercial. Mais elles n’ont pas de politiques industrielles ou économiques commune. Une réponse franco-allemande aux défis de la mondialisation qui met à mal les modèles économiques traditionnels du capitalisme rhénan (en Allemagne) et de l’interventionnisme d’état (en France) n’est pas encore envisagée. L’Europe continue ainsi de perdre des parts de marchés au profit de la Chine ou de l’Inde.
De même, une défense commune n’est pas à l’ordre du jour. En mars 2023, Olaf Scholz a par exemple annoncé 100 milliards d’euros de dépenses d’armement, consacré a réarmer le pays. Ce dernier intervient dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’Allemagne soutient en effet massivement le gouvernement ukrainien en envoyant des armes. Cette décision d’augmenter considérablement les dépenses nationales en matière de défense a refroidi le gouvernement français qui mise d’avantage sur une défense européenne.
Au fond, la vraie question est de savoir si les Français et les Allemands ont une vision commune de l’avenir de l’Europe. Aujourd’hui, il est évident que la réponse à cette question est non. Surtout depuis le rejet français de la constitution européenne en 2005. Pourtant, une Europe même à géométrie variable ne peut se concevoir sans une étroite collaboration entre la France et l’Allemagne qui en sont les moteurs.