Dans cet article, nous te proposons un petit retour en arrière dans l’histoire afin de comprendre comment la révolution des transports a fortement contribuer au développement économique
I/ Des effets sur l’offre et la demande
Lire plus : Les grandes crises économiques du capitalisme depuis la révolution industrielle
A/ Les différentes étapes de la révolution des transport
Selon François Crouzet, on assiste après 1750 a une « demi révolution » des transports. Le réseau routier s’étend et une véritable « fièvre des canaux » s’empare des pays européens.
Ainsi, grâce à des capitaux privés qui financent des routes à péages, la Grande Bretagne comble rapidement son retard sur le continent. Le réseau principal s’étend de 3000 miles en 1750 à 15000 miles en 1770 , et en 1840 on compte 8000 barrières de péage sur l’ensemble du territoire britannique. Le réseau des voies navigables est achevé en Angleterre en 1830 et les canaux sont devenus jusqu’au milieu du 19ème siècle le mode de transport privilégié pour les marchandises.
La seconde étape de la révolution des transports est constituée par la mise au point et la construction rapide des chemin de fer. Dès 1850, plus de 20000 km de voies ferrées sont exploitées en Europe dont la moitié environ en Grande Bretagne. Au cours des deux décennies suivantes le réseau européen sera multiplié par 4 , puis encore par deux avant la fin du siècle.
B/ La révolution des transports a des effets sur l’offre
Faciliter le transport des marchandises permet de répondre aux besoins de l’industrie dont la demande est en expansion pour les matières premières (surtout le charbon), pour les matériaux de construction (bois, tuiles), et pour les produits agricoles (blé, seigle, fumier).
Les canaux permettent alors une baisse spectaculaire des coûts. Par exemple, le duc de Bridgewater initiateur du mouvement en Grande Bretagne vers 1750 est propriétaire de mines. Il divisera par deux le prix de son charbon grâce au canal qu’il fera aménager jusqu’au port de Liverpool.
Par rapport aux transports terrestres, les coûts seront finalement divisés par quatre. Adam Smith dans la « richesse des nations » fera le calcul d’une augmentation spectaculaire de la productivité.
Selon lui, le transport fluvial permet à huit hommes d’en remplacer cent sur les routes entre Londres et Edimbourg. Si le secteur des transports devient, surtout avec le rail , la source de grappes d’innovations pour améliorer par exemple les performances des locomotives, il est surtout intégré à un nouveau système technique. La demande de produits métallurgiques est ainsi dopée par la construction des voies et des locomotives. En Grande Bretagne, le boom ferroviaire absorbera entre 1830 et 1850 presque 20% de la production de fonte, et 40% de la production de fer. Les mêmes effets d’entraînement auront lieu pour la production de charbon, la construction mécanique, mais aussi dans le secteur textile, les travaux publics, le bâtiment et l’ensemble des matériaux de construction. Les créations d’emplois sont considérables et se comptent par centaine de milliers, 300000 personnes sont en Angleterre occupés à la construction des infrastructures.
C/ Les conséquences sur la taille du marché
Des transports améliorés, c’est aussi et surtout un marché plus vaste qui peut favoriser la croissance. Si les ventes augmentent, les entreprises doivent et peuvent accroître la division travail, changer d’échelle de production, et baisser leur prix. Les marchés sont aussi plus homogènes, les variations des prix s’estompent entre les régions qui se spécialisent alors en fonction des avantages propres à chacune (sous sol, climat, traditions ).
Le commerce extérieur connaît également une croissance inédite au 18ème siècle pour tous les pays en voie d’industrialisation, et plus particulièrement pour la Grande Bretagne où la part des exportations dans le revenu national double entre 1700 et 1800. Enfin, selon Patrick Verley, la sécurisation des transports permet la mise en place de réseaux commerciaux qui partent des ports vers Londres et Paris, puis de là vers les villes moyennes, rendant possible la vente aux détails.
II/ La révolution des transports est indispensable à toute révolution industrielle
A/ Le chemin de fer structure le capitalisme
On peut mettre en évidence trois canaux par lesquels la mise en place du réseau structure le capitalisme : Les transformation des grandes entreprises , le développement du marché des capitaux, et l’ évolution du rôle de l’Etat.
Les compagnies de chemin de fer ont été les premières véritables entreprises modernes en raison des difficultés spécifiques qu’elles rencontraient. Si la construction des voies renvoyait à des pratiques que l’on retrouvait également dans l’industrie lourde (capital important, difficultés techniques, financement et rentabilisation à long terme), la gestion du personnel qu’elles ont due mettre en place était inconnue jusque là, en particulier l’organisation de la hiérarchie et des déroulements de carrières).
Ensuite, on sait que les compagnies de construction de canaux avaient déjà nécessité un financement par actions. Mais, c’est au cours de la décennie 1840 avec le placement des actions de chemins de fer que s’organisera vraiment le financement externe de l’investissement favorisant ainsi la constitution de nouvelles banques. La compagnie du Nord compte par exemple quelques 20000 actionnaires dès 1845. L’émission d’emprunts obligataires permet d’élargir le nombre des participants à cette économie d’un type nouveau.
Enfin, à l’exception de la Grande Bretagne qui confie la construction et l’organisation du réseau à l’initiative privée, dans les autres pays, l’intervention de l’Etat a été déterminante. En France, c’est par exemple la loi de 1842 qui partage les tâches entre les pouvoirs publics qui achètent les terrains et construisent les infrastructures (voies, gares, viaducs…), et les compagnies qui exploitent le réseau et fournissent le matériel roulant.
B/ La révolution ferroviaire à l’origine des cycles
Malgré son importance, l’ investissement ferroviaire ne dépassa jamais plus du quart de l’investissement total. Mais, compte tenu de sa place prépondérante sur les marchés de valeurs mobilières, il est en grande partie responsable des fluctuations économiques du milieu du 19ème siècle.
Les crises de 1837 et 1847 en Grande Bretagne, celles en France de 1847 et 1857, sont directement associées à la spéculation sur les chemins de fer. Le secteur présente à l’époque les caractéristiques d’une nouvelle économie, c’est à dire une forte tendance du marché à sur – estimer la rentabilité des investissements, ce qui s’avère être propice à la formation de bulles spéculatives. Les compagnies de chemins de fer représentent ainsi à elles seules 60% de la capitalisation boursière sur la place de Londres entre 1834 et 1836. En France, c’est la crise de 1857 qui exigea une intervention de l’Etat pour garantir les obligations des compagnies permettant ensuite une accalmie durable sur les marchés. Enfin, si la crise de 1882 est encore liée au réseau secondaire de chemins de fer à travers le plan Freycinet, elle sanctionne surtout l’échec de la politique publique, par contre en Allemagne, la spéculation n’atteindra son maximum qu’ au début de la décennie 1870.
C/ Les transports comme innovation majeure
Les innovations dans le secteur des transports, parce qu’elles sont associées à des nouvelles sources d’énergie, sont des innovations majeures à l’origine des phases d’essor de type Kondratieff. Le chemin de fer coïncide ainsi avec le second cycle long qui s’amorce en 1848, tandis qu’à la belle époque, les transports urbains seront parmi les applications les plus spectaculaires de l’électrification. Ainsi, en admettant que l’économie capitaliste se développe par une série de révolution industrielle, on peut se demander si toute révolution industrielle n’est pas toujours une révolution des transports.
La capacité à franchir les distances est en effet un moteur puissant d’organisation et de réorganisation des économies. Si la transformation des modes de transports structure l’espace, elle tend à renforcer les différences entre le centre et la périphérie. Elle n’est pas spontanément un élément de cohésion des territoires. En effet, la réduction des temps et des coûts de transports a des conséquences économiques renforcent généralement les pouvoirs du centre. Le chemin de fer a donc irrigué les campagnes, mais en concentrant l’activité dans les villes.
Enfin, la question des transports interroge plus généralement sur la place des infrastructures dans la croissance économique. La contribution de Robert Barro aux théories de la croissance endogène met ainsi l’accent sur le rôle des infrastructures comme gisement d’effets externes positifs. Les transports participent alors à l’endogénéisation du progrès technique.